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Tel étoit l'état du monde, lorsque JésusChrist parut. Il sauva le genre humain, en ranimant la foi, c'est-à-dire en ramenant l'homme à sa véritable nature; car l'homme, dit Pascal croit naturellement ; et c'est pour cela qu'il est naturellement sociable.

Dès que la parole du Christ eut soumis deux disciples à sa doctrine, une société nouvelle fut fondée; société spirituelle d'où sortit ensuite, sous des formes diverses de gouvernement, une société politique créée par l'Église, dont elle relevoit, et qui embrassoit comme elle dans son unité tous les peuples adorateurs du Messie.

Il n'est pas de notre sujet de retracer l'histoire de cette magnifique institution, ni d'exposer les principes à la fois si élevés et si simples sur lesquels elle reposoit. Peut-être l'essaierons-nous ailleurs; ici nous ne voulons que faire remarquer la double influence exercée par le christianisme sur les individus et sur les états.

Et d'abord, en établissant au-dessus de la raison de chaque homme une raison plus haute, la raison de Dieu même, perpétuel

lement manifestée dans l'enseignement de l'Église, il les assujettit tous sans exception à une loi immuable de croyances, dont l'un des effets est de produire entre eux l'union la plus intime qu'il soit possible de se représenter : car ils ont, et savent qu'ils ont dans l'esprit les mêmes pensées, dans le cœur le même amour, dans la conscience les mêmes devoirs; unité merveilleuse, hors de laquelle on ne peut concevoir de véritables liens entre les hommes, et qui est la société même.

Ce fondement posé, le christianisme qui règle l'usage des facultés humaines et ne les enchaîne pas, laisse à chacune sa libre expansion. Par ses dogmes qui contiennent toute vérité, par ses préceptes et ses conseils qui renferment toute vertu, il tend incessamment à développer l'intelligence et le sentiment de la perfection morale. C'est ainsi qu'il agit sans interruption sur les mœurs, les sciences, les lettres, la philosophie, les lois; et ce développement qui ne s'arrête jamais, forme le vrai progrès des lumières, exclusivement propre aux nations chrétiennes. Tout peuple qui cesse d'être chrétien, retombe à l'instant dans

la barbarie, et on en retrouve des traces profondément marquées partout où ne règne plus le véritable christianisme, le christianisme complet.

Son influence sur l'ordre politique et les gouvernements ne fut pas moins, sous d'autres rapports, favorable à l'humanité. Il montra dans le souverain le ministre de Dieu 1 le représentant du Christ, mais en l'avertissant que son droit, fondé sur la Loi divine qui l'obligeoit comme ses sujets, expiroit aussitôt qu'il se révoltoit contre le Chef suprême de qui dérivoit son pouvoir. Les mêmes préceptes régloient les rapports des particuliers entre eux, et des particuliers avec l'État. Il n'existoit point deux morales, l'une publique, l'autre privée; et quand la force abusoit d'elle-même, l'Église intervenoit pour protéger le foible, et le garantir de l'oppression. Ce n'étoit point à l'homme qu'on obéissoit, mais à Jésus-Christ. Simple exécuteur de ses commandements, le souverain régnoit en son nom; sacré comme lui, aussi long

Rom., XIII, 4.

temps qu'il usoit de la puissance pour maintenir l'ordre établi par le Sauveur-Roi ; sans autorité dès qu'il le violoit. Ainsi la justice et la liberté constituoient le fondement de la société chrétienne, La soumission du peuple au Prince avoit pour condition la soumission du Prince à Dieu et à sa loi, charte éternelle des droits et des devoirs, contre laquelle venoit se briser toute volonté arbitraire et désordonnée.

Malgré la résistance opiniâtre et violente des souverainetés temporelles, cette grande action du christianisme sur les gouvernements alla croissant durant plusieurs siècles. De funestes circonstances en arrêtèrent plus tard, pour le malheur des peuples et de leurs chefs, le salutaire développement. Peu à peu les rois s'affranchirent de cette haute juridiction qui coordonnoit l'ordre politique à l'ordre spirituel. Ils voulurent régner par eux-mêmes, en vertu d'un droit dont le Christ n'étoit pas la source. Dès lors il y eut deux sociétés mutuellement indépendantes l'une civile et l'autre religieuse. Celle-ci fondée sur les devoirs, celle-là sur les inté

rêts; la première régie par le droit, la seconde opprimée par la force. Louis XIV proclama solennellement cette séparation, et fit ainsi du despotisme la loi fondamentale de l'État. Il ramena, sous ce rapport, la société, détruite dans sa base, au point où le christianisme l'avoit trouvée, et en préparant son entière dissolution dont nous sommes témoins, il légua aux princes des échafauds, à l'Europe d'indicibles calamités, et remit en question l'existence du genre bumain.

En effet, le genre humain ne sauroit subsister dans un état contre nature: il a les lois de sa vie qui ne peuvent être violées impunément. Or la Révolution, ou la théorie philosophique moderne, les renverse toutes, en renversant le christianisme; et c'est là le caractère distinctif de l'époque actuelle. Ses doctrines purement négatives, se réduisent à l'abolition absolue de tout lien social.

Et d'abord elles détruisent la société spirituelle, qui consiste, comme on l'a vu, dans l'union des esprits par des croyances communes; union qui ne peut s'établir et se conserver à moins que tous ne reconnoissent

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