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de gens en souffrent. Tu te rappelles le major belge Rinon? Ce pauvre homme est mort hier d'une fièvre contractée dans la dernière expédition. Nous avons aussi perdu le capitaine d'état-major Gonrand.

J'ai reçu des nouvelles de Brun. On levait avec peine notre récolte à cause des pluies; je pense que le temps s'est amélioré avec cette lune. J'ai trouvé dans mes vieux papiers une lettre que je t'écrivais du pays en avant de Dellys; elle n'était plus opportune, je l'ai déchirée. Dans 22 jours, je serai en route pour me rendre près de vous : quelle joie! Demain matin, je pense avoir de vos nouvelles; j'espère savoir si les eaux te font bien. Mille amours, mes chères amies.

Maréchal DUC D'ISLY.

Le 14 août 1845, le premier anniversaire de la bataille d'Isly fut fêté à Alger dans un banquet où le maréchal prononça une courte allocution.

Avant de s'embarquer pour la France, le gouverneur général fit du 19 au 23 par voie maritime une excursion de colonisation à Tenès et Orléansville, en compagnie d'une dizaine de notables personnages de la ville d'Alger. Outre ses collaborateurs immédiats, le directeur des affaires civiles et le procureur général, le maréchal avait cru devoir emmener le président du Tribunal de commerce, le Président de la Chambre de commerce, deux juges au Tribunal de commerce et deux propriétaires (1).

(1) Le colonel Saint-Arnaud cite comme ayant été ses hôtes à cette occasion le comte Guyot; le général Randon, le procureur général Du Bodan, M. de Saint-Geniès, directeur des domaines; le comte de Latour-du-Pin, le baron Vialar, le capitaine Féray, le commandant Fourichon, et des négociants d'Alger.

Sur le point de s'embarquer, le maréchal Bugeaud écrivait une dernière lettre à la maréchale et lui annonçait sa visite à Soult-Berg depuis longtemps projetée.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly,
à Bagnères-de-Luchon.

Alger, le 25 août 1845.

Quatre lignes, chère amie, pour te dire qu'en arrivant d'Orléansville, je trouve ta lettre du 14, celle de Léonie, celle de Comman.

Je suis bien heureux d'apprendre que notre chère enfant va mieux. J'approuve fort que vous restiez jusqu'au 15 ou 20 septembre. Alors j'irai vous joindre à Luchon ou à Toulouse à votre choix, après avoir vu le maréchal Soult chez qui tu dois me faire connaître ta décision sur le lieu de réunion, J'aimerais mieux que ce fût à Toulouse du 15 au 20 septembre. Voulant m'envoyer ta voiture à Mèze, tu as sans doute demandé celle de ton gendre. J'emmène le cheval de Léonie. Je me porte à merveille. Adieu, mes amours; mes amitiés au bon Comman, emmenez-le à la Durantie.

Signé Maréchal DUC D'ISLY.

Le maréchal s'embarqua pour France à Alger, le 4 septembre. Il se rendrait à Soultberg pour y conférer avec le maréchal duc de Dalmatie, Président du Conseil, sur les affaires d'Algérie et spécialement sur la question de colonisation militaire. Il allait en France dans l'intention d'exprimer franchement, de vive voix, toute sa façon de penser.

Si l'on ne me comprend pas, disait-il, le 21 août à son ancien

aide de camp Saint-Arnaud, si l'on ne veut pas me comprendre, je ne reviendrai pas. Si tout s'arrange comme je le crois, je serai de retour à Alger dans les premiers jours de novembre.

Tout ne devait point s'arranger à son gré avec le gouvernement du Roi ; et néanmoins le devoir devait ramener le maréchal en Algérie avant le terme indiqué par lui.

La dernière levée de boucliers des Arabes n'était pas, du reste, sans l'inquiéter. Sous la signature fort transparente de Un vieux voyageur, il avait, dans les colonnes du Moniteur Algérien, sa tribune familière, apprécié, comme il suit, la première insurrection de 1845, en laissant pressentir que la tranquillité du pays ne serait nullement définitive.

Lorsqu'en 1842 et 1843, les Arabes se soumirent à notre puissance, ils étaient las de la guerre. Leurs plus braves guerriers étaient morts en combattant; ils avaient perdu un grand nombre de chevaux par le feu et par les fatigues; les razzias, la misère et les émigrations continuelles avaient fait périr leurs troupeaux : les silos avaient été vidés, non seulement par les ennemis, mais par les alliés; les moissons étaient incendiées, il devenait impossible de se livrer à la culture.

Dans cette déplorable situation, les chefs se dirent: «< Rendons-nous aux Français; ils nous laisseront nous gouverner à notre guise, ils se contenteront de notre commerce, et, quand nous aurons réparé nos pertes, nous choisirons un moment opportun pour chasser l'étranger... »

Mais dès le lendemain de cette soumission, nous organi

sâmes le pays; on perça des routes, on créa des villages; on concéda à des Européens des terres naguère propriété de tribus et de particuliers, on se mit à la recherche des biens du Beylik.

Les Arabes comprirent que la soumission ne pouvait plus être factice, superficielle, provisoire, comme ils l'avaient entendue; ils virent clairement que nous voulions non seulement habiter, mais encore posséder le pays : ils se rappelèrent les efforts d'Abdel-Kader...

L'émir, bien renseigné, en profita habilement. Il inonda le pays de lettres et annonça partout son arrivée... Les plus fanatiques levèrent l'étendard de la révolte dont l'attaque du camp de Sidi-bel-Abbès ne fut que le prélude. De là, les insurrections qui ont éclaté et qui ne sont qu'un effort de la nationalité arabe pour se soustraire à un joug de plus en plus intolérable. Cet effort sera-t-il le dernier? Nous ne le pensons pas.

Le matin du départ, les notables civils d'Alger s'assemblèrent au Palais du Gouvernement pour remettre au gouverneur général une adresse.

Le maréchal répondit en ces termes à la députation:

Messieurs,

C'est pour la troisième fois que vous m'apportez les témoignages éclatants de vos sympathies. Chacune de ces flatteuses manifestations a augmenté mes obligations envers vous, mais sans pouvoir rien ajouter à mon dévouement, qui tout d'abord vous fut acquis en entier et qui ne pouvait faillir, soutenu par la confiance du Gouvernement, par la vôtre, Messieurs, et par celle de cette vaillante armée, qui, depuis son arrivée en Afrique, n'a cessé de donner des preuves de son patriotisme et de son persévérant courage.

Dans ces derniers temps, dites-vous, Messieurs, je me suis surtout préoccupé de colonisation. Soyez persuadés qu'elle a été constamment dans ma pensée, alors même que la guerre se faisait avec la plus grande activité. J'ai cru, dès le principe, que le premier service à rendre à la colonisation était de lui donner l'espace et la sécurité, conditions indispensables de tout établissement.

En effet, comment coloniser si l'on craint sans cesse pour sa tête, si les cultivateurs ne peuvent se répandre dans les champs, suivant les besoins de la culture, si le moindre déplacement appelle le secours d'une escorte militaire? Dans un pareil état de choses, rien n'était possible en fait de colonisation ni de commerce. Mais, à peine la sécurité conquise, n'avons-nous pas songé sérieusement, activement à l'œuvre colonisatrice? Pendant que la guerre se continuait au loin, pour écarter de vous le danger, l'administration exécutait avec une grande intelligence, avec l'ardeur la plus louable les plans concertés entre elle et le gouverneur général. C'est ainsi que vous avez vu créer ces villages qui, formant les premiers jalons de la colonisation, permettent à la spéculation particulière de s'établir entre eux et de remplir l'espace.

En même temps, l'armée fondait des villes à l'intérieur et même sur des points de la côte où l'administration civile n'était pas encore assise; elle ouvrait des routes, contruisait des ponts, élevait des édifices militaires, et la population civile accourait avec empressement se grouper autour de nos postes, parce qu'elle était assurée d'y trouver protection et bénéfice. Nulle part elle n'a redouté le régime militaire, et les faits ont constamment justifié sa confiance.

Tout cela, Messieurs, c'est de la colonisation. Quelques personnes auraient voulu que je restasse habituellement au

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