Slike stranica
PDF
ePub

CLXIII

DISCOURS

DANS LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI

SUR

L'INSTRUCTION PUBLIQUE

(CONGREGATIONS RELIGIEUSES NON AUTORISÉES)
PRONONCÉ LE 23 FÉVRIER 1850

A L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

L'art. 65 du projet de loi portait que tout Français, âgé de 25 ans au moins et n'ayant encouru aucune des incapacités comprises dans l'art. 24 du même projet, pourrait former un établissement d'instruction secondaire, à la condition de déposer dans les mains du recteur de l'académie où il avait l'intention de s'établir les pièces dont on lui remettrait le récépissé. Suivait l'énumération de ces pièces. A cet article, M. Savatier-Laroche et trois de ses collègues proposaient d'ajouter la disposition suivante: « Nul ne pourra tenir une école publique ou libre, primaire ou secondaire, laïque ou ecclésiastique, ni même y être employé, s'il fait partie d'une congrégation religieuse non reconnue par l'État. »

D'après la déclaration de ses auteurs eux-mêmes, ce paragraphe visait surtout les congrégations de jésuites, dont l'évêque de Langres, Mgr Parisis, s'empressa de prendre la défense. Tout en reconnaissant les erreurs de quelques-uns de ses membres, ce prélat affirma qu'elle n'enseignait que

ce qu'enseignait l'Église orthodoxe, et que cette dernière devrait considérer comme dirigées contre elle-même toutes mesures prises contre des hommes en qui elle ne voyait que des enfants soumis, des prêtres pieux et zélés et des soldats courageux et fidèles.

M. Savatier-Laroche répliqua que la loi en discussion avait fait au clergé une large part, qu'il avait ses représentants partout et n'avait pas d'ailleurs à se plaindre. Mais autre chose était, en appelant le clergé à participer à l'instruction publique, d'y admettre aussi des congrégations non reconnues par la loi, ayant leurs chefs à l'étranger, et qui, recevant leurs inspirations du dehors, pourraient inculquer à la jeunesse des théories en opposition avec les mœurs et les institutions de la France.

Ce fut M. Thiers qui répondit à M. Savatier-Laroche dont il combattit l'amendement dans le discours suivant:

Messieurs,

Si je fais remarquer à l'Assemblée que l'honorable préopinant est rentré dans la discussion générale, ce n'est pas pour m'en plaindre, c'est pour me donner le droit uniquement de lui faire observer qu'il a usé, au terme de la discussion, d'une manière de procéder dont nos adversaires ont usé pendant la discussion tout entière, et qui consiste à répéter: «La loi est mauvaise (c'est de droit!); elle ne donne pas la liberté,» et à ne le prouver jamais. (Approbation à droite.) Aussi

me suis-je permis de dire à notre honorable collègue, que j'ai l'honneur de connaître et d'apprécier, quand on l'interrompait : « Parlez, mais prouvez!» Eh bien, qu'il me permette de le lui dire, il connaît mes sentiments pour lui, je ne voudrais lui rien dire de désobligeant, c'est un esprit instruit et sérieux, mais c'est un esprit plus sérieux que son discours... (Rire à droite. - Mouvements divers.) Qu'il me permette de lui dire: Non, vous n'avez pas prouvé.

Je tiens à ne pas prolonger cette discussion déjà si longue, et je ne veux pas vous empêcher, Messieurs, s'il est possible, de la terminer aujourd'hui ; mais pourtant, puisque nous sommes au terme, quelques mots rétrospectifs sur l'ensemble de la matière ne seront peut-être pas hors de saison, après le discours de l'honorable M. Savatier-Laroche.

On nous dit : Vous ne donnez pas la liberté, vous donnez la domination à l'Église.

Messieurs, c'est toujours la même situation. On veut avoir l'honneur de proclamer la liberté, et, quand les conséquences arrivent, on veut les arrêter ou même nous les imputer à nous, en nous disant: C'est la domination de l'Église que contient votre loi.

Eh bien, je vous le répéterai éternellement, jusqu'à ce que vous ayez prouvé le contraire: c'est la liberté suivant la Constitution; ses conséquences, je ne les crains pas, je ne les ai pas demandées... (Interruption à gauche.)

M. LE PRÉSIDENT. - N'interrompez pas.

M. THIERS. Les conséquences de la loi, quelles qu'elles soient (il faudrait prouver le contraire) ne seront autres que les conséquences de la liberté d'enseignement suivant la Constitution. J'ai déjà porté le défi, je le répète encore, de contester sérieusement les assertions que voici... (Bruit à gauche.)

[merged small][ocr errors][merged small]

M. THIERS. — Si j'adresse à mes adversaires un défi, c'est bien pour qu'ils me répondent, s'ils le peuvent; je vais l'énoncer dans les termes les plus simples et les plus catégoriques.

Prouvez-moi que notre loi n'est pas la liberté. Je vais définir la liberté d'enseignement, nous verrons si nous sommes d'accord. Antérieurement, on ne pouvait pas enseigner sans la permission du gouvernement. Quand on a obtenu la liberté d'enseignement, on ne pouvait pas tout enseigner, grâce à la distinction du plein exercice; tout élève de tout établissement ne pouvait se présenter aux grades; les élèves des petits séminaires ne le pouvaient pas... (Interruptions à gauche.)

Comment! à la fin de la discussion, vous venez reproduire cet éternel argument: «On ne nous donne pas la liberté ! » Et vous ne voulez pas accepter, écouter en silence l'explication définitive, péremptoire, solennelle, pour parler le langage de notre honorable collègue, que je vous offre ici? Pourquoi pas? Je vais vous céder, dans un quart d'heure, la tribune; si vous avez raison, vous pourrez y monter après moi, afin de

« PrethodnaNastavi »