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dissipées; je suis convaincu que la paix régnera sous le régime de notre loi, de même qu'elle a régné autrefois, quand on voyait l'évêque d'Hermopolis, l'abbé Nicolle, à côté de Cuvier, de Poisson, qui étaient des hommes bien différents. Ces hommes se sont entendus pendant beaucoup d'années, et ce n'est pas là du tout ce qui a fait éclater la guerre, car, si la guerre a commencé, c'est quand MM. l'évêque d'Hermopolis et Nicolle n'étaient plus dans ce conseil, et, j'en demande pardon à M. de Cazalès, la querelle n'a pas commencé lorsque le clergé avait sa part dans le gouvernement de l'enseignement; elle a commencé après qu'il en est sorti. Il y a eu concorde parfaite lorsque l'évêque d'Hermopolis et l'abbé Nicolle étaient dans le conseil, parce qu'au lieu de faire des mandements, au lieu de s'attaquer dans les journaux, on se voyait, on s'entendait, l'accord existait. Je crois que l'accord est possible, je crois qu'il existera, je l'espère et je le désire.

Vous nous accusez quelquefois de désespérer du pays. Mais, si nous en désespérons quelquefois d'une manière générale, il faut convenir qu'on nous donne ici des spectacles qui ne sont pas faits de confiance, d'espérance et de sécurité. C'est bien vrai!

pour remplir

A droite. M. THIERS. Mais vous, à votre tour, de quoi désespérez-vous? Vous désespérez de la conscience humaine et de l'esprit humain; et, quand de bons citoyens se réunissent pour délibérer dans un conseil, vous

dites que, parce que les uns sont vêtus d'un habit noir, les autres d'une autre manière, ils ne pourront pas discuter sur ces matières sans être en désaccord les uns avec les autres.

M. l'évêque de Langres, vous dites qu'il a fait ses réserves. Et qu'ont-elles donc de si inquiétant, ces réserves? M. l'évêque de Langres n'aurait pas même été obligé de les donner, si certaines interprétations de ses paroles ne l'avaient amené à la tribune. (C'est vrai!) Qu'a dit M. l'évêque de Langres : « Nous ne pouvons pas entrer dans ces conseils, si l'on veut attaquer notre foi, si l'on nous demande des actes contraires à notre foi. » Cela est tout simple; M. l'évêque de Langres, par une délicatesse scrupuleuse que j'honore, que je respecte, est venu faire ses réserves ; c'est bien entendu.

Mais que peut-il se passer dans le conseil supérieur de l'instruction publique? Si vous connaissiez ses travaux, vous verriez que rien ne peut y intéresser la conscience des uns ou des autres. Est-ce que M. l'évêque de Langres voudra entreprendre sur la foi du protestant? Est-ce que le protestant voudra entreprendre sur la foi de M. l'évêque de Langres? Pas du tout; il ne s'agit pas de la foi; il s'agit de veiller sur la jeunesse. Et savez-vous ce que c'est que de veiller sur la jeunesse? Ah! cela se réduit à des termes bien simples il faut écarter de la jeunesse, dont l'esprit doit être surveillé avec soin, tout ce qui pourrait la corrompre. Vous vous rappelez les paroles d'un an

cien sur l'enfance, qu'il faut tant respecter; eh bien, oui, il faut respecter l'enfance, c'est-à-dire qu'il faut écarter de son esprit tout livre contesté; qu'il faut écarter de l'enseignement tout professeur contesté (rumeurs à gauche); il ne faut rien de contesté devant la jeunesse. (Exclamations à gauche.)

A droite.

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Certainement! C'est très vrai !

M. THIERS. Rien de contesté je vais vous dire pourquoi. Quand on me montrera un livre dans lequel la religion du pays est attaquée.....

Un membre à gauche. - Il n'y en a pas de religion. du pays! (Vives réclamations à gauche.)

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M. NETTEMENT. Comment, il n'y a pas de religion du pays! Vous calomniez le pays.

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M. LE PRÉSIDENT. Chacun ne parle que pour soi, en pareil cas.

M. THIERS.

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- Voyons, Messieurs, je sais bien que la Constitution a effacé les mots de religion de l'État... A gauche. Et la Charte aussi. (N'interrompez pas! N'interrompez pas!)

M. THIERS. La Charte, non, elle a dit: La religion de la majorité des Français. (Exclamations à gauche.)

Supposez qu'un livre de géographie soit écrit par un géographe dans l'année où nous vivons; croyezvous qu'ayant à faire le dénombrement des nations, d'après leur culte, il rangera la France..... dans quel culte la rangera-t-il, voyons? (Rires bruyants à droite. Très bien! Très bien!)

M. MATHIEU (DE la Drôme). - Il la rangera dans le culte que professe la majorité de l'Assemblée. (Exclamations diverses et rires.)

M. LE PRÉSIDENT. C'est le catholicisme!

M. THIERS.-Vous ne pouvez pas dire une chose qui, nous autres membres de cette majorité, nous satisfasse davantage, car la religion catholique en France, d'après ce que nous disent les statistiques, compte 30 millions et quelques mille âmes sur 36 millions; or, si nous représentons 30 millions de Français, je suis, pour ma part, très satisfait de notre lot. (Rire approbatif à droite.)

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M. THIERS.

Combien y en a-t-il de sincères?

Quand je dis la religion du pays, je veux dire ce qui est connu de tout le monde, c'est que la France est une nation catholique. (Interruption à gauche. Exclamations et nouveaux rires à droite.)

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Je dis que ce gouvernement de l'enseignement ne met pas les convictions religieuses dans un état qui les rende incompatibles, impossibles les unes à côté des autres; je dis qu'il ne faut rien de contesté pour la jeunesse, et moi je ne crains pas de l'avouer à la face de mon pays, et je ne crains pas qu'il y ait un seul ecclésiastique qui n'accepte la question ainsi posée et qui ait le moindre scrupule. Si, membre d'un conseil d'enseignement, on m'apporte un livre qui blesse la foi catholique ou blesse la foi protestante, je dirai: Il ne faut pas le mettre dans l'enseignement, il n'est

pas fait pour la jeunesse ; la controverse n'est pas faite pour elle... (Interruption prolongée.)

J'accepte la façon un peu superbe avec laquelle quelques interrupteurs accueillent mon raisonnement; mais je le maintiendrai envers et contre tous, l'enfance n'est pas l'âge des controverses; non. Dans l'enseignement supérieur, quand vous ferez des théologiens, quand vous ferez des docteurs en droit, oh! qu'à cet âge-là vous initiiez les jeunes gens aux controverses, je le comprendrai; mais dans l'enseignement secondaire, dont nous réglons ici les destinées, il faut respecter l'enfance. Il y a dans les choses non contestées par l'esprit humain toute une science admirable, et c'est la bonne, c'est celle qu'il faut donner en histoire, en morale, en politique, à la jeunesse; c'est cette science non contestée qui est celle du genre humain et de tous les siècles; il y a là toute une instruction des plus solides et des meilleures à donner. Hors de cette science non contestée et non contestable, qui est celle de tous les pays, qui convient à toutes les formes de gouvernement, qui est la véritable science humaine, hors de celle-là il ne faut pas permettre qu'on vienne envahir l'esprit de la jeunesse, le troubler, l'agiter; le temps des disputes viendra assez tôt. Messieurs, il faut respecter l'enfance. Ce n'est pas pour elle une gymnastique utile que celle de nos passions; non, c'est une gymnastique désastreuse. Conservez les enfants dans leur pureté, dans leur tranquillité, dans leur repos d'âme; vous leur apprendrez toujours assez tôt les

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