Slike stranica
PDF
ePub

Croyant avoir assez complètement répondu à ce qu'il y a de plus important dans vos deux dépêches, je vais vous donner les nouvelles que probablement vous ignorez.

Nos affaires dans le Dahra prennent une très bonne tournure. Le général Pélissier a fait capituler toutes les fractions des Beni-Zerouel, soit en rase compagne, soit dans leurs grottes qui ont été rendues impraticables au moyen de la mine, après leur évacuation. Cette fois on n'a pas eu recours au moyen du feu qui a tant affligé nos philanthropes. Mais il est bon de dire à ces âmes sensibles que c'est le souvenir de la catastrophe des Ouled-Riah qui a amené la soumission des Beni-Zerouel sans grande effusion de sang et qui amènera la soumission de beaucoup d'autres.

Bou-Maza, se voyant serré par le général Pélissier, le colonel de Saint-Arnaud et Canrobert, est passé dans les montagnes de la rive gauche du Chélif, escorté par 34 cavaliers. On le portait étendu sur une mule, sa blessure étant toujours dans un état très grave.

Les Beni-Lentès Mediouna ont fait leur soumission à M. de Saint-Arnaud. L'insurrection, battue trois fois par lui et par le lieutenant-colonel Canrobert, est circonscrite aujourd'hui chez les Aachacha et Ouled-Djounès qui habitent un pays très difficile au bord de la mer. M. de Saint-Arnaud, voyant les choses en cet état, est revenu à Orléansville avec une partie de ses troupes. Il entrera dans l'Ouarensenis par l'Oued el Ardjens, le 14 ou le 15. Il cherchera Bou-Maza chez les OuledBou-Sliman, puis il tournera de notre côté pour tomber sur les populations que nous pousserons vers lui.

J'établis un biscuit-ville sur l'Oued Figuesal, exactement au pied des montagnes où je n'entrerai sérieusement que le 14. J'y ferai une course avec quelques bataillons sans sacs.

Voici maintenant des nouvelles de la frontière de l'Ouest.

Les Beni-Amer, au nombre de 15,000 individus, dont 6 à 700 cavaliers, ont quitté la Deïra et se sont enfoncés dans le Maroc sous l'escorte de 300 cavaliers de l'Empereur. C'est une violation de la lettre du traité de Lella-Magrhnia, mais on ne peut disconvenir que ce ne soit dans son esprit, puisque c'est un gros démembrement de la Deïra et, par suite, une atteinte grave à la puissance de l'Émir. On croit que Bou-Hamidi, qui est mal avec son maître, a favorisé luimême cette émigration.

Je considère cet acte de la part de l'Empereur comme un accommodement de conscience avec ses sujets. Il a voulu atteindre les intérêts de l'Émir, sans qu'on pût lui dire qu'il était un mauvais musulman. L'internat de Miloud ben Arach avec tous ses serviteurs est un fait analogue à la fuite des Beni-Amer.

En contradiction avec cette conduite, l'Empereur a remplacé les autorités d'Ouchda par des hommes qui ont été autrefois très favorables à Abdel-Kader. On ne peut expliquer cela que par l'incohérence habituelle de la politique de cette

cour.

D'un autre côté, l'Empereur est parti pour Mequenez et son fils, celui qui a été battu à Isly, rassemble des forces. à Fez. Je ne puis croire que ce soit contre nous. Il n'est pas de caractère à vouloir une revanche, il veut plutôt remettre un peu d'ordre sur la frontière et nous ôter l'envie d'intervenir pour hater la dispersion de la Deïra.

Le général Cavaignac voit cela d'une manière différente, mais je n'en conserve pas moins mon opinion, et je lui écris que tous les événements qui viennent de se produire doivent nous interdire de faire une entreprise profonde et prolongée sur le territoire marocain. Je lui écris de se borner à quelques courses passagères pour châtier les tribus les plus voisines

qui ont commis contre nous des hostilités, ou pour favoriser la rentrée de nos tribus. Celles-ci, du reste, reviennent par petits paquets et les deux rives de la Tafna se regarnissent.

Au total, je juge que la situation de ce côté s'est très améliorée. Si Abdel-Kader y rentre dans l'état de délabrement où il est, il ne peut qu'augmenter le découragement de ce qui lui reste d'émigrants et c'est encore considérable.

Ce qui prouve que ce découragement est très grand, c'est que des tribus du Sud et de l'Est de Tlemcen, qui se dirigeaient vers la Deïra par le Sud, ont rétrogradé vers l'Est en apprenant la situation des émigrés.

Agréez, mon Prince, avec mes remerciements pour les bons services que vous nous rendez, l'assurance de mon respectueux dévouement.

Maréchal DUC D'ISLY.

Dans une lettre adressée, quelques jours après, à M. Léon Roches, secrétaire de légation au Maroc, le maréchal s'entretient de la détresse dans laquelle se trouvait l'Émir.

Le maréchal Bugeaud à M. Léon Roches, à Tanger.

Mon Cher Roches,

Alger, 31 mai 1846.

Je ne veux pas me dispenser de vous écrire malgré le peu de temps que j'ai, et bien que ma lettre au Consul général puisse être suffisante pour tous les deux. Je n'ai pas en effet grand'chose à vous dire de plus, si ce n'est que chaque jour les faits de détail viennent confirmer davantage tout ce que nos succès ont de positif.

Toutes les tribus du Désert, depuis le méridien de Tiaret

jusqu'à Bou-Sada, sont organisées et soumises comme leurs moutons. Elles ont payé de fortes contributions sans la moindre difficulté. Yusuf ramène 400 chevaux, tous propres à la remonte de la cavalerie. Il y a indépendamment de cela beaucoup de bœufs et de moutons et de l'argent.

Les chouefs du général Yusuf ont suivi l'Émir jusqu'à l'extrémité Ouest des Ouled-Sidi-Cheikh. Ils affirment qu'ils avaient environ 150 cavaliers éparpillés sur la route, les uns démontés, les autres traînant leurs chevaux par la figure, d'autres montés sur des haridelles maigres et blessées.

Si ce rapport est vrai, et Yusuf affirme qu'il l'est, sa situation me ferait pitié, s'il n'avait commis le crime d'ordonner l'égorgement de mes prisonniers.

La dispersion de la Deïra ne lui offre plus de ce côté aucune ressource. Que va-t-il donc faire? Il ne pense pas que, dans la détresse où il est, il puisse désormais être dangereux pour l'empereur du Maroc.

Les uns disent qu'il va se retirer dans le Touat, cela me paraîtrait bien étrange; d'autres à Figuig, cela est plus croyable; d'autres dans la grande Kabylie, cela me paraît difficile; d'autres enfin à Kairouan, dans le sud de Tunis.

S'il n'avait pas commis le grand crime et la grande faute politique d'égorger nos prisonniers, ce qu'il aurait de mieux à faire serait de se confier à la générosité de la France et de s'en aller à la Mecque avec une bonne pension.

Si je ne plains pas Abdel-Kader, je vous ai beaucoup plaint d'être resté mari garçon après avoir reçu l'eau bénite. Mais vous êtes à présent enfoncé dans la lune de miel, et vous êtes digne d'envie. Cette lune ne reviendra plus pour moi, mais je suis dans ma lune de gloire : j'ai vaincu les Bédouins de France en même temps que ceux d'Afrique. Je crois ceux de France plus près de reprendre les hostilités que ceux

d'Afrique. Ils disent à présent que ce n'était rien ; que cela ne valait pas la peine de s'en occuper et qu'avec des moyens aussi grands que ceux que j'avais, j'aurais dû faire bien plus vite et mieux!

Je vais me rendre dans la province d'Oran pour bien juger la situation à la frontière de l'Ouest, et empêcher, s'il y avait lieu, de troubler le cours d'affaires qui marchent au gré de nos désirs.

Mille amitiés, mon cher Roches, vous ne serez jamais plus heureux que je ne le souhaite.

Présentez mes hommages à Mae Roches. Il serait bien aimable à vous de nous l'amener entre deux bateaux, si les affaires ne réclament pas impérieusement votre présence.

Votre beau-père doit être bien content de la tournure qu'ont prise les affaires; elles vont à son gré, mais il doit voir qu'il était bon de parler des grosses dents.

Maréchal DUC D'ISLY.

Le 20 mai, le maréchal entrait dans l'Ouarensenis pour y poursuivre les populations rassemblées dans les gorges qui avoisinent le grand pic. C'était déjà dans ces retraites que les Arabes s'étaient réfugiés lors de la première invasion de 1842. Après avoir laissé le colonel Saint-Arnaud occupé à leur couper le passage, le maréchal rentra à Alger le 25 mai. Il y avait apaisement général, et les opérations mili taires dans la province d'Alger avaient pris fin; l'Ouarensenis, le Dahra, le Djebel Amour et les Ouled-Naïl ne donnant plus signe de résistance. Le général duc d'Aumale rentrait à Alger le 2 juin.

Après avoir pacifié l'Ouennougha, disait le gouverneur géné

« PrethodnaNastavi »