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siège du gouvernement; on a été jusqu'à compter les jours que j'ai été en expédition, et l'on m'a fait un reproche de ce qu'ils dépassaient le temps de mon séjour à Alger.

Eh bien, moi, Messieurs, je m'en fais un titre d'honneur. Je persiste à croire de toutes les forces de ma conviction que je servais mieux ainsi les intérêts civils, que si je m'étais laissé absorber par les détails minutieux de l'administration. N'aviez-vous pas au milieu de vous des hommes éclairés et dévoués pour me suppléer dans cette partie de ma tâche? Est-ce que, d'ailleurs, on n'administre, on ne colonise, on ne gouverne qu'à Alger?

Il fallait avant tout, je le répète, vous donner la sécurité. C'était le premier de tous les besoins, la source de tous les progrès, et nous ne pouvions la conserver qu'en portant la guerre jusqu'aux limites du pays. Quand je reviendrai parmi vous, ce sera encore ma principale préoccupation, tant je suis convaincu que le peuple conquérant ne peut pas s'endormir en présence du peuple vaincu, qu'il doit veiller sans cesse au maintien de sa puissance, à la conservation de sa force morale, sous peine de tomber sur la pente rapide de la décadence et de l'expulsion.

Vous vous êtes émus, Messieurs, des attaques injustes qui ont été dirigés contre moi par plusieurs organes de la presse, et vous avez craint qu'elles ne portassent le découragement dans mon esprit. Soyez sûrs que, pour ce qui me concerne personnellement, je suis dédaigneux des agressions mal fondées, tout aussi bien que je suis disposé à profiter des conseils utiles que la presse nous donne, hélas! trop rarement.

Une seule chose m'a affligé dans ces violentes et aveugles déclamations, c'est qu'elles m'ont paru de nature à entraver le développement de notre colonie.

La peinture que l'on faisait de la situation de l'Algérie ne

devait-elle pas, en effet, effrayer les hommes qui étaient tentés d'unir leurs intérêts aux vôtres? Ne disait-on pas que le désordre et l'insurrection étaient partout; que la dévastation et l'incendie, que toutes les horreurs de la guerre faisaient de notre conquête un pays de désolation. Et pourtant vous savez ce qui en était l'insurrection du Dahra et des rives du Chélif n'a pas pu sortir de son foyer, grâce à la promptitude et à la vigueur des coups que nos soldats ont portés aux insurgés. La paix a été rétablie partout sans que vous ayez été troublés dans vos travaux ni dans vos transactions.

Aussi le bon sens public et l'éloquence des faits ont-ils promptement dispersé les sombres nuages qu'on s'était efforcé d'amonceler. La vérité est apparue et les fausses alarmes n'ont pas même pu ralentir le mouvement colonisateur. Eh bien, les injustices ne seront pas plus puissantes sur moi, elles ne changeront en rien mes déterminations et ma ligne de conduite.

Vous paraissez croire que ma présence ici est encore nécessaire, qu'il serait trop difficile de me remplacer. Ces paroles, Messieurs, quelque flatteuses qu'elles soient pour moi, ne m'empêcheront pas de vous dire, et de vous dire avec joie, que c'est là une erreur. Non, Dieu merci! il n'est pas vrai que vos destinées, même dans le présent, dépendent d'un homme quel qu'il soit. Vos intérêts aujourd'hui sont trop multipliés, trop étendus; la France les a trop pris au sérieux pour qu'ils puissent péricliter par une cause pareille. Une grande nation comme la nôtre trouvera toujours des hommes pour faire face aux nécessités qui se présenteront. Les administrateurs habiles ne manquent pas; et, dans les rangs de l'armée, n'y a-t-il pas des généraux formés à l'école de l'expérience et déjà dignes de me succéder? Et derrière ces

généraux, ne voyez-vous pas une foule de jeunes officiers d'avenir qui les remplaceront à leur tour?

Rassurez-vous donc, si des circonstances que je ne prévois

point me forcaient à ne pas rentrer parmi vous, vos grandes affaires n'en souffriraient pas. Vous pourrez, dans la suite des temps, éprouver des oscillations momentanées, mais vous en triompherez, et votre œuvre s'accomplira.

Enfin, Messieurs, et c'est là ce dont je suis profondément touché, vous me pressez de revenir au milieu de mes amis. Ici, dites-vous, il n'y a pas de dissidents. Oh! oui, je le crois, parce que vous êtes des hommes honnêtes, éclairés, et que, de mon côté, j'ai la conscience d'avoir été votre ami le plus sincère, le plus dévoué. Je vous rends tout l'amour que vous m'accordez, et bien que je ne possède pas une obole en Algérie, je défendrai cette terre comme si j'y avais consacré toute ma fortune et toutes mes affections. Je m'identifie avec vous, et quand je ne serai plus à la tête de votre gouvernement, vous pourrez toujours me compter au nombre de vos citoyens.

En quelque lieu, dans quelque position que je me trouve, je plaiderai vos intérêts avec la chaleur du plus ardent patriotisme, je tiendrai de tout point le langage que vous m'avez entendu tenir ici sur les questions fondamentales de notre entreprise.

Monsieur le Président, ayez la bonté de me remettre l'adresse que vous venez de lire au nom de vos concitoyens. Je la conserverai comme un titre de noblesse; elle restera dans mes archives à côté du brevet qui m'a fait duc d'Isly, et qui perpétue dans ma famille le souvenir d'un grand service rendu par l'armée d'Afrique à la France et à sa colonie.

Le maréchal Bugeaud eût été heureux de laisser l'intérim, au milieu de circonstances encore inquié

tantes, à celui de ses divisionnaires dans les talents et la loyauté duquel il avait le plus de confiance, le général Bedeau. Mais les fatigues d'un séjour trop prolongé en Algérie avaient altéré la santé de Bedeau, qui, à cette époque, commandait la province de Constantine, et avait dû, dès le 16 juillet, se rendre luimême en France en congé.

C'était au commandant d'Oran, au général de Lamoricière, que revenaient dès lors l'honneur et la responsabilité du gouvernement intérimaire.

CHAPITRE II.

SIDI-BRAHIM.

LA CAMPAGNE DE CINQ MOIS.

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· Lettres

Perplexité

Causes de mésintelligence du Gouvernement avec le maréchal. à M. Guizot. — Débuts de la grande insurrection de 1845. du gouverneur général intérimaire de Lamoricière. Brusque retour du maréchal à Alger. Les désastres de Sidi-Brahim et d'Aïn-TemouLe maréchal rappelle le général Bedeau. Les prêcheurs de la guerre sainte. 23 décembre 1845. Rencontre avec Abdel-Kader

chent.

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Rentrée du maréchal à Alger après une absence

cinq mois (26 février 1846).

La campagne de cinq mois jugée par le général Trochu. Ordres du jour du maréchal.

Les causes de mésintelligence entre le Gouvernement et le maréchal Bugeaud étaient de plusieurs sortes. La grande, l'unique préoccupation du gouverneur général après la conquête était, nous l'avons déjà dit, la colonisation. Autant pour le salut de la colonie que pour l'économie du budget, et la disponibilité de l'armée nationale (dans le cas toujours présent à son esprit de complications européennes), il désirait ardemment cette colonisation militaire. Le courant de l'opinion, dans la presse et dans les Chambres, était, au contraire, opposé à des tendances que l'on croyait inspirées par ce qu'on appelait alors le militarisme. Or le gouvernement de Juillet, plus qu'aucun autre, malheureusement, se croyait tenu de compter avec l'opinion, avec ses caprices et ses injustes préjugés.

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