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ment la doctrine de quelques esprits, égarés ou pervers, qui cherchent la célébrité ou la puissance à travers les ruines de l'ordre social. Il n'en a rien été. L'auteur a soutenu qu'il n'entendait nullement attaquer le principe de la propriété (principe que, du reste, il se réservait d'attaquer plus tard, et dans une autre occasion); il a soutenu qu'il voulait, au contraire, apporter secours à la propriété elle-même, en lui demandant un sacrifice momentané, au moyen duquel on relèverait le crédit privé et public, et rouvrirait toutes les sources de la production.

La question ainsi posée, la proposition perdait toute sa gravité, car, il faut le dire, à titre de conception financière, elle ne mérite pas qu'on s'y arrête.

Votre comité a fort regretté qu'on abandonnât ainsi le véritable terrain sur lequel cette proposition aurait dû être débattue. Il aurait souhaité, et vous partagerez sans doute ce vou, que les doctrines antisociales au moyen desquelles on soulève une multitude aveuglée, au moyen desquelles on la pousse à verser le sang des citoyens, à tourner contre la patrie des forces qui devraient être réservées contre ses seuls ennemis, que ces doctrines funestes fussent portées hardiment à cette tribune, et soumises à l'épreuve d'une discussion solennelle. Les grands principes de la famille, de la propriété, sur lesquels repose l'ordre social, ne sont pas de ces vieux privilèges qui n'ont d'autre force que le temps ou le silence dont on les

entoure; ce sont des principes sacrés, indestructibles, qu'aucune logique humaine, quelque audacieuse qu'elle soit, ne saurait renverser, et qui peuvent être discutés au grand jour. Il importe même qu'ils le soient, et que la discussion raffermisse tout ce qu'elle a ébranlé. On a droit de demander à ceux qui, hors de cette enceinte, se montrent si hardis à nier tous les principes sociaux, de conserver devant vous un peu de cette hardiesse, et de vous apporter à vousmêmes les doctrines qu'ils réservent pour une multitude trop facile à tromper.

Mais cet appel à la discussion ne doit point être un piège. En sommant toutes les doctrines antisociales de se produire, ce ne doit pas être pour les étouffer sous des cris de réprobation, c'est pour les entendre gravement, froidement, y répondre de même, en laissant ensuite à la raison éclairée le soin de prononcer. Il ne faut pas que les Érostrates du temps puissent se croire des Galilées, en disant qu'on les a condamnés sans les entendre et sans les comprendre. Mais aussi il faut qu'ils parlent, qu'ils viennent à ce souverain tribunal, où toute assertion hasardée, toute allégation fausse, tout calcul inexact, toute calomnie, trouvent une rectification immédiate et péremptoire. Nous espérons que cette solennelle épreuve ne manquera pas aux grandes vérités morales sur lesquelles reposent la sécurité et la prospérité du pays, l'avenir de la république, le salut même de la civilisation.

Le projet sur lequel je suis chargé de vous présen

ter un rapport, ayant, par la nouvelle interprétation qu'en a donnée son auteur, perdu son vrai caractère, ne mérite pas, à titre de conception financière, un long examen. Quelques mots suffiront pour vous le faire apprécier.

Je viens, Messieurs, de vous en exposer les dispositions essentielles. Les fermiers, les locataires, les débiteurs de créances quelconques, seraient déchargés d'un tiers des fermages, loyers, intérêts de capitaux prêtés; une moitié de ce tiers, c'est-à-dire un sixième, leur appartiendrait, un sixième serait versé à l'État. Cette disposition n'étant plus ce qu'elle était dans le projet primitif, c'est-à-dire une réduction de la rente de la terre ou de l'intérêt des capitaux, ne peut plus se comprendre dans un système d'impôts; car c'est une moitié du produit abandonnée, non à des percepteurs, ce qui, dans tous les cas, serait exorbitant, mais à des dépositaires qui n'ont d'autre service à rendre que celui de verser les fonds dont ils sont les débiteurs, dans une main plutôt que dans une autre. Dès lors, ce prélèvement à leur profit ne saurait avoir qu'un sens, celui d'une récompense accordée à la dénonciation. En effet, beaucoup de ces fermages, loyers, intérêts de capitaux, dus à divers propriétaires, sous des formes infiniment variées, souvent dissimulés au moyen d'actes sous seing-privé, difficilement saisissables par la loi, même la mieux rédigée, échapperaient à l'impôt dont on veut les frapper, si celui qui les doit ne venait, dans l'espoir d'en retenir

la moitié, en dénoncer l'existence à l'État. On encourage donc à une odieuse révélation les débiteurs de tout genre. Révélez, leur dit-on, ce que vous devez; la moitié sera pour le Trésor, la moitié pour vous.

On a donc à choisir entre une attaque avouée à la propriété, ou une provocation immorale à la révélation de toutes les natures de contrat existant entre les citoyens. Violation de la propriété, ou prime à la délation, telles sont les qualifications que votre Comité croit devoir infliger à la principale des dispositions de ce projet. L'auteur, du reste, les a provoquées luimême, soit dans son premier projet, soit dans le second; car il a dit dans le premier, que la rente de la terre était un privilège gratuit que la société avait droit de révoquer, et dans le second, que, pour assurer la perception de l'impôt, il fallait y intéresser directement les fermiers, locataires, débiteurs, commandités, etc.

Pour justifier cet étrange abandon d'une partie des produits de l'impôt aux détenteurs momentanés de sa valeur, l'auteur du projet présente cette combinaison comme un système d'impôt et de crédit tout à la fois, de crédit réciproque, que les citoyens s'accorderaient les uns aux autres. Après beaucoup de temps consacré à l'entendre lui-même, s'expliquant en toute liberté, et écouté avec une extrême attention, nous avons eu de la peine à comprendre sa pensée, et il nous devient dès lors difficile de la faire comprendre aux autres. Nous allons toutefois essayer de vous l'exposer, autant que nous avons pu la saisir.

Le mouvement social, nous a dit le citoyen Proudhon, s'est arrêté depuis le 24 février, faute de crédit. Le capital se refuse au travail. En forçant le capital à se donner, puisqu'il ne veut pas se prêter, le mouvement se rétablira. Le propriétaire de terres, de maisons, de créances, en abandonnant une partie de ce qui lui est dû au fermier, au locataire, au débiteur, les mettra tous en état de produire. Ce sera une avance qu'il leur fera, et cette avance sera en quelque sorte réciproque, car chacun dans la société est tour à tour débiteur et créancier, locataire et propriétaire. On ne recevra pas tout ce qu'on attendait, mais on ne payera pas non plus tout ce qu'on devait. Il y a plus, le débiteur de fermages, de loyers, d'intérêts, payant un sixième de moins, pourra donner ses produits à meil leur marché, et le propriétaire, le créancier, frustré en apparence d'une partie de ses revenus, retrouvera dans le bas prix de toutes choses le dédommagement du sacrifice qu'il aura fait.

En définitive, personne n'aura perdu. Cette mesure aura commencé par une atténuation du loyer des capitaux mobiliers et immobiliers, et fini par une atténuation du prix de tous les produits de la terre et de l'industrie. Ce sera une avance que le capital aura faite au travail, et que le travail lui rendra en bon marché.

Je fais effort, Messieurs, pour rendre spécieuses ces pensées étranges, et pour les rendre un instant acceptables, afin de pouvoir les discuter. Admettons

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