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cure baissoit à proportion que la colonne d'air diminuoit en hauteur. Pourquoi Pascal n'a-t-il point avoué qu'il devoit cette idée à Descartes? N'étoient-ils pas tous deux assez grands pour que cet aveu pût l'honorer?

Les propriétés de l'air, sa fluidité, sa pesanteur et son ressort le rendent un des agents les plus universels de la nature. De son élasticité naissent les vents. Descartes les examine dans leur marche. Il les voit naître sous l'impression du soleil, qui raréfie les vapeurs de l'atmosphère; suivre entre les tropiques le cours de cet astre, d'orient en occident; changer de direction à trente degrés de l'équateur; se charger de particules glacées, en traversant des montagnes couvertes de neiges; devenir secs et brûlants en parcourant la zone torride; obéir, sur les rivages de l'océan, au mouvement du flux et du reflux; se combiner par mille causes différentes des lieux, des météores et des saisons; former partout des courants, ou lents ou rapides, plus réguliers sur l'espace immense et libre des mers, plus inégaux sur la terre, où leur direction est continuellement changée par le choc des forêts, des villes et des montagnes, qui les brisent et qui les réfléchissent. Il pénètre ensuite dans les ateliers secrets de la nature; il voit la vapeur en équilibre se condenser en nuage; il analyse l'organisation des neiges et des grêles; il décompose le

tonnerre, et assigne l'origine des tempêtes qui bouleversent les mers, ou ensevelissent quelquefois l'Africain et l'Arabe sous des monceaux de sable.

Un spectacle plus riant vient s'offrir. L'équilibre des eaux suspendues dans le nuage s'est rompu, la verdure des campagnes est humectée, la nature rafraîchie se repose en silence, le soleil brille, un arc, paré de couleurs éclatantes, se dessine dans l'air. Descartes en cherche la cause; il la trouve dans l'action du soleil sur les gouttes d'eau qui composent la nue: les rayons partis de cet astre tombent sur la surface de la goutte sphérique, se brisent à leur entrée, se réfléchissent dans l'intérieur, ressortent, se brisent de nouveau, et vont tomber sur l'oeil qui les reçoit. Je ne cherche point à parer Descartes d'une gloire étrangère; je sais qu'avant lui Antonio de Dominis avoit expliqué l'arc-en-ciel par les réfractions de la lumière mais je sais que ce prélat célèbre avoit mêlé plusieurs erreurs à ces vérités. Descartes expliqua ce phénomène d'une manière plus précise et plus vraie : il découvrit le premier la cause de l'arcen-ciel extérieur; il fit voir qu'il dépendoit de deux réfractions et de deux réflexions combinées. S'il se trompa dans les raisons qu'il donne de l'arrangement des couleurs, c'est que l'esprit humain ne marque pas à pas vers la vérité; c'est qu'on n'avoit point encore analysé la lumière; c'est qu'on ne sa

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voit point alors qu'elle est composée de sept rayons primitifs, que chaque rayon a un degré de réfrangibilité qui lui est propre, et que c'est de la différence des angles sous lesquels ces rayons se brisent que dépend l'ordre des couleurs. Ces découvertes étoient réservées à Newton. Mais, quoique Descartes ne connût pas bien la nature de la lumière, quoiqu'il la crût une matière homogène et globuleuse répandue dans l'espace, et qui, poussée par le soleil, communique en un instant son impression jusqu'à nous; quoique la fameuse observation de Roemer sur les satellites de Jupiter n'eût point encore appris aux hommes que la lumière emploie sept à huit minutes à parcourir les trente millions de lieues du soleil à la terre, Descartes n'en explique pas avec moins de précision, et les propriétés générales de la lumière, et les lois qu'elle suit dans son mouvement, et son action sur l'organe de l'homme. Il représente la vue comme une espèce de toucher, mais un toucher d'une nature extraordinaire et plus parfaite, qui ne s'exerce point par le contact immédiat des corps, mais qui s'étend jusqu'aux extrémités de l'espace, va saisir ce qui est hors de l'empire de tous les autres sens, et unit à l'existence de l'homme l'existence des objets les plus éloignés. C'est par le moyen de la lumière que s'opère ce prodige. Elle est, pour l'homme éclairé, ce que le bâton est pour

l'aveugle: par l'un, on voit, pour ainsi dire, avec ses mains; par l'autre, on touche avec ses yeux. Mais, pour que la lumière agisse sur l'oeil, il faut qu'elle traverse des espaces immenses; ces espaces sont semés de corps innombrables, les uns opaques, les autres transparents ou fluides. Descartes suit la lumière dans sa route, et à travers tous ces chocs: il la voit, dans un milieu uniforme, se mouvoir en ligne droite; il la voit se réfléchir sur la surface des corps solides, et toujours sous un angle égal à celui d'incidence; il la voit enfin, lorsqu'elle traverse différents milieux, changer son cours, et se briser selon différentes lois.

La lumière, mue en ligne droite, ou réfléchie, ou brisée, parvient jusqu'à l'organe qui doit la recevoir. Quel est cet organe étonnant, prodige de la nature, où tous les objets acquièrent tour à tour une existence successive; où les espaces, les figures et les mouvements qui m'environnent sont créés; où les astres qui existent à cent millions de lieues deviennent comme partie de moi-même; où, dans un demi-pouce de diamètre, est contenu l'univers ? Quelles lois président à ce mécanisme? quelle harmonie fait concourir au même but tant de parties différentes? Descartes analyse et dessine toutes ces parties, et celles qui ont besoin d'un certain degré de convexité pour procurer la vue, et celles qui se rétrécissent ou s'étendent à proportion du nombre

de rayons qu'il faut recevoir; et ces humeurs, d'une nature comme d'une densité différente, où la lumière souffre trois réfractions successives; et cette membrane si déliée, composée des filets du nerf optique, où l'objet vient se peindre; et ces muscles si agiles qui impriment à l'œil tous les mouvements dont il a besoin. Par le jeu rapide et simultané de tous ces ressorts, les rayons rassemblés viennent peindre sur la rétine l'image des objets; et les houppes nerveuses transmettent par leur ébranlement leur impression jusqu'au cerveau. Là finissent les opérations mécaniques, et commencent celles de l'âme. Cette peinture si admirable est encore imparfaite, et il faut en corriger les défauts; il faut apprendre à voir. L'image peinte dans l'œil est renversée; il faut remettre les objets dans leur situation: l'image est double; il faut la simplifier. Mais vous n'aurez point encore les idées de distance, figure et de grandeur; vous n'avez que des lignes et des angles mathématiques. L'âme s'assure d'abord de la distance par le sens du toucher et le mouvement progressif; elle juge ensuite les grandeurs relatives par les distances, en comparant l'ouverture des angles formés au fond de l'œil. Des distances et des grandeurs combinées résulte la connoissance des figures. Ainsi le sens de la vue se perfectionne et se forme par degrés; ainsi l'organe qui touche prête ses secours à l'organe qui voit; et la vision

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