amore. Des pontonniers néanmoins occupèrent jusque vers 1880, deux bâtiments voisins, l'un près de l'Orphelinat municipal créé sous le mairat de M. Maillé, l'autre présentement en démolition, derrière l'habitation du concierge; plus d'une fois nous avons mis la complaisance de ces braves soldats à l'épreuve, pour le transport des gros objets dans la grande salle. Cette vaste pièce 1, toute pleine encore des souvenirs charitables du célèbre comte d'Anjou, Henri II, roi d'Angleterre et de son sénéchal, n'a pas moins dans œuvre de treize cents cinquante mètres superficiels. Son rectangle est divisé en trois nefs, par quatorze colonnes médianes et vingt-deux colonnes engagées. Ces trente-six fûts à bases et chapiteaux encore romans, soutiennent vingt-qua.. e voûtes du commencement du XIe siècle (style Plantagenet), hautes d'environ douze mètres, sous clef. A ces vingt-quatre voûtes correspondent autant de travées qui ont l'avantage de faciliter le classement de la collection, par ordre chronologique, de manière que le visiteur, ayant pour point de départ, les travées d'entrée où sont déposés les plus anciens objets, s'avance dans l'immense salle, jusqu'au fond, où se trouvent classés les plus jeunes. Cette marche à travers les siècles, outre qu'elle est logique, facilite le travail d'observation et met dans la mémoire chaque chose en place. Toutefois, comme il n'est pas en cette matière de règle absolue, cet ordre souffre quelques exceptions, notamment en ce qui concerne l'emplacement de certaines vitrines qui exigent d'autres dispositions, car nous n'avons pas oublié que, si la science a ses droits, l'agencement artistique a les siens, dans une salle où l'imposant coup d'oeil veut être, avant tout, ménagé; aussi nous sommes-nous ingénié à disposer les objets d'antiquités, autant que possible, de façon à faire valoir la beauté de la salle qui, à son tour, les encadre avec une grande harmonie. 1 60 mètres dans œuvre sur 22 mètres 50. Avons-nous réussi? Il le faut croire, puisqu'au volume du budget de 1879 (ville d'Angers), on a bien voulu nous l'exprimer en termes favorables. Entre temps, cette nouvelle mise en ordre du musée, appelait la rédaction d'un nouvel inventaire, l'ancien, d'ailleurs épuisé, ne suffisant plus. Toutefois, certaines tendances continueront de s'y manifester; nous ne pouvons mieux les faire apprécier, qu'en citant l'extrait d'un discours du marquis de la Grange, membre de l'Institut, qui, à la séance de Sorbonne du 18 avril 1868, parlait ainsi de notre premier inventaire : « Ce qu'on y remarque, c'est l'esprit dans lequel le « musée d'Angers (alors au logis Barrauld), a été formé. « L'Anjou y contribue pour la majeure partie, c'est le « résidu de son passé, et le sol à toutes les époques fournit « son contingent. Cette riche collection représente donc, << avant tout, l'histoire locale par ses monuments et par << ses traditions, et voilà ce qui assure à cet établissement « le concours des populations...... « Tout le monde aime son clocher; les archéologues, << autant et peut-être plus que tout le monde, se passionnent << pour leur nationalité provinciale; les objets qui attirent << leur curiosité, ne sont pas seulement les traces et les « souvenirs des Celtes, des Romains et du moyen âge, << mais les traces et les souvenirs des Celtes, des Romains «et du moyen âge de l'Anjou. >> Assurément le côté tout Angevin dont parle ici le docte membre de l'Institut, domine dans le musée, mais non sans de nombreuses exceptions, comme on a pu le voir dans l'inventaire imprimé en 1868 aux frais de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, et comme on le verra dans ce nouvel inventaire qui dépasse (médailles comprises), trois mille numéros, sans compter les intercalaires, tandis que l'ancien ne renfermait que neuf cent trente-huit objets décrits. II Ce serait, ici, le cas de tracer l'historique complet de l'ex-hôpital Saint-Jean, mais comme il y faudrait consacrer une étendue hors de nos limites, nous ne pouvons mieux faire que de nous réduire à quelques pages, renvoyant, pour plus de détails, à l'intéressante et lumineuse notice que M. Célestin Port a écrite en tête du cartulaire qu'il a publié en 1870. On trouvera, également, dans les Notices archéologiques de M. d'Espinay, une série de faits pressés et condensés, avec une pénétrante critique, sur l'origine et le développement du même édifice. L'origine, surtout, y est parfaitement dégagée de ce qu'elle pouvait avoir d'obscur. « Les chartes, dit-il, montrent le rôle de chacun des << personnages qui ont participé à la création de l'hôpital Saint-Jean. Le sénéchal se procure le terrain et fait « bâtir l'édifice; le roi donne des biens, concède des « exemptions d'impôts et de droits féodaux; le pape << accorde des privilèges spirituels au nouvel établisse«ment; l'abbaye du Ronceray cède le terrain dont elle était propriétaire, renonce à une partie de ses droits << spirituels et temporels, comme curé et seigneur de la « Doutre, mais en réservant sa suprématie. Il n'y a « donc aucune difficulté sérieuse sur la fondation de Saint« Jean et l'on peut rendre à chacun, ce qui lui appar« tient1. >>> Ainsi, le sénéchal d'Anjou, Étienne de Matha aliàs de Marchay, le roi d'Angleterre Henri II, le pape Alexandre III, l'abbesse du Ronceray Emma, ont, à l'origine, leur place marquée dans ce concert de charité auquel, 1 D'Espinay, Notices arch., page 237. cinq siècles après (an 1649), s'associe, par sa visite, saint Vincent de Paul avec son cortège de sœurs. Ajoutez plus tard, à ce glorieux assemblage, le corps médical d'où sont sortis tant d'hommes distingués et même d'incontestables illustrations. Longtemps, on a fait erreur sur certaines dates de l'hôpital Saint-Jean. Elles sont aujourd'hui rectifiées, de manière que, sans crainte de trop s'avancer, on peut dire que le magnifique aménagement des caves, des greniers, du cloître ancien et des deux tiers de la chapelle, a vu le jour entre les dates extrêmes: 1174 et 1188. Quant au tiers de la chapelle vers sud-est, cette partie de l'édifice, selon les meilleures données archéologiques, n'est que du commencement du XIe siècle, et ce remaniement paraît devoir s'accorder avec la construction des voûtes de la grande salle, laquelle, à notre sens, dut avoir été bâtie à deux fois, savoir le soubassement, avec ses fenêtres cintrées et ses rangs de colonnes encore romanes, entre 1174 et 1188; puis ses voûtes dans les premières années du XIIIe siècle, mais toujours sous l'influence de ce que nous avons appelé style Plantagenet, nom désormais. admis en archéologie. Il suit de là que, durant un certain laps de temps, la grande salle dut être seulement couverte d'une charpente. Quoi qu'il en soit, tout proteste contre la date de 1153, trop longtemps reçue. D'un autre côté, je ne pense pas qu'il serait prudent de rejeter d'une façon absolue la croyance générale à la dotation de cette œuvre de charité, par Henri II, en expiation du meurtre de saint Thomas de Cantorbéry, assassiné en 1171. Mais si les voûtes de notre grande salle sont postérieures à la mort de Henri II, arrivée en 1189, ainsi qu'au décès de son sénéchal, advenu en 1190, à qui devons-nous attribuer leur construction? Afin de répondre, il nous sera bien permis d'attirer ! l'attenttion sur les six travées de fond, vers ouest, de la vaste pièce et sur douze de ses colonnes, situées du même côté et dont huit sont engagées dans les murs, puis quatre posées dans le vide. Que voyons-nous au-dessous de leurs chapiteaux? Des croix peintes, la plupart à double traverse, forme essentiellement orientale. Que peuvent-elles signifier? Tel est le problème à résoudre, en croyant devoir écarter d'ailleurs, par des motifs qu'il serait trop long d'énumérer, toute idée de croix de consécration, car si nos croix appartenaient à cette catégorie, nous en verrions des traces dans toute l'étendue de la salle; et puis les croix de consécration sont à branches égales. Peut-être nos croix à double traverse vont-elles jeter quelque lumière, par rapprochement de faits entre eux, consignés dans une brochure intitulée Trois lettres à MM. les Administrateurs des Hospices d'Angers 1. Nous y voyons que les Hospitaliers de Jérusalem, ailleurs qualifiés par Péan de la Tuillerie de Chevaliers du Temple, qui résidaient à Angers, dans un angle formé par les rues Saint-Blaise et de l'Hôpital, s'étaient emparés de l'Aumônerie de Saint-Jean antérieurement à l'an 1200; qu'ils l'avaient possédée en paix, et n'avaient cru devoir y renoncer qu'au mois de novembre 1232. Or, cette possession, plus que trentenaire, répond parfaitement au premier tiers du XIe siècle, époque à laquelle se réfère le style de la construction de nos voûtes. De là une grande présomption qu'elles commencèrent à être bâties par les Hospitaliers de Jérusalem. La valeur de cette présomption s'augmente de la présence des croix à double traverse qui semblent être là comme le cachet Ces lettres sont de M. Marchegay; voir les pages 19 et 22. 2 Péan. Édition de Port, page 166. |