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réchal et ses autres lieutenants le prescrivirent de leur côté quand ils virent le succès obtenu par le commandant d'Orléansville. Au mois de juillet, le maréchal avait fait rassembler plusieurs milliers d'armes et le constatait dans les termes suivants (Moniteur Algérien du 25 juillet) :

Le général a ordonné que les canons de fusil provenant du désarmement de l'Ouarensenis et du Dahra seraient employés aux constructions de l'arsenal d'Alger et des divers établissements militaires. On les dénaturera le moins possible; à cet effet, on en fera des rampes d'escalier, des grilles, des balcons, etc. Ils serviront ainsi de monument pour constater le désarmement. Les commandants militaires qui succéderont à ceux d'aujourd'hui y trouveront la preuve permanente de la possibilité de cette mesure, qui, selon nous, doit être rigoureusement appliquée à toute tribu qui se révol

tera.

Nous n'oserions affirmer que le désarmement du Dahra et de l'Ouarensenis a été complet. Nous sommes convaincus, au contraire, que, dans certaines tribus, il reste encore des armes et même des meilleures; mais ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'à l'heure qu'il est on a recueilli plus de 7,000 fusils propres au service, et qu'on en a brisé plus de 1,500 qui étaient hors d'état de servir. L'opération se continue chez un certain nombre de tribus.

Les trois lettres intimes qui suivent, écrites par le maréchal pendant cette campagne, se réfèrent aux trois préoccupations du moment : la pluie, le chérif et le désarmement.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Ouarensenis, le 9 mai 1845. Sur l'Oued-Lira.

Chère amie, aujourd'hui nous sommes entrés sur le territoire insurgé. On ne nous a pas encore tiré un coup de fusil. Le plus grand évènement jusqu'ici, c'est un gros orage que nous avons subi hier en arrivant au bivouac et qui a duré cinq heures.

Nous détruisons les récoltes de nos ennemis autant que nous pouvons. Saint-Arnaud m'écrit que tout est à peu près fini à l'est de Tenès et qu'il opère le désarmement avec un succès qu'il n'osait espérer. Voilà qui est un grand évènement. On n'avait jamais cru possible de désarmer une tribu arabe ou kabyle. Tout annonce que d'ici à un mois nous aurons triomphé partout de la révolte. Si nous y mettons plus de temps, ce sera pour opérer le désarmement. tendresses, chères petites.

Maréchal DUC D'ISLY.

Mille

P.-S. Mes amitiés à mademoiselle Mac Leod (1). Je crains bien de n'avoir de vos nouvelles qu'à Orléansville le 22 ou le 23.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Au bas du pic de l'Ouarensenis, à l'ouest, chez les
Beni-Ilet, le 16 mai 1845.

Chère amie, nous avons eu cinq jours de grande pluie depuis notre départ de Milianah. Cela m'a fait perdre beau

(1) Mile Mac Leod devait, peu de temps après, épouser le commandant Fourichon, lieutenant de vaisseau, compatriote du maréchal.

T. III.

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coup de temps et a singulièrement fatigué les hommes et les bêtes. Mon extrême arrière-garde a été attaquée les 13 et 14 dans le long défilé des Beni-Rahilia et Beni-Ideh; l'ennemi a été vivement repoussé, mais nous avons eu dans divers petits engagements 6 hommes tués et 15 blessés.

Le mauvais temps, mes blessés, mes malades me forcent d'abréger cette première campagne. Je serai à Orléansville le 22 ou le 23, j'espère y trouver plusieurs lettres de toi et de bonnes nouvelles de nos chers enfants.

Les Beni-Chaïb, les Beni-Jadel et la très petite tribu des Taalba m'ont demandé l'aman. Je leur impose le désarmement, il n'est point encore opéré. Le général Lamoricière m'écrit qu'Abdel-Kader a quitté le Maroc et s'est dirigé dans le Désert; nous ne tarderons pas à avoir de ses nouvelles. Le colonel Géry a fait une course très heureuse dans le désert de Tittery, il a poussé jusqu'à Brézina et sur la limite nord du grand désert de sable. Il a eu deux combats très brillants. Les villes et une partie des populations nomades se sont soumises. Le chef du Djebel-Amour, avec lequel le colonel a communiqué, paraît sincère dans la parole qu'il nous a donnée. Saint-Arnaud croit en finir promptement avec les insurgés de la rive droite; d'après sa dernière lettre, il avait déjà 600 fusils de désarmement. Montre cette lettre au général de Bar, à qui j'adresse ma dépêche au ministre. Il fera de tout cela un résumé pour le Moniteur Algérien qui suivra le départ du courrier porteur de ma dépêche. Adieu, chères âmes, je vous envoie mille baisers que vous communiquerez à Marie, Charles, à Mme Saint-Germain, à Antoine.

Maréchal DUC d'Isly.

P.-S. J'ai réservé douze vaches d'une razzia pour vos orphelines; si je ne puis vous les envoyer, je les ferai vendre.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Chère amie,

Ouarensenis. Bivouac du 15 juin 1845.

Après-demain je me porte sur Orléansville, laissant les choses ici en bon train. Bourjolly et de Neveu sont chargés d'achever le désarmement déjà avancé.

J'apprends que tout n'est pas fini dans le Dahra. Le colonel de Saint-Arnaud s'est encore battu contre le chérif, qui était parvenu à réunir des contingents de toutes les tribus de la partie ouest du Dahra appartenant à la subdivision de Mostaganem. On l'a encore mis en déroute en lui tuant une centaine d'hommes. Cela m'empêchera pas, j'espère, d'aller vous embrasser. Pélissier me remplacera, momentanément du moins.

Je vous embrasse tendrement.

Maréchal DUC d'ISLY.

Le maréchal était de retour à Alger le 12 juin; il 45 1845 avait ramené avec lui le duc de Montpensier qui, après avoir subi toutes les fatigues de cette pénible et stérile campagne allait entreprendre un long voyage en

Orient.

Sept jours après la rentrée du maréchal à Alger, la colonne mème dont il avait laissé le commandement au colonel Pélissier eut à soumettre la tribu des Ouled-Rhia, dont une fraction importante s'était réfugiée dans les grottes du Dahra. Le procédé plus qu'énergique employé par le futur vainqueur de Malakoff pour exterminer ses ennemis, donna lieu à une

polémique qui n'est pas encore éteinte aujourd'hui.

La tâche que le maréchal avait laissée à ses lieutenants était de punir les tribus qui avaient accueilli et soutenu Bou-Maza; il leur avait prescrit en outre de procéder à leur désarmement.

Trois colonnes, sous les ordres des colonels Ladmirault, Saint-Arnaud et Pélissier, devaient manœuvrer, dans le Dahra d'abord, ensuite dans l'Ouarensenis, où le départ du maréchal avait laissé la répression incomplète.

Le 19 juin le colonel Pélissier, après une razzia importante, somma la tribu insurgée des Ouled-Rhia de demander l'aman; une partie de la tribu se soumit. Le reste refusa d'une manière absolue de reconnaître notre autorité il fallut l'attaquer. Les guerriers, reculant devant notre colonne, se retirèrent dans leurs grottes célèbres où, d'avance, ils avaient envoyé leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux. Le colonel en fit l'investissement. Cette opération lui coûta quelques hommes des goums et plusieurs soldats. Lorsque l'investissement fut complet, il tenta de parlementer. Ce fut en vain qu'on promit aux Arabes de respecter les personnes et les propriétés, en se bornant à exiger d'eux la remise de leurs armes. Ils firent feu sur nos parlementaires et l'un d'eux fut tué. Épuisant vis-à-vis de ces malheureux, pendant plus de cinq heures, la mesure des procédés pacifiques, le colonel Pélissier les avertit trois fois, par des indigènes soumis, du danger auquel ils s'exposaient, eux et leurs familles. Enfin, il les prévint qu'on allait les

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