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Résumons ces extravagances. On enseigne dans les écoles mixtes, toutes les religions et on les enseigne toutes comme également vraies. Dans les écoles purement catholiques, il suffit, et encore n'est-ce pas de rigueur, que l'aspirant ait su quelque chose de la religion, avant l'âge du recrutement. On y enseigne la lettre du catéchisme, et non le dogme; il y est défendu d'expliquer à l'enfance cette parole: Je crois en Dieu.

Donc, selon l'ordonnance commentée par le ministre, l'éducation primaire est athée. Certes, personne ne s'en étonnera. Mais ce que nous désirons surtout qu'on remarque, sujet des contradictions de la doctrine ministérielle que nous venons d'examiner, c'est le combat des deux principes qui luttent dans la société. Le principe de despotisme cherche à se développer, et aussitôt un instinct sûr avertit le pouvoir qu'il faut d'abord substituer l'influence civile à l'influence religieuse, c'est-à-dire, dominer, asservir l'Église, dont l'indépendance forme un obstacle éternel à ses desseins. Une suprématie de

fait, sans schisme apparent, voilà ce qu'il voudroit. Mais le principe d'anarchie, qui tend aussi et plus énergiquement à se développer, a besoin pour y parvenir de l'entière destruction du christianisme, et, avec la force que lui prêtent les institutions, les lois, l'opinion, il pousse le gouvernement de ruine en ruine, et au lieu de lui permettre d'usurper à son profit le droit des évêques sur l'enseignement, le contraint de consacrer l'athéisme de l'éducation.

On a vu qu'à moins d'établir une effroyable tyrannie, elle doit ou dépendre exclusivement de l'autorité spirituelle, si l'État reconnoît une pareille autorité, ou demeurer entièrement libre. Quant à l'instruction qui a pour objet les connoissances purement humaines, considérée dans sa liaison intime et nécessaire avec la veritable éducation, il est évident que les mêmes principes s'appliquent à l'une et à l'autre. On ne conçoit, sous aucun rapport, à quel titre le gouvernement interviendroit dans l'instruction. Rien de plus libre par son essence, de plus indépendant

du pouvoir politique. Les connoissances appartiennent à tous, comme la lumière du soleil. Elles sont le domaine commun de la société, des familles, des individus. Il n'est personne qui n'y ait un droit naturel et inaliénable. Seulement quelques-uns possèdent plus de moyens que d'autres de les acquérir: et encore en cela la Providence a pourvu au maintien de l'ordre temporel, que troubleroit un développement trop rapide et trop étendu des facultés intellectuelles dans une grande masse d'hommes, en les dégoûtant de leur état et les enlevant aux travaux indispensables de l'agriculture et de l'industrie, sans que, du reste, il en résultât pour eux aucun bien réel. L'équilibre entre la science utile et celle qui nuiroit, s'établit de soi-même par la liberté. Il se forme naturellement une hiérarchie d'écoles proportionnées chacune dans les degrés divers de l'instruction qu'elles

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Cette vérité est consacrée par le langage même des nations chrétiennes, qui unissant, d'une manière inséparable, l'idée de science et celle de liberté, disoient avec raison, non pas le royaume, mais la république des lettres.

répandent, aux besoins, aux désirs, aux ressources des différentes classes de la société ; la Religion même en fonde de gratuites, de sorte que, depuis la plus humble condition jusqu'à la plus haute, tous peuvent participer à cet enseignement gradué, et que nul n'est condamné nécessairement à l'ignorance, par le désavantage de la position où sa naissance l'a placé.

Le monopole de l'instruction, qui produit l'effet contraire et ferme inexorablement les sources du savoir à l'immense majorité de la population, étoit un genre de tyrannie totalement inconnu au monde avant Buonaparte. Ne concevant le pouvoir que sous la forme du despotisme le plus absolu, le despotisme militaire, il essaya de partager la France en deux catégories, l'une composée de la masse du peuple, en partie destinée à remplir les vastes cadres de son armée, et disposée par l'abrutissement où il la vouloit maintenir, à une obéissance passive et à un fanatique dévouement; l'autre, plus élevée à raison de sa seule richesse, devoit conduire la première, selon les vues du chef qui les dominoit égale

ment, et pour cela être formée elle-même dans des écoles où, en même temps qu'on la dresseroit à une soumission servile et, pour ainsi dire, mécanique, elle acquerroit les connoissances relatives surtout à l'art de la guerre et à une administration matérielle. Les liens de la vanité et de l'intérêt devoient ensuite l'attacher à sa personne, et l'identifier, en quelque sorte, à son système de gouvernement. Telles furent les pensées qui présidèrent à la création de l'université impériale. Ce ne fut en réalité qu'une application des maximes de Roberspierre. Buonaparte, au reste, régna trop peu pour affermir son ouvrage, et pour recueillir tous les fruits qu'il s'en promettoit. Cependant il y avoit dans la volonté de cet homme extraordinaire une si étonnante vigueur, et tant de prestige dans sa gloire, qu'au moment où il succomba, presque toute la jeunesse françoise étoit déjà comme emportée dans la sphère de son sinistre génie.

Après lui l'Université devint ce qu'elle a continué d'être, premièrement une odieuse institution fiscale, vexatoire pour les familles,

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