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Sous ce premier rapport, le libéralisme s'éloigne donc de son but, et trompe manifestement le juste désir de liberté qui ément les nations chrétiennes. Ses doctrines restant ce qu'elles sont, il ne peut, sans se contredire, donner aux peuples qu'un de ces deux conseils : « Détruisez la société radicalement incompatible avec vos droits inaliénables »; ou, si l'anarchie et ses horreurs l'effraient plus que le despotisme : « Renoncez à des droits dont l'exercice vous seroit mortel; courbez le front, et subissez le joug de quiconque étendra son épée sur vos têtes ».

Certes ce n'est pas là le langage du christianisme. Il enseigne aux hommes qu'aucun autre homme n'a sur eux, par lui-même, d'empire légitime et naturel; qu'à Dieu seul appartient la vraie souveraineté. Mais comme il veut l'ordre, et que nul ordre ne seroit possible sans un pouvoir qui le conserve, il a préposé sur chaque nation un chef pour la conduire. Ce chef est son ministre

Dieu

1 Eccles., XVII, 14. Cela ne veut pas dire que désigne immédiatement le souverain, mais qu'il commu

pour le bien, et il n'a de puissance que celle qu'il lui communique car c'est de lui que toute paternité, tout pouvoir, sur la terre et dans le Ciel, tire son nom 2 c'est-à-dire, son droit, son autorité; et quand l'antiquité païenne prononçoit cette grave sentence: Le Roi est l'image vivante de Dieu3, elle énonçoit le même dogme proclamé en tous lieux par la tradition. Il y a donc pour les chrétiens des souverainetés légitimes, parce qu'elles dérivent de la souveraineté primitive et absolue, exclusivement propre à Dieu; en obéissant au pouvoir qui vient de lui, c'est à lui seul qu'ils obéissent, et ils peuvent et doivent dire, ce que disoit, au second siècle, l'auteur de l'Apologétique :

nique son autorité à quiconque possède légitimement le pouvoir. La manière légale d'y arriver, ainsi que sa forme, sont d'institution humaine, et varient selon les temps et les lieux.

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5 Divers. sent. inter Gnomic., p. 213.

4 Cum bonâ voluntate servientes, sicut Domino, et non hominibus. Ephes., VI, 7.

Je consens à reconnoître César , pourvu qu'il n'exige rien de contraire aux droits de celui dont il exerce l'autorité: « car du reste << je suis libre ; je n'ai d'autre maître que le << Dieu tout-puissant, éternel, qui est aussi « le maire de César 1. >>

Ainsi tandis que le libéralisme est conduit par ses doctrines à la servitude, ou à la destruction de la société, le christianisme en élevant l'homme jusqu'à la vraie source du pouvoir, établit, à la fois, sur une base inébranlable, la société et la liberté.

Cependant, pour qu'elle existe, il ne suffit pas que le pouvoir soit légitime : il faut encore que son action ait une règle immuable; il faut qu'il règne par la justice, et que la justice règne sur lui. Aussi a-t-on reconnu, dans tous les âges et chez tous les peuples, une Loi céleste, une Loi divine, fondement de toutes les autres lois, qui établit la distinction du juste et de l'injuste; Loi

Tertul., Apolog., cap. XXXVII.

Cicer., de Legib., lib. II, cap. IV et V. - Demophil. Sent. Pythagor., p. 36.

véritable et souveraine, à laquelle il appartient d'ordonner et de défendre, et qui est la droite raison du Dieu suprême1, comme parle l'antiquité. On l'appeloit la Loi royale, ou la Loi par excellence, la Lo commune, la Loi du Ciel, la Vérité, reine des mortels et des immortels. Perpétuellement la même, elle oblige le genre humain tout entier, dont elle est le lien. Sans elle nuls devoirs, nulle justice, nul ordre. « Dieu, est-il dit dans les Védas, ayant « créé les quatre classes, n'avoit pas encore << complété son ouvrage; mais, de peur que <<< la classe royale et militaire ne devînt in<< supportable par sa puissance et sa férocité, << il produisit le corps suprême de la Loi: car << la Loi est le premier souverain, beaucoup <«< plus puissante et sévère que les rois; rien

Cicer., de Legib., ubi suprà.

* Plat. Minos; oper., t. VI, p. 133.

3 Arist. rhetor., lib. I, cap. X.

L'Invariable Milieu, chap. XX, § 18, p. 81.

5 Pindar. ap. Stob., serm. LIX, p. 230.- Schol. Pindar. ad Nem., IX, 35.

<< ne sauroit être plus puissant que la Loi, <«< dont le secours, comme celui du suprême << Monarque, peut donner au foible l'avantage « sur le fort'. >>

Cette doctrine inaltérable, contre laquelle ne peuvent rien le temps ni l'opinion, constitue la foi même et la conscience du genre humain. Elle est le titre de sa liberté : car s'il n'existe pas une loi première, universelle, invariable, qui établisse les droits en fixant les devoirs, une loi obligatoire et par conséquent divine, la justice n'est qu'un vain nom, et le monde est livré aux caprices de la force.

Or le principe le plus général du libéralisme dogmatique, est la souveraineté de la raison individuelle, ou son indépendance absolue; principe qui, en excluant toute autorité extérieure, exclut dès lors toute loi commune, toute loi divine et obligatoire, et détruit la notion même de justice et de devoir. Qu'importe la croyance du genre humain? c'est la mienne seule qui est ma règle.

'Recherches asiatiques, t. I, p. 405.

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