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recevront, etc. », j'aurais dû dire : « Si le gouvernement adoptait mes vues, les colons recevraient, etc. >> Changez le temps du verbe, et vous ne verrez plus qu'une chose simple, une investigation statistique qui est dans les droits et dans les usages du commandement, et destinée à éclairer le Gouvernement lui-même... Ce qui prouve que je n'avais pas de temps à perdre pour connaître un résultat avant mon départ, c'est que je n'ai pu encore obtenir que les états de la division d'Alger; ils me donnent 3,996 sous-officiers et soldats, présentant entre eux un avoir de 1,700,000 francs. On peut évaluer que les deux autres divisions donneront chacune environ 3,000 demandes. Voilà donc près de 10,000 sous-officiers et soldats de vingt-quatre à trente ans, c'est-à-dire tous jeunes, forts, vigoureux, disciplinés, aguerris, acclimatés, offrant de se consacrer à l'Afrique, eux et leurs descendants... Si la France était assez mal avisée pour ne pas s'emparer de telles dispositions afin de consolider promptement et à jamais sa conquête, on ne pourrait trop déplorer son aveuglement... Du reste, pour répondre à la sotte et méchante accusation de la presse qui m'appelle un pacha révolté, je viens me livrer seul au cordon, et je me suis présenté tout d'abord chez le ministre de la guerre. Si j'avais eu quelques craintes, son charmant accueil les aurait effacées. Il m'a bien fait voir, dans la conversation, que les déclamations de la presse avaient produit quelque effet sur son esprit; mais aussitôt que je lui ai expliqué mes motifs, tous basés sur la profonde conviction où je suis que c'est rendre à la France un grand service et que l'acte en lui-même est au fond dans les droits et dans les usages du commandement, le nuage s'est dissipé, et, pendant les deux jours (1) que nous avons disserté sur les

(1) Au sujet de ce voyage à Soultberg, auquel fait allusion le maréchal Bugeaud, et à la visite qu'il fit au maréchal Soult, avant de se rendre à la

affaires de l'Afrique, je n'ai trouvé en lui que d'excellents sentiments pour moi et de très bonnes dispositions pour les affaires en général. De mon côté, j'y ai mis un moelleux et une déférence dont vous ne me croyez peut-être pas susceptible, et cela m'a trop bien réussi pour que je n'use pas à l'avenir du même moyen.

Signé BUGEAUD.

Le maréchal ne devait pas jouir longtemps de ses loisirs de la Durantie, loisirs assez agités, du reste, par les discussions sur la politique algérienne et qui allaient être brusquement interrompus par des nouvelles venues d'Alger.

Après le départ du gouverneur général, les tribus de la province d'Oran, du Dahra, de l'Ouarensenis avaient pris feu comme une traînée de poudre. Le gouverneur par intérim, M. de Lamoricière, dans son émotion, avait publié, un peu imprudemment, ces fâcheuses nouvelles dans toute leur étendue, avant de se porter de sa personne au foyer de l'incendie. Il est vrai que, se jugeant impuissant à le maîtriser, il avait

Durantie, nous avons recueilli d'un de nos amis, le marquis Philippe de Mornay, petit-fils du maréchal duc de Dalmatie, un précieux témoignage qui détruit certaine légende attribuant aux deux grands soldats une inimitié réciproque. Philippe de Mornay, qui avait à peine quinze ans à cette époque, se trouvait à Soultberg, au moment de la visite du maréchal Bugeaud. « Je me souviens encore, me disait-il récemment, de l'agitation de mon grand-père, avant l'arrivée du maréchal Bugeaud et de son émotion lorsque la voiture parut dans l'avenue. Il descendit à la hâte le perron du château et pressa longuement dans ses bras son camarade, son hôte, l'ancien caporal d'Austerlitz. » — Ceci prouve que si, entre les deux maréchaux de France, les bureaux, les politiciens n'avaient point interposé leurs intrigues et leur détestable influence, aucun conflit ne se serait produit.

sur l'heure expédié en France le commandant Rivet, auprès du maréchal. L'annonce d'évènements aussi graves devait naturellement faire oublier au duc d'Isly tous ses griefs et ses velléités d'abandonner le gouvernement d'Afrique.

Le soir même de l'arrivée à la Durantie du commandant Rivet, le maréchal écrivait la lettre suivante :

Le maréchal Bugeaud à M. de Marcillac,
préfet de la Dordogne.

La Durantie, 6 octobre 1845.

M. le chef d'escadron Rivet m'apporte d'Alger les nouvelles les plus fâcheuses. L'armée et la population réclament à grands cris mon retour. J'avais trop à me plaindre de l'abandon du Gouvernement vis-à-vis de mes ennemis de la presse et d'ailleurs pour que je ne fusse pas parfaitement décidé à ne rentrer en Algérie qu'avec la commission que j'ai demandée et après la promesse de satisfaire à quelques-unes de mes idées fondamentales. Mais les évènements sont trop graves pour que je marchande mon retour au lieu du danger. Je me décide donc à partir après-demain. Je vous prie de m'envoyer quatre chevaux de poste qui me conduiront à Périgueux..... Il est fort à craindre que ceci ne soit une rude guerre à Hélas! les évènements ne donnent que trop raison à l'opposition que je faisais au système qui étendait sans nécessité l'administration civile et diminuait l'armée pour couvrir les dépenses de cette extension. J'ai le cœur navré de douleur de tant de malheurs et de tant d'aveuglement de la part des gouvernants et de la presse, qui nous gouverne bien plus qu'on n'ose l'avouer.

recommencer.

Signé Maréchal BUGEAUD.

Le préfet eut la légèreté de communiquer à la presse locale cette lettre qui n'était point destinée à la publicité et qui était de nature à envenimer les rapports déjà fort tendus qui existaient entre le maréchal et le ministère.

La lettre confidentielle ci-dessous, adressée par le commandant Rivet, officier d'ordonnance du maréchal Bugeaud, à son ami M. Léon Roches, le lendemain du retour du maréchal à Alger, reproduit exactement les impressions du maréchal durant cette crise :

Alger, 16 otobre 1845.

Mon cher Roches, Fourichon vous a écrit longuement et vous a mis au courant de la situation de la frontière d'Oran ; je m'abstiendrai donc de revenir sur ces déplorables évènements.

A la nouvelle de la catastrophe de Ghazaouat, j'ai quitté Alger le 30 septembre pour en informer le maréchal. Dans la nuit du 5 au 6 octobre, je suis arrivé à Excideuil et, trente-six heures après, nous étions sur la route de Marseille avec notre excellent patron, qui a été admirable de détermination et d'abnégation de lui-même. Qu'il y a de patriotisme et de chaleur dans cette grande âme!

Arrivés le 11 à Marseille, nous n'avons pu nous embarquer que le 13 pour Alger, où nous avons touché le 15, à 4 heures de l'après midi.

L'accueil que le maréchal a reçu de l'armée et de la popu lation dû bien le consoler de cette animosité de la presse qui s'est déchaînée contre lui depuis quelques mois. Si vous aviez vu toutes ces figures rayonner de bonheur au moment où nous avons traversé les flots de la population algérienne, vous en auriez pleuré d'attendrissement.

Demain, 17, nous partons d'Alger pour courir à l'incendie qui a embrasé à peu près toute la province d'Oran et qui, fort heureusement, a respecté jusqu'à ce jour la province d'Alger.

Nous traverserons, en la descendant, toute la vallée du Chélif, afin d'imposer à tout le monde sur notre passage; puis nous rallierons Saint-Arnaud et le général de Bourjolly, afin d'écraser les Flitas et les Beni-Ouragh, et de là nous continuerons vers l'Ouest pour achever la besogne de concert avec le général de Lamoricière.

Vous connaissez sans doute la mesure énergique que le Gouvernement vient de prendre. Six régiments de renfort et deux de cavalerie seront rendus en Algérie avant la fin du mois.

C'est assez dire que ce n'est plus seulement le rétablissement de l'ordre en Algérie que l'on veut, mais l'extirpation de la cause du mal, jusque dans sa racine. Nul doute que l'on ne soit décidé à aller chercher Abdel-Kader partout où il sera, sans respect pour les frontières.

L'hiver sera consacré à refaire notre situation en Algérie tout aussi bonne et meilleure peut-être qu'elle n'était auparavant, et quand la bonne saison sera venue, nous serons en mesure d'opérer chez les Beni-Snassen et de passer la Malouïa, s'il le faut.

Toute notre diplomatie, mon cher Roches, à mon sens, doit tendre aujourd'hui à persuader à l'empereur qu'il est dans son intérêt de coopérer avec nous à l'expulsion, et, ce qui vaudrait encore mieux, à l'anéantissement d'Abdel-Kader. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que nous agirons avec ou sans l'empereur du Maroc. Il n'est plus possible qu'il en soit autrement, cela n'a pas besoin de commentaire. L'envoi de l'ambassadeur marocain à Paris favorisera singulièrement

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