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« ce qu'il doit être1. Étrange timidité de la << pensée humaine, même aux jours de sa plus << grande audace! Rousseau n'a pas osé porter << le dernier coup à l'orgueil de l'homme, et << dire que nul n'étant, ne pouvant être icibas tout ce qu'il doit être, nul n'a le droit « de se dire souverain.

<< Ainsi, soit qu'affirmant l'infaillibilité on << en déduise la souveraineté, soit que, posant « d'abord la souveraineté en principe, l'in<< faillibilité en découle à son tour, on est << poussé, par l'une ou l'autre voie, à recon<< noître, à sanctionner un pouvoir absolu. « Et le résultat est également imposé, soit << que des gouvernements oppriment, ou que << des philosophes raisonnent, soit qu'on << prenne pour souverain le peuple ou César. << La conséquence est odieuse, inadmissible << en fait comme en droit; nul pouvoir absolu << ne sauroit être légitime. Donc le principe <«<est menteur; donc il n'y a, sur la terre, << point de souveraineté de droit, point de

Contrat social, liv. 1, chap. 5.

<< force pleinement et à jamais investie du << droit de commander'. >>

Remarquons avant tout deux conséquences de ces principes :

Premièrement, que le christianisme complet, le christianisme catholique étant admis, il en résulte une société parfaite.

Secondement, que, dès qu'on rejette le christianisme catholique, toute société devient radicalement impossible.

Que faut-il, en effet, pour constituer une société parfaite ?

1° Ne reconnoître de souveraineté absolue et éternellement légitime qu'en Dieu, de qui la raison, la vérité et la justice sont les lois.

2° Ne considérer le pouvoir humain, ou la souveraineté subalterne et dérivée, que comme le ministre de Dieu, et ne possédant dès lors qu'un droit conditionnel; légitime quand il gouverne suivant la raison, la vérité,

Traité de Philosophie politique, par M. Guizot; livre de la Souveraineté. Globe du 25 novembre 1826.

la justice; sans autorité, dès qu'il les viole. << Partout, en effet, où le pouvoir trouve à << s'exercer, il a une règle légitime à suivre. << Ces règles sont les lois du souverain légitime << (les lois de Dieu ); et c'est celui-là que << poursuivent tous les vœux, tous les travaux <«< du genre humain........ A la vérité, à la jus<< tice, est réservée la souveraineté, et les << hommes ont droit de n'obéir qu'à la loi de << Dieu 1. >>

3o Admettre qu'il existe un moyen infaillible de connoître la vérité et la justice, c'est-à-dire la règle légitime, la vraie loi, la Loi divine d'après laquelle le pouvoir humain, le ministre de Dieu doit gouverner; sans quoi nul ne seroit obligé à l'obéissance. << Si la souveraineté de droit ne peut apparte<< nir qu'à l'infaillibilité, à coup sûr elle lui << appartient; car si l'homme a droit de n'o« béir qu'à la vérité, à la raison, en revanche << il est absolument tenu de leur obéir 2. »

«

Or, toutes ces choses, nous les trouvons

1 Globe du 25 novembre 1826.

• Ibid.

dans le christianisme catholique; elles forment le résumé exact et complet de sa doctrine sur la société. Il ne reconnoît de souverain absolu et éternellement légitime que Dieu, Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

Il ne considère le pouvoir humain, ou la souveraineté subalterne et dérivée, que comme le ministre de Dieu pour le bien; obligé de gouverner selon sa loi, selon la vérité, la justice, et perdant tout droit de commander, dès qu'il les viole fondamentalement.

Il enseigne enfin qu'il existe, dans l'autorité de l'Église, un moyen infaillible de connoître toujours cette justice, cette vérité, règle légitime du pouvoir: ce qui lie étroitement, d'après un mode de subordination nécessaire, l'ordre politique et l'ordre religieux, l'action humaine et la raison divine; de sorte que, par le principe de son institution, la souveraineté dévolue à l'être faillible n'est que la manifestation, l'exercice extérieur de la souveraineté de Dieu, et la société est une comme l'homme même.

Qu'on rejette, au contraire, le christianisme catholique, on est contraint de nier

l'existence d'un moyen infaillible de connoître la Loi divine, la justice et la vérité éternellement immuables. Le pouvoir n'a plus de règle que sa pensée propre; et aussitôt il faut conclure qu'il n'y a point, sur la terre, de souveraineté de droit, ou, en d'autres termes, point de droit de commander, point de devoir d'obéir; maxime qui exclut radicalement la possibilité qu'il existe une société légitime quelconque.

Telle est la théorie philosophique du jour1. Il est clair que Dieu y apparoît uniquement pour la forme, puisqu'en supposant qu'il ait parlé, on ne peut savoir ce qu'il a dit ; aucune autorité infaillible ne peut apprendre aux hommes quelles sont les lois qu'il leur a prescrites, ce que c'est que la vérité, la justice,

« Cette théorie de la souveraineté de la raison, que « les études historiques ont fait découvrir à M. Guizot, « un autre jeune professeur, M. Cousin, la déduisoit « alors aussi de ses études métaphysiques et psycholo«giques; et peu de temps après, M. Benjamin Cons<< tant l'établissoit dans son commentaire sur Filangieri ». Ibid.

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