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Messieurs,

J'espérais, je souhaitais n'être pas ramené à cette tribune pour y discuter encore la loi soumise à vos délibérations; j'y aurais gagné d'épargner votre temps et d'épargner mes forces. Cependant la discussion à laquelle j'ai assisté hier m'a fait éprouver le besoin de reparaître encore une fois à cette tribune à l'occasion de ce grand sujet; non pas que je croie l'article que nous discutons en péril; assurément non; car la commission l'a adopté presque à l'unanimité, le gouvernement l'adopte, et M. Barthélemy SaintHilaire l'a voté, et déclare encore, je crois, qu'il le

vote.

Hier, à la fin de sa chaleureuse allocution, je lui avais demandé, comme une bien légère satisfaction, de déclarer qu'il voulait encore l'article 7, qui institue quatre-vingt-six académies. Il ne m'a pas accordé cette satisfaction; je ne m'en plains pas; mais enfin je constate que la commission, le gouvernement et M. Barthélemy Saint-Hilaire, qui s'est porté ici le défenseur de l'Université, et qui avait titre pour cela, que tous veulent l'institution des quatre-vingt-six académies.

Qu'est-ce qui m'amène donc à la tribune? C'est, si je puis me permettre de m'exprimer ainsi, l'intérêt de mettre les choses au vrai, de bien fixer dans chaque opinion ce qu'il y a de vrai et de faux, de donner en

quelque sorte aux idées la plus grande netteté possible, afin que l'Assemblée, en votant, sache bien ce qu'elle vote, voie bien le but vers lequel elle marche. Il ne suffit pas de voter, il faut voter avec satisfaction d'esprit et de conscience, en se disant bien qu'il n'y a rien d'obscur dans ce qu'on fait. Voilà le motif qui, malgré les inconvénients qu'il y a pour moi à monter à cette tribune, m'y amène; c'est de rendre la question bien claire, c'est de mettre l'Assemblée dans l'état d'esprit où elle doit être en votant cette grande et décisive loi, décisive pour l'avenir du pays.

Messieurs, vous savez ce que fait l'article en discussion il ne modifie pas seulement, et d'une manière considérable, la composition des conseils académiques, mais encore il institue quatre-vingt-six académies.

A ce sujet on a discuté, on a recherché quel était l'état de l'enseignement en France.

Cela nous conduit à discuter la loi d'un point de vue nouveau, et je viens essayer, avec toute l'impartialité dont je suis capable, de vous dire quel est, suivant moi, l'état de l'enseignement en France, quelle est la manière d'être des diverses écoles, l'influence qu'elles ont pu exercer, les modifications que nous y apporterons par la loi actuelle. C'est un point de vue nouveau de la question, que je vous demande la permission de vous soumettre. Et M. SaintHilaire n'avait pas besoin, vraiment, de faire appel à mon impartialité. Je suis très impartial, croyez-le,

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dans cette question. Nous sommes tous, je le sais, animés de l'intérêt du bien; et je ne suis pas de ces esprits chagrins qui prennent leur temps et leur pays en mauvaise part.

Certainement je ne suis pas un de ceux qui ont souhaité la révolution du 24 février... (Rumeurs à gauche.) — Parlez! Parlez! (se tournant vers la gauche.)

Messieurs, je crois vous honorer en parlant avec franchise. D'ailleurs, ce n'est pas un aveu que je fais, vous le savez bien. (Rires sur quelques bancs.)

Je ne l'ai pas souhaitée, et, si tous les efforts que j'ai faits dans l'opposition avaient pu contribuer à la produire, je ne me les pardonnerais jamais, bien que tous ces efforts aient eu pour but de l'empêcher d'arriver. (Rumeurs à gauche.)

M. MIOT. - Vous avez été carbonaro.

A droite. - N'interrompez pas! N'interrompez pas ! M. PASCAL-DUPRAT. Il ne faut pas renier son passé.

M. THIERS. - Eh bien, Messieurs, je ne l'ai pas voulue; c'est donc convenu. Je ne l'ai pas désirée; je n'ai pas voulu y contribuer. Mais enfin, elle ne m'a causé, comme homme, aucun mal; elle n'a pas altéré ma situation elle n'a rien fait qui puisse troubler la sûreté de mon jugement et qui ait pu m'inspirer des passions telles que je juge aujourd'hui les choses. autrement que je ne les jugeais autrefois.

:

Je vous ai avoué que j'avais des susceptibilités, des défiances, des ombrages, mais en présence des

grands dangers de la société je les ai complètement déposés. Cela est vrai, j'étais, à l'égard de l'influence du clergé dans l'enseignement, beaucoup plus ombrageux que je ne le suis aujourd'hui.

Je dis aujourd'hui, en toute franchise, que je tiens ces ombrages pour des puérilités, car nous sommes en présence de dangers d'une telle gravité, que la différence qu'il peut y avoir sur la manière de comprendre certaines questions, entre M. l'évêque de Langres et moi, n'est pas, dans l'état de la société, une chose sérieuse. (Approbation à droite.)

J'avoue franchement la nature du changement qui s'est opéré non pas dans mes opinions, mais dans ma conduite, et je voudrais que les hommes qui croient comme moi aux dangers sérieux de la société (se tournant vers la gauche), et vous y croyez vous-mêmes, vous nous en menacez tous les jours pour nous amener à admettre vos opinions... (Exclamations à gauche.)

M. LE PRÉSIDENT. -On vous reproche de la violence, et vous en montrez toujours! Écoutez donc vos voisins les plus sages.

M. THIERS.

Il me semble que je ne dis rien qui

puisse vous offenser.

Voix à gauche. - Parlez à l'Assemblée!

Une voix à droite. - Taisez-vous, vous autres! M. LE PRÉSIDENT. - A charge de revanche. (On rit.) Voyons, silence de toutes parts!

M. THIERS. Il y a donc un argument qu'on ne

devra plus faire valoir c'est de dire qu'en suivant un certain système de compression nous marchons aux abîmes. Vous ne croyez pas aux abîmes; voilà un argument que vous ne devrez plus faire valoir. Quant à moi, je crois qu'il y a de très grands dangers; je crois qu'en suivant la politique que vous conseillez nous y marcherions droit, nous irions y périr; je crois qu'il n'y a qu'un moyen de les conjurer, c'est une résistance ferme à l'anarchie.

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Voilà le seul changement qui s'est opéré en moi, non pas dans ma pensée, dans mes sentiments, mais dans ma conduite; oui, je tends la main à des hommes que je combattais et qui me combattaient; ils me tendent également la main; j'ai dit pourquoi : à cause du danger de la société. Est-ce que je vois les choses autrement que je ne les voyais? Non. J'ai défendu, il y a quelques années, l'Université contre des attaques qui me semblaient passionnées, injustes. Croyezvous qu'aujourd'hui je trouve que ces attaques soient devenues justes? Je vais dire en quoi je crois qu'on l'attaque mal à propos, injustement.

Mon honorable ami M. de Montalembert, avec la générosité de ses sentiments... (Bruit confus.) M. de Montalembert est, je le répète, mon ami; M. de Montalembert, avec la généreuse vivacité de ses sentiments, revenant hier au passé, a été, à mon avis, rigoureux pour l'Université; M. Saint-Hilaire en a présenté une apologie un peu idolâtre. (Rires prolongés.)

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