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que dans tous ces systèmes, par conséquent, on prend à des pauvres pour donner à d'autres pauvres, avec mille chances de mal faire, de se tromper, d'ôter au pauvre prévoyant pour donner au pauvre imprévoyant, d'ôter au pauvre laborieux pour donner au pauvre paresseux, droit qu'on n'a pas, car, après tout, c'est le travail de chacun qui doit faire le sort de chacun, et non l'État avec une distribution plus ou moins intelligente et équitable du bien de tous.

Le principe d'une subvention de l'État, qui, avec des primes accordées à l'exactitude des déposants, chercherait à suppléer à la retenue obligatoire, ce principe a paru à votre Commission présenter des inconvénients graves. S'il réussissait dans son application, il tendrait, en proportion du succès même, à ramener dans la main de l'État une gestion énorme, dont nous avons signalé les impossibilités et les périls. Si, renonçant à la retenue obligatoire ou aux primes qui en tiendraient lieu, on se borne à agir, à cet égard, comme on l'a fait pour les caisses d'épargne, si l'on se contente d'offrir le secours des caisses de l'État, de son administration, de ses règlements, les objections qu'on peut élever contre l'idée de substituer la prévoyance de l'État à celle des individus tombent, et votre Commission, tout en persistant à préférer le système d'économie de la caisse d'épargne, comme plus sage, plus fécond, plus conforme à l'esprit de famille, ne voit pas de difficulté à consentir à des mesures législatives, à peu près semblables à la propo

sition qu'une commission de l'Assemblée vous a déjà

faite.

HOSPICES.

Tel est l'avis de votre Commission sur les moyens que peut avoir l'État de pourvoir à la vieillesse des classes laborieuses. Mais, si elle ne croit pas que l'État doive se mettre à la place des individus pour les forcer ou les aider à se ménager des ressources pour leurs vieux jours, elle reconnaît ici, comme pour tous les âges de la vie, la nécessité de la bienfaisance, soit privée, soit locale, soit générale. On ne peut pas pourvoir à la vieillesse de tous les membres d'une société; mais, en présence du mal accompli, quelle qu'en soit la cause, la société, comme une mère qui ne dispute pas avec ses enfants en souffrance, s'empresse de secourir celui qu'elle trouve défaillant ou privé du nécessaire. Les asiles où la vieillesse obtient la subsistance, le couvert, le repos enfin, sont au nombre des plus intéressants, des plus dignes de protection et d'encouragement. Bien que les hospices servent à tous les âges de la vie, parce qu'à tous les âges de la vie il y a des infirmités redoutables qui réduisent l'homme à l'impuissance, cependant c'est à l'âge avancé que les hospices sont surtout applicables, et c'est dans la catégorie des établissements relatifs à la vieillesse que votre Commission a cru devoir les ranger. Ils ne sont pas d'hier heureusement. Vous savez en effet qu'ils composent la plus importante et la plus dispendieuse portion de l'administration des communes. Fondés en général par la bienfaisance

privée ou religieuse, ils deviennent, après avoir été fondés, le domaine des communes, qui, soit avec des dons pieux, soit avec leurs propres revenus, sont chargées d'y pourvoir. L'État ici ne peut rien, puisque des principes d'administration, dès longtemps incontestés, ont rangé dans les attributions des communes la charge méritoire autant qu'onéreuse de ces établissements. Toutes font, pour y suffire, les plus louables efforts, et il est impossible d'augmenter à volonté leurs ressources. Il faut attendre du développement de la richesse publique, qui élève le revenu des communes comme celui de l'État, par les mêmes causes et dans la même proportion, il faut attendre, disonsnous, l'accroissement des ressources consacrées aux hospices. En dehors de ce moyen d'accroître la dotation du pauvre, il ne reste que la bienfaisance individuelle excitée par la religion, ressource qui, grâce à Dieu, n'est pas près de tarir en France, car, au contraire, elle s'accroît sans cesse. Mais à cela on ne peut rien, ni par la voie de la législation, ni par les mains de l'État.

Toutefois il y aurait peut-être une modification à apporter au régime actuel des hospices, qu'il était du devoir de votre Commission de signaler. L'hospice, sous le nom d'hôpital, inspire au peuple une sorte d'aversion. Bien avant que de dangereux excitateurs eussent cherché à soulever son orgueil contre la bienfaisance des âmes charitables qui s'occupent de le soulager, le peuple avait pour ce qu'on appelle l'hô

pita une double répugnance: il s'y sentait humilié, et il s'y trouvait mal. Beaucoup de malheureux attendent en effet pour s'y rendre d'être réduits à la dernière extrémité; et, quand ils s'y décident enfin, la séparation de la famille, laissée souvent dans le dénuement, est une douleur de plus ajoutée à la maladie ou à la vieillesse. Des hommes éclairés ont pensé que, sans chercher à réduire les hospices existants, qui sont loin d'excéder le besoin, on pourrait, au lieu de les étendre dans l'avenir, employer les nouvelles ressources dont on disposerait à des secours distribués à domicile, quand il s'agirait d'infirmités temporaires, ou à de petites pensions de plus longue durée, quand il s'agirait d'infirmités incurables. Il se pourrait, dans ce cas, qu'un faible secours en argent fût plus utile à l'individu secouru et à la famille qu'un lit dans l'hôpital le mieux administré. Mais il serait possible aussi que, dans beaucoup de cas, la même somme dépensée dans un établissement commun produisit une plus grande étendue de bien. Ce résultat doit varier suivant les circonstances, les lieux, les temps, et il est difficile qu'une solution définitive soit donnée, à cet égard, avant beaucoup de discussions et d'expériences. Votre Commission a délégué à la sous-commission de la vieillesse l'examen de cette grave question. Il est quelques autres questions encore, moins importantes sans doute, mais intéressantes aussi, telles que celles qui concernent les bureaux de bienfaisance, les médecins gratuits, les eaux médicinales, les se

cours pour frais de funérailles, lesquelles sont en ce moment soumises aux diverses sous-commissions, et dont il vous sera prochainement rendu compte.

CONCLUSIONS.

Nous venons d'embrasser la vie entière de l'homme, et de parcourir le cercle de ses misères depuis sa naissance jusqu'à sa mort, triste cercle où la puissance du soulagement est malheureusement bien inférieure, de quelque manière qu'on s'y prenne, à l'étendue de la souffrance. Nous avons essayé d'énumérer les questions que soulève cette matière, si vaste et si variée, et de tracer partout, autant que nous l'avons pu, la limite entre le vrai et le faux, le possible et l'impossible. Résumons les faits et les principes.

Pour le premier âge il faut, avons-nous dit, recueillir et allaiter l'enfant que la mère délaisse par honte ou insensibilité, aider la mère qui a le courage de ne pas abandonner son enfant, veiller dans les crèches ou les salles d'asile sur celui qu'elle est obligée de négliger pour aller gagner sa vie, empêcher qu'on n'abuse des forces de l'enfant trop jeune, tâcher, s'il tombe en faute, que la correction ne soit pas l'occasion d'une corruption plus grande, le patronner enfin quand il entre dans la carrière du travail. Tous ces soins, nous en reconnaissons la nécessité, le devoir, l'urgence. Mais la société, avons-nous dit aussi, avant d'être sol

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