premiers égarements pour faire de la peine infligée une occasion d'épuration, et non de dépravation irrévocable; enfin, corriger non seulement ses imperfections morales, mais aussi ses imperfections physiques, tels sont les soins que doit, à l'enfance et à l'adolescence, une société charitable et prévoyante. La vieille société, si calomniée, n'a négligé aucun de ces soins. Les asiles pour les enfants trouvés que leur mère abandonne ou par misère, ou par une honte coupable, sont anciens. La religion et l'humanité avaient depuis longtemps songé à remplir ce devoir envers l'enfant abandonné, et, s'il y a eu récemment des variations dans la manière de le comprendre et de le remplir, si l'on a songé à la suppression des Tours, cela tient plutôt au désir de mieux faire qu'à celui de ne pas faire du tout. Depuis longtemps il existait des sociétés de maternité pour secourir la femme en couche. La reine Marie-Antoinette les avait présidées; l'empereur Napoléon avait mis sa mère à leur tête. Il en existe une fort connue dans la capitale, au secours de laquelle viennent les particuliers et l'État lui-même, et que dirigeait naguère une princesse dont une révolution a renversé le trône, mais n'a pu effacer le souvenir dans le cœur des malheureux qu'elle soulageait. Depuis longtemps la bienfaisance publique et privée s'était mêlée des nourrices, soit pour en procurer aux enfants abandonnés, soit pour en procurer aux enfants que leurs mères ne peuvent allaiter. Dans ces dernières années, une invention des plus ingénieuses et des plus touchantes, sous le titre de Crèches et de Salles d'asile, a institué des lieux pour y recueillir l'enfance depuis l'âge le plus tendre jusqu'à l'âge de l'école, et suppléer ainsi aux soins de la mère, obligée d'aller travailler loin de son enfant pour gagner la vie de cet enfant et la sienne. C'était la seule institution peut-être que l'humanité et la religion des temps antérieurs n'eussent pas encore songé à créer. Jusquelà l'enfant vivant dans les rues des villages et des villes, quelquefois suspendu dans ses langes au milieu de la ferme abandonnée, était exposé à la corruption, au vagabondage, souvent même aux animaux malfaisants. L'humanité de notre temps, à peine avertie de cette lacune existante dans nos institutions de bienfaisance, s'est emparée de cette idée, et les Crèches, les Salles d'asile, se sont multipliées dans toute la France, avec une promptitude qui prouve que le cœur de cette société n'est ni barbare ni même froid, et qu'il suffit que le bien soit certain et possible pour qu'elle s'y livre avec ardeur. La vigilance de l'autorité s'est déjà étendue sur l'enfant exposé à une exploitation trop précoce, et des lois, souvent remaniées, ayant encore besoin de l'être, ont été rendues pour déterminer le régime des enfants dans les manufactures. Des sociétés charitables, mais malheureusement en trop petit nombre, s'occupent, sur certains points du territoire, de patronner le jeune apprenti, et de diriger ses premiers pas dans la carrière du travail. L'humanité de tous les hommes éclairés a réclamé depuis quelques années pour assurer aux jeunes détenus un meilleur régime dans les prisons de l'État, et des établissements modèles, capables de contenir la moitié des jeunes condamnés que produit la France, se sont déjà élevés par le zèle spontané de quelques bienfaiteurs de l'humanité. L'enfant du peuple, souvent tombé en faute par un hasard malheureux bien plus que par une organisation vicieuse, en sort régénéré et redressé dans sa marche, comme un jeune arbre dont on a relevé le tronc. Il reste à étendre ces établissements à toute la population des condamnés de cet âge. Enfin des établissements célèbres, où la philosophie, la physiologie, la médecine, se sont réunies pour enseigner aux sourds-muets à suppléer à la parole par les signes, à l'ouïe par la vue, pour enseigner aux aveugles à suppléer à la vue par l'ouïe et le toucher, ont attiré depuis longtemps l'attention de l'Europe savante, et rien ne serait à désirer si ces établissements, au lieu d'être des modèles justement admirés, étaient devenus des établissements usuels répandus dans toute la France. Il n'est donc, pour l'enfance au moins, aucun genre de secours qui n'ait été imaginé déjà par la charité ingénieuse et créatrice des générations qui nous ont précédés, et même de la génération à laquelle nous appartenons. Enfants trouvés, Société de charité maternelle, Bureaux de nourrices, Crèches, Salles d'asile, Fixation des heures de travail pour les enfants, Sociétés de Patronage, Colonies pénitentiaires et agricoles, hospice des Sourds-Muets et des Jeunes Aveugles, tous ces genres de prévoyance anciens ou récents, embrassent dans leur ensemble l'enfance tout entière. Nous sommes donc fondés à dire que, pour cet âge, le zèle des particuliers et de l'État n'avait rien laissé à inventer, sinon à faire; nous sommes surtout fondés à dire qu'en matière de bienfaisance il faut admettre le concours de toutes les forces, celle des particuliers, de la religion, de l'État. C'est la religion qui a créé l'institution des Enfants trouvés; c'est la philosophie qui a créé l'institution des Sourds-Muets et des Jeunes Aveu gles, et elle l'a fait avec les secours de l'État; c'est la bienfaisance privée, inspirée par la religion et l'humanité, qui a inventé depuis longtemps les Sociétés de maternité; c'est cette bienfaisance privée qui a inventé tout récemment la plus ingénieuse, la plus touchante, la plus efficace de toutes les manières de secourir l'enfance, les Crèches et les Salles d'asile, et qui l'instituait à l'époque même où cette société, si active dans le bien, était le plus décriée; c'est l'État enfin qui, par la main des législateurs, a songé à réprimer l'usage abusif des forces de l'enfant; c'est l'État combiné avec la charité privée qui est venu au secours des jeunes détenus, pour les tirer des mauvaises voies et les ramener dans les bonnes. Ainsi, par ce zèle commun, empressé, uni versel, de tout ce qui veut et peut le bien, chacun agissant par ses impulsions, avec ses goûts, selon ses moyens, le bien parvient à s'accomplir. C'est ainsi entendue que l'humanité sera féconde. Mais, si nous cherchons dans ce qui existe des raisons d'être justes envers la société, et des enseignements sur la vraie manière d'opérer le bien, prétendons-nous affirmer que, si tout a été imaginé, entrevu, commencé, tout ait été achevé? Assurément non. On voudra nous le faire dire, mais nous ne le disons pas. Tout a été inventé et commencé, rien n'a été fini, et nous le prédisons à tous les siècles, aucun n'aura l'honneur de finir. La veille même du jour où notre univers cessera d'être, il restera encore du bien à faire, que le zèle le plus ardent n'aura pu accomplir. Nous nous bornons donc à prétendre que tout a été imaginé, mais nous ajoutons à l'instant même que, dans tout ce qui a été entrepris, il reste à perfectionner, à réformer d'après l'expérience, à étendre d'après les besoins. Aussi votre Commission, après s'être divisée, comme nous vous l'avons annoncé, en trois sous-commissions, de l'enfance, de l'âge mûr, de la vieillesse, a-t-elle déféré à la première l'examen de tous les établissements relatifs à l'enfance et à l'adolescence. Cette sous-commission est chargée d'examiner d'abord si la suppression des Tours, adoptée dans la crainte d'encourager les mères coupables à l'abandon de leurs enfants, ne les encourage pas, au con |