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saison, avant de donner suite à un projet de voyage en France.

La maréchale et sa suite partirent pour Marseille le 20 juillet. Le 23, le gouverneur général s'embarqua pour Dellys, où il allait prendre le commandement. d'une colonne de 5,000 hommes devant opérer contre Ben-Salem.

Ben-Salem était alors assisté de deux autres grands chefs insurgés nommés Bel-Kassem et Bou-Chareb. Tous les trois avaient répandu à profusion de fausses lettres au cachet de l'émir Abdel-Kader, où il était dit que l'empereur du Maroc nous avait battus, que l'émir allait arriver, que le maréchal était mort. Dans toutes les zaouïas, les marabouts prophétisaient la fin du règne des chrétiens.

Fanatisés par ces appels, les Beni-Ouaguenoun, les Flissat-el-Bahar et les Beni-Gennad tombèrent sur les Amraouas, demeurés fidèles à notre alliance, et incendièrent leurs villages et leurs moissons.

La présence du gouverneur général devenait nécessaire. Il se porta rapidement à Aïn-el-Arba, où sa colonne avait été rassemblée. Le 25 juillet, il arrivait au pied de la montagne occupée par les Ouled-Mioun, les plus ardents à la sédition.

Le lendemain, la colonne française couronnait les crêtes réputées inacessibles au temps des Turcs et y brûlait tous les villages. Nos soldats y bivouaquèrent deux nuits et en redescendirent, sans avoir tiré ni reçu un coup de fusil.

Passant ensuite l'Oued Sebaou, l'armée vint chez les

Beni-Raten qui promirent de ne plus recevoir BelKassem (1).

(1) C'est sur le territoire des Beni-Raten que s'élève aujourd'hui, à 950 mètres d'altitude, à 132 kilomètres d'Alger, dominant toute cette magnifique vallée montagneuse, la place de guerre de Fort National, alias Fort Napoléon, chef-lieu de circonscription cantonale et faisant partie de l'arrondissement (cercle de Tizi-Ouzou). La ville-citadelle est protégée par une enceinte flanquée de dix-sept bastions et embrasse une étendue de 12 hectares. Les tribus kabyles qui habitent ce pâté de montagnes se glorifiaient jadis d'échapper à toute domination. Tizi-Ouzou, en effet, le Tubusuptus d'Ammien Marcellin, était le point le plus avancé de l'occupation romaine dans le Djurjura, et les Turcs eux-mêmes n'avaient pas dépassé cette limite.

Le maréchal Bugeaud, en parcourant, en 1845, le territoire des BeniRaten, n'eut point, à les soumettre. De leur gré, ces Kabyles se déclarèrent ses alliés. Ce ne fut que plus tard, après 1848 et les années suivantes, que ces tribus kabyles devinrent un foyer permanent d'insurrection, attaquant nos avant-postes et incendiant nos nouveaux villages.

C'est en 1857 que le maréchal Randon, gouverneur général, entreprit la conquête de cette partie jusque-là inaccessible de la Kabylie. Pour bien comprendre les difficultés de l'expédition, il faut se rappeler que les villages kabyles, édifiés pour la plupart au sommet des pitons des montagnes et protégés par des obstacles naturels, étaient défendus par la population la plus belliqueuse de l'Algérie. L'armée française sut triompher de tous ces obstacles. Le corps expéditionnaire, formé de troupes régulières et de goums arabes, comprenait trois divisions et deux colonnes d'observation, soit plus de 35,000 hommes. Les trois divisions étaient commandées par les généraux Renault, Yusuf et Mac-Mahon. Nos troupes escaladèrent sous un feu continu des positions qui semblaient inabordables, poursuivirent l'ennemi jusque dans ses derniers retranchements. Chaque village fut pris d'assaut, et, après soixante jours de combat, toutes les tribus demandèrent l'aman, la Kabylie entière déposa les armes le 17 juin 1857.

Il fallait assurer notre domination. L'armée, sans désemparer, fut employée à percer une large route partant de Tizi-Ouzou, des bords du Sebaou, jusqu'au Fort National. Ce travail gigantesque, c'est-à-dire la construction d'une route superbe à travers les sinuosités de la montagne fut accompli en trente-six jours. Le Fort Napoléon, construit sur le plateau de Souk-elArba, domine tout le pays qu'il tient en respect.

Nous nous souvenons avoir parcouru en poste, à la fin de décembre 1873, avec notre famille, ces merveilleuses contrées. Partis le matin de TiziOuzou, après avoir traversé à gué le Sebaou et gravi les rampes, nous arrivions dans la journée au Fort National, occupé alors par le commandant Saint-Mars. Je ne saurais oublier l'impression profonde que me causa le spectacle imposant de ces montagnes verdoyantes, de ces champs cultivés, de ces innombrables villages distants tous d'une portée de fusil. A

Malgré une chaleur étouffante le maréchal continua sa campagne dans la direction des terres des BeniGennad, qui firent leur soumission et payèrent la contribution de guerre.

Avant d'entrer en campagne le maréchal avait cru devoir, dans une longue proclamation datée du 27 juillet, explique aux Kabyles les motifs de sa venue :

Il y a déjà près de deux ans, leur dit-il, que vous avez recueilli chez vous Ben-Salem et Bou-Chareb; plus tard, vous avez donné l'hospitalité à Bel-Kassem; vous avez écouté leurs paroles et leurs mauvais conseils. Je vous avais averti plusieurs fois que cela attirerait de grands malheurs sur vos têtes. Car, ayant la force dans la main, nous ne pouvions souffrir que vous donniez asile à nos ennemis acharnés; que, conduits par eux, vous veniez attaquer les tribus qui obéissent à notre loi. Vous n'avez tenu aucun compte de mes avertissements et de mes conseils de bon voisinage. Non seulement

nos pieds, le Sebaou couvrait la plaine, baignant la vallée fertile qui s'étend jusqu'aux bords de la Méditerranée. Malgré moi, en visitant ces établissements militaires, ces splendides casernes installées au cœur de la grande Kabylie, en voyant se dérouler devant moi cette longue route que nous venions de parcourir, ma pensée se reportait à ces admirables soldats qui avaient en si peu de jours, après avoir arrosé ces rochers et ces buissons de leur sang et de leur sueur, accompli ces prodiges. En mème temps que j'adressais à ces humbles serviteurs de la patrie un tribut d'admiration, je songeais que deux ans auparavant, l'Algérie républicaine, israélisée par le citoyen Crémieux, après avoir chassé l'armée avec mépris, se livrait avec enthousiasme aux folies du régime civil. Doit-on s'étonner qu'alors les anciens Kabyles de Bugeaud et de Randon se soient soulevés, se soient apprêtés à détruire l'œuvre de tant d'années? Heureusement qu'une poignée d'héroïques soldats oubliés au Fort Napoléon tint deux mois en echec les belliqueux montagnards, soutenant un siège digne de l'antiquité. Il est bon d'ajouter, que, durant ce temps-là, les républicains d'Alger, la municipalité en tête, insultaient lâchement les braves représentants de notre armée et souffletaient un général de ses épaulettes, sur la place du Gouvernement!

vous avez continué de garder chez vous ces hommes, mais vous leur avez fourni des ressources de tout genre pour continuer de nous faire la guerre.

C'est ainsi que vous me forçâtes, l'an dernier, à passer l'Isser. Vous réunîtes alors tous vos guerriers et vous vîntes m'attaquer, le 12 mai, au passage de l'Oued Sebaou. Le 17 du même mois, vous réunîtes chez les Flissas un bien plus grand nombre de fusils. Ces grandes forces et vos montagnes les plus escarpées ne purent arrêter mon armée; vous fûtes dispersés comme le vent disperse les sables au Désert. Les Flissas, les Amraouas se soumirent. Je me serais volontiers borné là; car ce n'est pas le terrain qui nous manque, nous en avons bien assez! Ce que nous voulons, c'est la tranquillité et le commerce, qui vous enrichiraient aussi bien que nous. Vous renouvelâtes vos attaques au mois d'octobre, je me vis obligé de venir soumettre les Flissat-el-Bahar (Flissas maritimes) et les Beni-Gennad. Je pouvais aller bien plus loin; je m'arrêtai, pensant que la leçon serait suffisante; que, désormais vous seriez tranquilles et que vous repousseriez de votre sein les intrigants qui vous entraînent à votre perte. Vous n'en avez rien fait; et, tout récemment encore, vous avez pillé plusieurs villages, et vous avez entraîné dans la rébellion plusieurs tribus qui avaient accepté notre aman. Il a bien fallu que je vinsse une troisième fois dans votre pays pour reprendre ce que vous m'aviez pris. Cependant, mon cœur souffre d'être obligé de dévaster vos villages, et je veux bien vous donner encore un dernier conseil que vos djemâas se réunissent et viennent à mon camp; si elles sont animées d'intentions de paix, nous ferons un arrangement pour assurer la tranquillité de tout le monde et la liberté du commerce. Si vous ne le faites pas, je vous le prédis, il vous arrivera ce qui vient d'affliger les Beni-Ouaguenoun. J'irai

chez vous une fois ou l'autre ; je parcourrai toutes vos montagnes, je visiterai tous vos villages, je poursuivrai vos populations dans vos vallées les plus profondes et jusque sur les pics les plus élevés. Vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous de toutes ces calamités; car j'aurai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour vous les éviter.

Dans la journée du 28, lendemain de la proclamation, presque tous les chefs vinrent faire leur soumission. Plusieurs essayèrent des explications. Le maréchal répliqua aux Beni-Raten :

Vous évitez de parler de Ben-Salem et Bel-Kassem; cela vous portera malheur. Vous me dites que, du temps des Turcs, il y avait déjà mésintelligence avec vos voisins de la plaine, que le plus fort faisait ce qu'il voulait et que les Turcs fermaient les yeux. Les Turcs n'étaient pas assez forts pour imposer leur volonté à tout le monde, surtout aux Kabyles. Mais nous, nous avons la force nécessaire, non seulement pour conquérir plus de pays, mais pour faire respecter les tribus qui nous sont soumises. Je regarderai comme attaque de guerre contre moi tout dommage aux tribus qui obéissent. Je n'ai pas besoin, comme vous le conseillez, d'envoyer des marabouts pour vous réconcilier. Cela ne me regarde pas; faites-le vous-mêmes, si vous voulez, car il vaut mieux vivre en bonne intelligence avec ses voisins. Quant à moi, je m'en rapporte à ma force et à ma justice.

Après les soumissions obtenues et les contributions payées, la colonne regagna Dellys par Aïn-elArba.

Le maréchal rentra à Alger le 7 août après une

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