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prit raisonnable, ne puisse être déçu dans les choses qu'il croira savoir clairement et distinctement; autrement nous ne voyons point encore que nous puissions répondre avec certitude de la vérité d'aucune chose.

En cinquième lieu, si la volonté ne peut jamais faillir, ou ne pèche point lorsqu'elle suit et se laisse conduire par les lumières claires et distinctes de l'esprit qui la gouverne, et si, au contraire, elle se met en danger de faillir lorsqu'elle poursuit et embrasse les connoissances obscures et confuses de l'entendement, prenez garde que de là il semble que l'on puisse inférer que les Turcs et les autres infidèles non seulement ne pèchent point lorsqu'ils n'embrassent pas la religion chrétienne et catholique, mais même qu'ils pèchent lorsqu'ils l'embrassent, puisqu'ils n'en connoissent point la vérité ni clairement ni distinctement. Bien plus, si cette règle que vous établissez ' est vraie, il ne sera permis à la volonté d'embrasser que fort peu de choses, vu que nous ne connoissons quasi rien avec cette clarté et distinction que vous requérez pour former une certitude qui ne puisse être sujette à aucun doute. Prenez donc garde, s'il vous plaît, que, voulant affermir le parti de la vérité, vous ne prouviez plus qu'il ne faut, et qu'au lieu de l'appuyer vous ne la renversiez.

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I

En sixième lieu, dans vos réponses aux précédentes objections, il semble que vous ayez manqué de bien tirer la conclusion dont voici l'argument: « Ce que clairement et distinctement nous >> entendons appartenir à la nature, ou à l'essence, » ou à la forme immuable et vraie de quelque chose, cela peut être dit ou affirmé avec vérité de » cette chose ; mais, après que nous avons soigneu» sement observé ce que c'est que Dieu, nous en» tendons clairement et distinctement qu'il appar>>> tient à sa vraie et immuable nature qu'il existe. » Il faudroit conclure: Donc, après que nous avons assez soigneusement observé ce que c'est que Dieu, nous pouvons dire ou affirmer cette vérité, qu'il appartient à la nature de Dieu qu'il existe. D'où il ne s'ensuit pas que Dieu existe en effet, mais seulement qu'il doit exister si sa nature est possible ou ne répugne point, c'est-à-dire que la nature ou l'essence de Dieu ne peut être conçue sans existence, en telle sorte que, si cette essence est, il existe réellement; ce qui se rapporte à cet argument, que d'autres proposent de la sorte: S'il n'implique point que Dieu soit, il est certain qu'il existe; or il n'implique point qu'il existe, donc, etc. Mais on est en question de la mineure, à savoir, qu'il n'implique point qu'il existe, la vérité de laquelle quelques uns de nos adversaires révoquent

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en doute, et d'autres la nient. De plus, cette clause de votre raisonnement, « après que nous avons as>> sez clairement reconnu ou observé ce que c'est que >> Dieu, » est supposée comme vraie, dont tout le monde ne tombe pas encore d'accord, vu que vous avouez vous-même que vous ne comprenez l'infini qu'imparfaitement; le même faut-il dire de tous ses autres attributs: car tout ce qui est en Dieu étant entièrement infini, quel est l'esprit qui puisse comprendre la moindre chose qui soit en Dieu que très imparfaitement? Comment donc pouvez-vous avoir assez clairement et distinctement observé ce que c'est que Dieu ?

En septième lieu, nous ne trouvons pas un seul mot dans vos Méditations touchant l'immortalité de l'âme de l'homme, laquelle néanmoins vous deviez principalement prouver, et en faire une très exacte démonstration pour confondre ces personnes indignes de l'immortalité, puisqu'ils la nient, et que peut-être ils la détestent. Mais, outre cela, nous craignons que vous n'ayez pas encore assez prouvé la distinction qui est entre l'âme et le corps de l'homme', comme nous avons déjà remarqué en la première de nos observations, à laquelle nous ajoutons qu'il ne semble pas que, de cette distinction de l'âme d'avec le corps, il s'ensuive qu'elle soit incorruptible ou immortelle : car qui sait si sa na

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ture n'est point limitée selon la durée de la vie corporelle, et si Dieu n'a point tellement mesuré ses forces et son existence qu'elle finisse avec le corps?

Voilà, Monsieur, les choses auxquelles nous désirons que vous apportiez une plus grande lumière, afin que la lecture de vos très subtiles et, comme nous estimons, très véritables Méditations soit profitable à tout le monde. C'est pourquoi ce seroit une chose fort utile si, à la fin de vos solutions, après avoir premièrement avancé quelques définitions, demandes et axiomes, vous concluiez le tout selon la méthode des géomètres, en laquelle vous êtes si bien versé, afin que tout d'un coup, et comme d'une seule œillade, vos lecteurs y puissent voir de quoi se satisfaire, et que vous remplissiez leur esprit de la connoissance de la Divinité.

RÉPONSES DE L'AUTEUR

AUX SECONDES OBJECTIONS.

MESSIEURS,

C'est avec beaucoup de satisfaction que j'ai lu les observations que vous avez faites sur mon petit traité de la première philosophie; car elles m'ont fait connoître la bienveillance que vous avez pour moi, votre piété envers Dieu, et le soin que vous prenez pour l'avancement de sa gloire: et je ne puis que je ne me réjouisse non seulement de ce que vous avez jugé mes raisons dignes de votre censure, mais aussi de ce que vous n'avancez rien contre elles à quoi il ne me semble que je pourrai répondre assez commodément.

En premier lieu, vous m'avertissez de me ressouvenir «< que ce n'est pas tout de bon et en vé› rité, mais seulement par une fiction d'esprit, que » j'ai rejeté les idées ou les fantômes des corps pour » conclure que je suis une chose qui pense, de » peur que peut-être je n'estime qu'il suit de là que » je ne suis qu'une chose qui pense'. » Mais j'ai déjà

Voyez secondes objections, page 399.

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