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vouliez me replacer dans ce que vous appelez le monde détruit, que vous méprisez tant, si vous veniez lui emprunter la liberté limitée qu'il croyait, lui, la bonne, je le comprendrais. Mais vous qui le déclarez méprisable, abominable, à jamais renversé, vous venez prendre un de ses petits moyens, un de ses petits ombrages, une de ses petites jalousies, et vous dites : Nous ne voulons pas des Jésuites!

A gauche. Mais non! Du tout. (Rires bruyants à droite.)

M. THIERS. Je le savais bien; ce n'est pas vainement que j'ai adressé la question. Je sais bien que, quand on a la main sur la vérité, il n'y a qu'à la presser pour la faire jaillir. Je savais bien que, la question posée nettement, il vous serait bien impossible de dire autre chose que non. Eh bien, oui, c'est vrai, vous ne pouvez, avec vos principes, ni arrêter le clergé ni interdire les Jésuites.

Voix nombreuses à gauche. -Non! Non!

Un membre. A la loi des associations!

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Un autre membre.

réunion!

Qu'on nous rende le droit de

M. THIERS. On me dit, je m'y attendais bien, que nous aurons à examiner ce point lors de la loi sur les associations. C'est vrai : quand on fera la loi sur les associations, on devra traiter des associations laïques et des associations religieuses, et voilà pourquoi nous n'en avons pas parlé; et il ne faut pas nous dire que, par un silence perfide, nous avons cherché

à introduire les Jésuites en France. Soit, c'est une question d'association religieuse que vous réserverez pour le moment où vous discuterez la loi sur les associations.

Seulement je me permettrai de vous dire que je vous attends à ce jour-là, pour savoir comment vous vous y prendrez pour interdire les Jésuites, vous! (Vive approbation et hilarité sur les bancs de la majorité.)

Voilà un point vidé. Oui, si l'on veut être conséquent, il n'y a pas moyen de contester que ce soit le seul avantage sérieux que l'Église puisse recueillir de cette loi; on ne le peut pas, à moins d'une odieuse inconséquence.

Maintenant je m'adresse à la droite. (Mouvement.)

C'est vrai, vous avez derrière vous, et tout le monde a derrière soi des amis mécontents; moi, je m'adresse à votre amour du vrai, à votre amour du peuple, de la société. Franchement vous avez discuté avec nous; vous avez vu avec quel soin, quelle attention, quel désir d'arriver à un résultat équitable et utile, nous avons examiné ces grandes questions. Eh bien, croyez-vous qu'on puisse détruire en France l'enseignement de l'État?

Dès qu'on ne peut pas supprimer les écoles de l'État, croyez-vous qu'il soit possible de trouver jamais une combinaison en vertu de laquelle les hommes formés dans l'enseignement n'auront pas l'avantage, dans le concours qui s'établira, pour constituer le gouvernement de l'instruction publique?

Croyez-vous qu'il soit possible de trouver une combinaison qui fasse qu'en adoptant les écoles de l'État, ceux qui seront sortis de ces écoles, les universitaires, comme on les appelle, ne seront pas toujours les principaux membres du gouvernement de l'enseignement? Vous serez bien obligés de convenir avec moi que cela est forcé. Eh bien, alors, quand on vous accorde ce que vous avez toujours demandé, la libre concurrence, quand on vous accorde le droit de créer des établissements en subissant l'inspection, avec la mesure que tout le monde doit désirer qu'elle observe, quelles sont donc les objections que vous pouvez faire? Non, je ne dis pas vous, vous êtes beaucoup trop sincères, trop amis de votre pays et de la vérité; mais quelles sont les objections qu'on peut faire en dehors de vous? Y en a-t-il que vous deviez écouter? Non. Au nom de vos vertus, de votre amour du pays, je vous somme de ne pas les écouter, car vous savez que nous avons fait le mieux et que pour nous avons fait la seule chose possible. (Vive approbation à droite.)

Maintenant, je m'adresse non plus aux uns, non plus aux autres, mais plus particulièrement aux hommes qui m'ont suivi dans ma carrière... (Interruption à gauche.)

Je ne veux pas parler de moi...

M. PISCATORY. Pourquoi pas?

M. DE MONTALEMBERT.

(Agitation.)

Vous en avez bien le droit.

Un membre à la première section de gauche.

C'est une comédie usée!

M. LE PRÉSIDENT.

(Bruit.)

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C'est la grossièreté usuelle.

M. THIERS. A quoi bon des outrages entre des gens bien élevés, qui peuvent se rencontrer tous les jours? A quoi bon des outrages? (Nouvelle interruption à la première section de gauche. - Murmures.)

M. LE PRÉSIDENT, se tournant vers les interrupteurs. Vous êtes une demi-douzaine qui recevez de fiers démentis de toute l'Assemblée. Sachez donc vous taire, on ne vous demande que cela.

M. BAUDIN. Nous n'interrompons pas. (Exclamations.)

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mures et cris: A l'ordre! A l'ordre!)

M. LE PRÉSIDENT. - A l'instant même, on vient d'adresser à l'orateur une injure grossière!

M. THIERS. - Je le répète, Messieurs, entre gens bien élevés, qui peuvent se rencontrer tous les jours, à quoi bon les outrages, ici, à la face de la France? Pourquoi ne pas nous respecter les uns les autres, pour l'honneur du pays, pour l'intérêt du gouvernement représentatif, qui court des dangers très grands, qui me navrent le cœur, à moi qui aime ce gouvernement, qui espérais qu'il vivrait dans mon pays, et qui le vois en péril aujourd'hui, et j'en atteste le ciel et mon pays, non pas par ma faute, non pas par des

excès que nous aurions commis... (Interruptions à l'ex

trême gauche.)

A droite. A l'ordre! A l'ordre! C'est intolé

rable!

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M. LE PRÉSIDENT.

Si je pouvais connaître l'inter

rupteur, je le rappellerais à l'ordre.

(M. Miot se lève et parle au milieu du bruit.)

M. LE PRÉSIDENT. - Votre nom?

M. MIOT.

Miot.

M. LE PRÉSIDENT. - Eh bien, monsieur Miot, je vous rappelle à l'ordre formellement. (Très bien!)

pour l'honneur

M. THIERS. - Je vous le répète du pays, dans l'intérêt de ce gouvernement représentatif qui doit vous être cher aussi, respectons-nous les uns les autres; ne donnons pas des arguments à ceux qui disent que c'est un gouvernement indécent, indigne, qui abaisse les mœurs du pays, qui rend ses affaires impossibles; respectons-nous les uns les autres; qu'on puisse monter ici, s'entendre, se combattre sans s'offenser, sans perdre les belles mœurs de notre pays; prouvons qu'on peut discuter les affaires utilement, sérieusement, prouvons tout cela. Cela vaut mieux, entendez-vous, que toutes les résistances que vous pouvez préparer à je ne sais quel événement obscur de l'avenir; conduisons-nous bien, je vous en conjure par cette liberté qui est notre propriété à tous, et, en nous conduisant bien, nous préparerons l'invincibilité de ce gouvernement représentatif. (Très bien! Très bien! Bravo! Bravo! - Acclamations.)

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