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PARIS.

Impr. J. CLAYE.

A. QUANTIN et C, rue Saint-Benoft

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LE FILS MAUGARS

DEUXIÈME PARTIE (1).

V.

Les bureaux de la banque venaient de s'ouvrir à peine, et M. Maugars travaillait depuis deux heures déjà dans son cabinet. Cette pièce étroite, plus longue que large, haute de plafond, prenait jour sur le jardin. On y accédait du vestibule par une double porte matelassée; une autre, plus petite, pratiquée dans la boiserie du fond, communiquait avec les bureaux par un couloir et un escalier

de service.

- Aucun luxe d'ameublement. Un massif bureau

à la Tronchin occupait l'un des angles voisins de la fenêtre, garnie de rideaux de serge verte déteinte; à l'angle opposé, une sorte de coffre-fort en châtaignier brut était solidement fixé au mur par des ferrures rouillées. Un fauteuil à siège mobile et quatre chaises de crin complétaient le mobilier. Les parois étaient tapissées d'un papier gris commun, décollé par places et laissant voir le plâtre sali de la muraille; au-dessus de la cheminée de pierre, peinte en marbre, une pendule à colonnes battait les secondes et un semainier indiquait le quantième du mois.

Les commis étaient appelés rarement dans ce sanctuaire; quand ils y pénétraient, c'était toujours avec un battement de cœur et un frisson le long de l'échine, car M. Maugars ne les y mandait d'ordinaire que pour leur infliger une semonce de sa voix dure et brève. Lorsque le banquier avait un ordre à donner, il descendait

(1) Voyez la Revue du 15 avril.

lui-même dans ses bureaux. Les cliens qui avaient à traiter d'affaires importantes avec M. Maugars étaient seuls admis à gravir les marches du petit escalier, et encore devaient-ils préalablement donner au garçon de caisse une sorte de mot de passe, sans lequel la porte leur était impitoyablement refusée.

Plus d'un était monté par cet escalier, la tête haute et avec des airs dégagés, qui en était redescendu l'oreille basse, avec la poitrine serrée par un double sentiment de rage et de désespérance. Les chaises de crin, le papier gris déchiré, la pendule au timbre fêlé avaient été témoins de lamentables scènes et avaient entendu des paroles terriblement émouvantes, arrachées par la colère ou la prière, proférées par de rudes bouches de paysans ou par des lèvres pâlies de gentilshommes campagnards aux abois, murmurées les larmes aux yeux ou la rougeur au front. Il semblait que les angoisses, les humiliations, les désespoirs, accumulés pendant des années dans cette pièce étroite, s'y étaient condensés le long des murs, avaient imprégné l'atmosphère et donné à l'ameublement cette physionomie sinistre qui contrastait si cruellement avec le spectacle, entrevu à travers les vitres poudreuses; — avec le jardin, où les rosiers grimpans s'épanouissaient, où les oiseaux gazouillaient dans les lilas et les faux ébéniers.

La pendule au timbre cassé achevait de sonner huit heures, quand on frappa à la porte du vestibule.

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Puis-je entrer? demanda Étienne Maugars.

Et comme la réponse se faisait attendre, le jeune homme, sans plus de cérémonie, pénétra dans le cabinet au moment où un visiteur s'effaçait et disparaissait par la petite porte des bureaux. Étienne eut le temps de reconnaître l'allure oblique et la tête pointue de Jean Berloquin. Cet homme avait en effet une façon d'entrer et de sortir qui n'appartenait qu'à lui. Il coulait son mince et souple corps de belette par les portes à peine entre-bâillées, montrant d'abord une figure inquiète et cauteleuse, puis un bras, puis le buste qui émergeait, entraînant après lui de longues jambes hésitantes. Quand le client eut complètement disparu :

Bonjour! c'est toi? fit le banquier avec un froncement de sourcils qui trahissait un commencement d'impatience, que me veuxtu?

Le jeune homme était pâle, mais il avait dans le regard quelque chose de net et de ferme qui annonçait une résolution bien arrêtée. — Bonjour, père, répondit-il, je voudrais causer avec toi; peux-tu m'accorder quelques minutes?

Le banquier consulta sa montre. Je puis te donner une demiheure, reprit-il, pas une seconde de plus, car j'ai un rendez-vous d'affaires à huit heures et demie... Va, je t'écoute.

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