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Eh bien, il a eu peur que l'homme ne se trompât en choisissant sa voie, et il a eu la présomption de la choisir pour lui, il a eu la présomption de décider de toutes les aptitudes. Il y a là autant de présomption que d'oubli de la nature humaine. Mais le communisme n'est pas un adversaire sérieux; je ne lui oppose que les grandes objections: société paresseuse, société esclave!

L'association! Je suis fàché que l'auteur ou le restaurateur de cette idée ne soit pas ici dans cette enceinte.

M. BRIVES. Ce n'est pas sa faute, à lui! (On rit.

Agitation.)

M. THIERS.

En tout cas, il a des amis qui le suppléeront. (Nouvelle hilarité.)

Cette opinion est un peu moins chimérique, un peu moins désertée que celle qu'on appelle le communisme. Est-elle plus sérieuse au fond? Quoi! de tout temps on avait regardé comme vulgaire cette vérité que, dans la gestion des affaires privées, le meilleur des surveillants était l'œil du maître. On avait toujours cru que, dans l'industrie privée, ce qu'il fallait, c'était l'ardeur, l'intelligence, l'application soutenue de l'intérêt personnel, et on nous propose dans l'industrie, quoi? L'intérêt collectif, c'est-à-dire l'anarchie dans l'industrie. Vous figurez-vous toutes les filatures, toutes les forges, toutes les usines de France, gouvernées par une association d'ouvriers! Tandis que l'intérêt privé, même avec des efforts inouïs, avec des prodiges

de capacité et d'application, arrive non pas à la fortune, mais souvent à la ruine, on prétend lui substituer l'intérêt collectif !... Vous figurez-vous une collection d'individus faisant ce que l'intérêt privé, ce que la capacité individuelle n'ont pu faire? Vous avez donc tout confondu, tout déplacé. Dans l'industrie, le véritable principe, le véritable moteur, c'est l'intérêt privé, tandis que, dans l'État, c'est l'intérêt collectif, l'intérêt général; et vous avez, je le répète, tout confondu, tout mêlé, vous avez mis dans l'industrie le principe qui ne doit se trouver que dans le gouvernement. (Très bien! Très bien!)

Je suis obligé d'aller vite, car je vous ai déjà retenus bien longtemps, et je voudrais arriver enfin au sujet qui nous occupe, et c'est pour cela que je ne touche que le sommet des choses. Si je le pouvais, je vous citerais des exemples pris ici, à Paris, dans de grands établissements, des exemples de cette association merveilleuse, qui doit régénérer l'espèce humaine, et rendre à la classe ouvrière sa prospérité, sa dignité. Vous y verriez le désordre et la ruine; vous y verriez le salaire diminué par les extravagances d'un mauvais gouvernement... S'il y a S'il y a une enquête, j'apporterai des exemples de ce principe de l'intérêt collectif qui a été substitué au principe vrai de l'intérêt individuel. Vous mettriez, je le répète, l'anarchie dans l'industrie.

Dans la société, chacun doit spéculer avec ses capitaux. Dans l'association, où prenez-vous le capital?

Dans le trésor public. Je vous dirai tout à l'heure ce que c'est que le trésor public. Si c'était le trésor du riche, à la bonne heure; si c'étaient toutes les industries qui vinssent y puiser, cela finirait par être nul, car ce serait tout le monde prêtant à tout le monde de quoi spéculer. Mais ici c'est une classe, une seule, celle qui est agglomérée dans les villes, celle qui malheureusement, sans le vouloir, est souvent l'instrument des factions, c'est cette seule classe qui vient y puiser; car l'association ne convient pas à l'agriculture, elle ne convient pas à tous les ouvriers qui viennent isolément travailler dans les maisons; elle ne convient qu'à quelques ouvriers accumulés dans de grandes usines, dans les mines, dans les filatures, dans les grands établissements métallurgiques. C'est de ceux-là seulement que vous vous occupez.

Eh bien, voyez le caractère de toutes vos inventions! Tandis que chacun spécule avec son capital, une classe, une seule, qui est peut-être d'un million d'individus sur 36 millions, spéculera avec le capital de tout le monde, et, comme elle est déjà pourvue d'un faux principe de gouvernement, ce qui l'attend, c'est la ruine.

Mais on y a pourvu, et voici le secret pour lequel on a supprimé la concurrence. Quand la concurrence n'existera plus, c'est l'association qui fixera les prix : au lieu de la vérité des prix, de cette vérité qui résulte de la liberté des transactions, et qui nous a valu tous les progrès que nous avons faits, vous aurez un mono

pole au profit d'une seule classe, qui est d'un million sur trente-six. Voilà le système de l'association au vrai.

M. VICTOR CONSIDÉRANT. Je demande la parole.

M. THIERS.-On a réclamé la parole. Je ne demande pas mieux qu'une discussion approfondie ait lieu sur la question d'association; mais, quoi qu'il arrive, vous ne détruirez pas les trois objections qui s'élèvent contre ce système un faux principe de gouvernement, un capital pris dans le trésor public, un monopole.

Un homme que j'ai rencontré, sans le vouloir, dans ces discussions économiques, M. Proudhon, qui a déployé de la vigueur, de la verve, un véritable bon sens quand il attaquait les autres... (rires), M. Proudhon, quand il a voulu, à son tour, créer, inventer, qu'a-t-il produit? Tandis que les autres créaient la cherté par le monopole, il a voulu, lui, créer le bon marché. C'est une bonne intention, mais par quels moyens a-t-il voulu la réaliser? Par la loi, et il a dit: On réduira de 25 pour cent toutes les valeurs, tous les salaires, tous les revenus, tous les produits, et, quand la loi aura décrété la réduction de 25 pour cent sur toutes les valeurs, le bon marché sera produit.

C'est là une invention, j'en conviens (rires); mais je vous prie de me dire s'il y a quelqu'un ici qui croie à une pareille invention. Quoi! les valeurs seront réglées par la loi! Ce sont là les inventions qui vous portent à traiter avec tant de mépris le vieux monde,

les anciens hommes d'État, la vieille société! Les valeurs dépendront de la loi!

Que d'orgueil pour une telle découverte! Et ce sont là ces inventions au nom desquelles on vient bouleverser toute une société, mépriser et invectiver des hommes d'État qui ont, depuis bien des années peut-être, prouvé quelque souci, quelque intelligence des intérêts publics. On a tout découvert, dit-on, on a tout changé, en décrétant le bon marché, et l'on a décidé que les valeurs seraient fixées par la loi... Mais cela s'appelait autrefois le maximum, et cela est resté une des idées les plus bafouées des temps passés.

Ce n'est pas tout. M. Proudhon, bien sévère pour ses collègues en socialisme, leur dit... je ne veux pas répéter les mots, vous m'interrompriez, vous auriez bien raison... (On rit.) Il leur dit Vous êtes des aveugles; quelquefois il emploie ces mots : Vous me dégoûtez. Puis il ajoute : Vous n'avez pas vu où était le véritable mal: le véritable mal est dans le numéraire, c'est là ce méchant roi qu'il faut détrôner; il a un vice, et ce vice, c'est de se refuser... (Hilarité prolongée.)

Ne croyez pas qu'ici, dans un sujet aussi grave, aussi sérieux, je veuille prêter des expressions ou des idées aux hommes que je combats. Je prends textuellement leurs paroles, et il y en a de plus extraordinaires que celles que je cite Oui, M. Proudhon prétend que le numéraire a le défaut de se refuser; et bien vite il répare le mal, car rien ne coûte dans les

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