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LE

MARECHAL BUGEAUD,

SA VIE

D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS ET SA CORRESPONDANCE INTIME.

CHAPITRE PREMIER.

BOU-MAZA ET LE DAHRA.

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Retour à Alger. - Premier soulèvement de 1845. — Apparitions de BouMaza. Campagne sous la pluie dans l'Ouarensenis en compagnie du duc de Montpensier. Saint-Arnaud et les chérifs. Pélissier aux grottes du Dahra. - Petite campagne d'été en Kabylie. Echange des ratifications du traité avec le Maroc. — Départ pour la France le 4 septembre 1845.

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Malgré les ovations dont il venait d'être l'objet en France, il tardait au maréchal de retourner en Algérie sur le théâtre de ses exploits. L'œuvre de la conquête et de colonisation était loin d'être achevée, et nul mieux que lui ne savait ce qu'il restait encore à faire. Cette fois, le gouverneur général retournait à son poste, investi de la confiance du souverain et de la nation, et rehaussé par le prestige de la victoire.

T. III.

1

A son arrivée, il publia l'ordre général suivant :

Au quartier général d'Alger, le 29 mars 1845.

Citoyens et soldats de l'Algérie, je suis revenu dans mon gouvernement, heureux de m'associer de nouveau aux destinées de notre conquête.

J'ai vu avec une vive satisfaction qu'en mon absence aucune affaire n'avait périclité. Les progrès en tout genre ont continué, malgré l'hiver extraordinaire que nous avons subi.

Aucun fait militaire de quelque importance n'a signalé cette période de quatre mois, si ce n'est l'attaque de quelques fanatiques contre notre poste de Sidi-bel-Abbès. Ce fait étrange a fourni à nos soldats une nouvelle occasion de prouver leur inébranlable fermeté.

Je n'aurais donc, en revenant parmi vous, que des sujets de joie, sans le douloureux événement de l'explosion de la poudrière du Môle.

Vous apprendrez avec bonheur que notre noble entreprise n'a pas moins de succès en France qu'en Afrique. La presque universalité des citoyens et des hommes politiques y ont foi; le commerce du nord, de l'est et de l'ouest de la métropole s'est ému, à son tour, par l'accroissement extraordinaire de l'exportation de nos tissus dans l'intérieur de l'Afrique, exportation qui ne peut que s'accroître par les nouvelles routes commerciales, que nous comptons ouvrir dans le petit Désert.

Notre cause est donc gagnée dans l'opinion. Elle grandira chaque jour par la valeur et les travaux de l'armée, par l'activité et la courageuse persévérance des colons, et surtout par l'intelligente sollicitude du gouvernement

Maréchal DUC D'ISLY.

Telle fut la proclamation par laquelle le vainqueur d'Isly annonça à la colonie son retour impatiemment attendu, après le voyage triomphal de cinq mois qu'il venait de faire en France.

Les deux tristes événements auxquels faisait allusion l'ordre général étaient l'explosion de la poudrière d'Alger et un coup de main, la surprise de Sidibel-Abbès (1).

(1) Le samedi 8 mars 1845, à 10 h. 1/4 du soir, deux fortes explosions suivies de détonations successives se firent entendre dans les bâtiments de la Marine. Le pavillon du commandant d'artillerie et les logements des compagnies d'ouvriers artilleurs et de pontonniers, les maisons du commissaire de la marine et du directeur du port avaient été emportés. Le contrôleur d'armes, le sergent-major armurier, sa femme et son enfant, 43 ouvriers d'artillerie, 31 pontonniers, 10 artilleurs et 2 ouvriers avaient été tués. On compta, en outre, 30 blessés. Un seul sous-officier qui eut la précaution, après la première explosion, de se réfugier dans une embrasure, fut préservé.

On eut à regretter également la perte du commandant d'artillerie Palard, et de Mme Segretier, femme du directeur du Port.

Quant à la surprise du poste de Sidi-bel-Abbès, nous en trouvons le récit dans un journal du temps, l'Écho d'Oran, des 1er et 8 février 1845.

Le poste de Sidi-bel-Abbès, à 18 lieues au sud d'Oran, à moitié chemin de Mascara à Tlemcen, se compose d'une redoute et d'un camp retranché, dans lequel sont établis un bataillon du 6o de ligne et deux escadrons de spahis.

Le 31 janvier au matin, le commandant supérieur Vinoy s'était porté avec sa cavalerie vers une tribu du voisinage, à qui des bestiaux avaient été volės.

Vers 10 heures, c'est-à-dire à l'heure du repas des soldats, des Arabes, au nombre de 60 environ, arrivaient à l'entrée du camp précédés de quelques enfants. La plupart portaient des bâtons de voyageur; aucune arme ne paraissait. Ils se présentaient pour une réclamation à adresser au commandant supérieur. Le factionnaire laisse entrer les premiers; bientôt, la tournure de ces visiteurs lui inspirant quelques doutes, il veut arrêter les suivants et est étendu mort d'un coup de pis. tolet. Cette détonation est le signal de l'attaque; tous ces fanatiques s'elancent dans le camp, tirent des armes cachées sous leurs vêtements, se précipitent sur nos soldats pris à l'improviste. La demeure du commandant supérieur est envahie, le planton tué sur la porte. Nos soldats courent aux armes, se jettent sur les Arabes qui cherchent à fuir; déjà les issues étaient gardées; tout ce qui était entré trouve la mort; on relève 58 cadavres.

Cette lutte corps à corps contre des hommes décidés à sacrifier leur vie nous a coûté cher; on évalue à plus de 30 nos tués et blessés.

Un coup de canon avertit le commandant Vinoy. Il ramena au camp les douars dont les hommes s'étaient fait tuer et qui ne contenaient plus que les femmes, les enfants, les vieillards et les troupeaux.

Moins meurtrier que l'accident de la poudrière d'Alger, l'événement de Sidi-bel-Abbès avait une portée bien plus grave. Il nous enseignait que la hardiesse et la multiplicité des courses militaires accomplies depuis quatre ans avec une incessante persévérance par le maréchal et ses lieutenants n'avaient que momentanément étouffé le fanatisme religieux des Arabes. Cette irruption en pleine paix d'une soixantaine de fanatiques ayant fait le sacrifice de leur vie pour risquer l'enlèvement d'un blockhaus, était un symptôme dont la gravité ne pouvait échapper à la perspicacité du maréchal Bugeaud. Débarqué le 25 mars, il tint à se montrer presque immédiatement dans l'Ouest; il se mit en route dès le 31. Il rend compte de son arrivée de ce premier voyage et de ses projets ultérieurs, à son fidèle confident Gardère, dans la courte lettre suivante qu'il signe: Votre ami très pressé:

Alger, 10 avril 1845

Mon cher Gardère,

Nous avons fait une heureuse traversée et, cependant, ces dames ont eu le mal de mer.

A peine arrivé, je suis parti pour l'Ouest et je me suis montré à la frontière pour qu'on ne pût pas douter que je suis là. J'ai eu soin de répandre le bruit que je suis prêt à soutenir l'Empereur contre Abdel-Kader, qui semble vouloir se dresser contre son chef religieux qui lui a donné l'hospitalité.

J'ai renoncé à la grande expédition contre les montagnes de Bougie. Le Gouvernement s'en souciait peu, et ne voulait pas en prendre la responsabilité; le public et les Chambres blåmaient.

Pour agir avec une entière prudence il eût fallu des renforts qu'on ne voulait pas me donner.

Je me bornerai donc à achever la soumission du bassin de l'Oued Sebaou. Il y a encore là des tribus nombreuses et belliqueuses, qui peuvent réunir 10,000 fantassins et qui reçoivent probablement de grands renforts de leurs voisins de l'Est. Il y aura quelques combats sérieux.

Lamoricière étendra nos possessions dans le sud d'Oran pour nous ouvrir les routes commerciales avec le Désert; Bedeau soumettra l'Aurès.

Embarqué le 31 mars sur le Caméléon, commandant Fourichon, le maréchal avait borné son apparition dans l'Ouest à la ville d'Oran et au poste d'extrême frontière de Djemâ-Ghazaouat qui devait, avant la fin de la même année, acquérir une si triste. célébrité. Il était rentré à Alger dès le 6 avril, se proposant, comme il le dit dans la lettre qui précède de laisser à Lamoricière le soin d'étendre notre autorité dans le sud d'Oran, et de se réserver pour lui-même une excursion militaire d'importance secondaire sur l'Oued Sebaou.

S'il la projetait secondaire seulement, c'était, comme il le laisse entendre, pour obéir aux intentions des Chambres et du Gouvernement. Livré à son propre sentiment, il eut constamment, en effet, pendant ses sept années de gouvernement, et dès qu'Abdel-Kader lui laissait un répit, l'intention d'unifier toute l'Algérie sous la domination française par la soumission de la Kabylie.

Mais pendant qu'il songeait à la Kabylie, c'était

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