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Aucune période de notre histoire n'a provoqué un nombre d'écrits comparable à celui que les événements de 1789 à 1799 firent éclore, ou qu'ils ont inspirés aux survivants de ces grandes luttes et à leurs descendants. Si l'on prend pour base le Catalogue de l'histoire de France publié par la Bibliothèque nationale, c'est à quarante-six mille pièces (livres, brochures, pamphlets, documents administratifs, journaux, mémoires) qu'il le faut évaluer. Or, jusqu'à ce jour, bien peu d'efforts ont été tentés pour établir la part de chacun dans l'œuvre commune. La Bibliographie historique de la ville de Lyon pendant la Révolution française, de Pierre-Marie Gonon (Lyon, 1844-1846, grand-in-8°), la Bibliographie politique du département du Gers pendant la période révolutionnaire, d'Amédée Tarbouriech (Paris, 1868, in-8°), l'Essai d'une Bibliographie du département des Basses-Pyrénées (période révolutionnaire), de M. Louis Soulice (Pau, 1874, in-8°), auraient dû, ce semble, stimuler les travailleurs des grands centres, tels que Bordeaux, Toulouse, Rouen, Marseille, Toulon, Avignon, Tours, Nantes, Arras, Nancy, etc., dont l'histoire est intimement liée à celle de la Révolution mème; il n'en a malheureusement rien été. Non pas, certes que la statistique des travaux modernes sur la Révolution ne puisse fournir la matière d'une forte brochure qui serait d'ailleurs la bienvenue, mais la critique actuelle, avant d'adopter les conclusions d'un historien, est en droit de lui demander à quelles sources il a puisé. Ces sources, personne ne l'ignore, sont de deux sortes les documents manuscrits et les documents imprimés. Les premiers ont été, depuis une ving

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taine d'années, beaucoup plus en faveur que les seconds, et cela se conçoit de reste il est si doux d'ouvrir des cartons réputés inabordables et d'en faire sortir un détail piquant, un trait inconnu, un chiffre qui confond les données acceptées jusque-là sans conteste! Mais cette «< fureur de l'inédit », comme l'a qualifiée M. Ferdinand Brunetière, a précisément ramené l'attention sur des moyens d'information en apparence plus accessibles, en réalité beaucoup plus négligés. L'éminent professeur à qui revient l'honneur d'avoir inauguré l'enseignement officiel de l'histoire révolutionnaire, M. Aulard, évoquait dans la leçon d'ouverture de son cours, l'image de «< ces petits cahiers mal imprimés sur un papier repoussant à l'œil et au doigt, mais plus libres, plus sûrs de l'impunité que les gazettes ». Un inventaire général de ces sortes d'écrits ne saurait être dressé avant que chaque département, chaque grande ville n'ait fourni sa quote-part. Poursuivie concurremment avec l'impression de l'inventaire des archives postérieures à 1790, dont le ministère de l'instruction publique a ordonné le récolement, cette enquête bibliographique serait la véritable introduction de l'histoire moderne de la France (1).

Paris, du moins, a-t-il donné l'exemple? Si pénible que soit l'aveu, il faut résolument déclarer le contraire. Paris ne compte qu'une société d'histoire locale dont la fondation ne remonte pas à plus de quinze ans, et qui ne publie que de loin en loin, et par exception, des documents relativement récents. Malgré quelques tentatives de vulgarisation, une Biographie des Parisiens est encore à faire, et l'on ne peut citer qu'à titre de curiosité une Iconographie entreprise au fond de l'Auvergne par un amateur. La crise de 1871 a livré aux flammes nos archives locales et dépar

(1) Au moment où s'imprime cette Introduction, je reçois la première partie d'un travail important de M. Henri Monceaux, secrétaire de la Société des sciences de l'Yonne, conservateur au musée d'Auxerre. Il est intitulé: Documents sur la Révolution française. La Révolution dans le département de l'Yonne, 1788-1800, Essai bibliographique. Auxerre, typ. L. Bonsant, 1890, in-8°, 2 ff et 244 p. (Extrait du Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1889-1890). M. Monceaux a très scrupuleusement décrit chaque pièce, l'a souvent fait suivre de citations bien choisies et s'est attaché à noter, au moyen d'abréviations fort simples, la bibliothèque ou le fonds où il en a vu un exemplaire. De plus, son texte est semé de fleurons et de culs-de-lampe empruntés aux vieilles imprimeries auxerroises. Puisse l'exemple de M. Monceaux trouver de nombreux imitateurs! Un travailleur non moins zélé, M. Edmond Maignien, conservateur de la bibliothèque publique de Grenoble, avait annoncé, en 1887, une Bibliographie historique du Dauphiné pendant la Révolution française, de 1787 au 11 nivose an XIV (31 décembre 1805), dont le prospectus a seul paru.

:

Deux épisodes de l'histoire de la Révolution en province ont été l'objet de monographies récentes l'une, due à M. Ed. Forestié neveu, est un Récit des troubles de Monlauban (10 mai 1790), bibliographie des écrits relatifs à cet événement (Montauban, imp. Forestié, 1883, in-8°, 2 ff. et 100 p.; tiré a 100 ex.); l'autre est un Essai bibliographique et Catalogue de plans et gravures concernant le bombardement de Lille, par M. L. Quarré-Reybourbon (Lille, Quarré, 1887, in-8°, XI-121 p.). On trouvera de nombreuses mentions concernant la même période dans les tomes VII et VIII du Catalogue de la bibliothèque de la ville de Troyes, rédigés par M. Emile Socard et consacrés à l'histoire locale.

tementales, alors que les séries modernes en étaient à peu près inexplorées, nos registres d'état civil qui n'avaient pas, tant s'en faut, - dit tous leurs secrets, nos archives hospitalières, la majeure partie de celles de la Préfecture de police et deux bibliothèques, celle de l'Hôtel de Ville et celle du Louvre, la seconde particulièrement riche en documents révolutionnaires. Il n'est donc pas trop tôt pour établir le bilan des richesses qui

nous restent.

Tout en poursuivant l'accroissement de la monumentale Histoire géné rale de Paris, entreprise dès 1866 par la Ville, le Conseil municipal, soucieux de faire à l'histoire moderne une part qui lui était jusqu'alors refusée, demanda en 1886 à la commission des Travaux historiques de lui indiquer comment il conviendrait le mieux de favoriser cette étude. Sur la motion de M. Léopold Delisle, la commission fut unanime à reconnaître la nécessité de doter Paris d'un manuel de bibliographie pratique, embrassant tout ce qui avait été écrit, soit au moment même, soit plus tard, sur les événements dont la grande ville avait été le théâtre pendant la Révolution, sur son organisation municipale et sociale et sur les personnages qui y avaient joué un rôle. En même temps, la commission voulut bien désigner le travailleur qui lui semblait réunir les aptitudes nécessaires pour mener à bien ce vaste labeur. Dans un rapport présenté au Conseil municipal, le 5 août suivant, M. Hector Depasse, adoptant les conclusions de la commission, demanda et obtint sans peine les crédits nécessaires, et je me mis aussitôt à l'œuvre.

Quelques mois plus tard, la commission des recherches sur l'histoire de Paris pendant la Révolution, instituée par le Conseil municipal, fut saisie d'une proposition de M. Alexandre Tuetey, sous-chef de section aux Archives nationales, tendant à dresser pour les documents manuscrits conservés dans les dépôts publics, un inventaire semblable à celui que j'avais entrepris pour les imprimés. Cette proposition reçut également du Conseil un accueil favorable. Les deux publications, loin de se nuire, se complètent donc l'une par l'autre. La tâche assumée par M. Tuetey est immense, mais la mienne, pour être en apparence mieux circonscrite, n'est guère moins considérable. On jugera mieux des difficultés qu'elle offrait, lorsqu'avant de dire comment je l'ai comprise et dans quelles limites je me suis renfermé, j'aurai placé sous les yeux du lecteur l'historique des collections particulières mises aujourd'hui à la portée de tous et un aperçu des répertoires de toute valeur dont le dépouillement m'a fourni les éléments mêmes de ce travail.

II

Il était tout naturel que les contemporains, frappés du grand spectacle qui se déroulait sous leurs yeux, cherchassent à en conserver la trace et la physionomie; les collections privées de cette nature furent, au début, sans doute, fort nombreuses: c'est ainsi que l'abbé Pascal, bibliothécaire du duc de Penthièvre, avait rassemblé des pamphlets dont un recueil comportant vingt-six pièces (non décrites au catalogue) et relié aux armes du duc, a figuré à la vente d'Hervilly (26-27 mars 1872). C'est ainsi encore qu'un sieur Dumorier, électeur du district Notre-Dame à Paris, se proposait d'ouvrir à MM. les députés à l'Assemblée nationale, une sorte de cabinet de lecture, sis à l'hôtel du Grand-Maître, à Versailles, et comprenant, outre plusieurs pièces très vastes, une galerie longue de soixante pieds, où les abonnés devaient trouver, avec les papiers-nouvelles, une réunion complète des écrits patriotiques du jour (1); le tout devait être contenu dans de superbes armoires de quatorze pieds de hauteur, grillées et fermant à clé, provenant de la splendide bibliothèque Soubise, dispersée l'année précédente.

La gravité croissante des événements, les confiscations ordonnées par les lois contre l'émigration, l'incertitude du lendemain interrompirent de bonne heure la plupart de ces entreprises. Seuls, quelques hommes, assurés d'une tranquillité relative, purent achever leur œuvre; l'un, comme Baudouin, en sa qualité d'imprimeur de l'Assemblée; deux autres, comme Rondonneau et Giraud, à raison de leurs fonctions auprès du Parlement; le quatrième (Portiez), grâce à son titre de membre de la Convention et du Tribunat.

Il serait impossible aujourd'hui, et il n'est pas en somme d'un vif intérêt de savoir lequel d'entre eux eut le premier la pensée de rassembler les matériaux futurs d'une histoire de la Révolution. Concurrents à l'insu les uns des autres, ils obéirent simultanément à la pensée très louable de sauver de la destruction des milliers de feuilles volantes que les dépôts publics ne pouvaient songer alors à recueillir, et plus tard, quand le calme

(1) Prospectus d'un journal national et d'une bibliothèque patriotique, établie à Versailles à l'usage de MM. les députés, par M. DU MORIER. S. l. n. d., in-8o, 4 p. [N. Lc2 166.]

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