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sur l'Assemblée pour amener prochainement l'ouverture de cette succession: c'est dans cet espoir qu'ils l'invitaient à affirmer de nouveau son pouvoir constituant, et à déclarer qu'elle userait de ce pouvoir avant sa séparation.

Moins confiants dans les destinées de la monarchie de leur choix, les orléanistes du centre droit se bornaient à demander discrètement le maintien du statu quo.

Obéissant aux inspirations de M. Thiers, les membres du centre gauche, qui commençaient à douter de la possibilité d'une restauration monarchique, essayaient de sortir du provisoire, et faisaient une tentative vers le définitif. Les républicains du lendemain, qui appartenaient à la gauche, s'associaient à cette politique.

Quant aux républicains de la veille, qui composaient l'extrême gauche, convaincus que la république de droit ne pourrait jamais sortir des délibérations d'une assemblée en majorité monarchique, ils persistaient à dénier le pouvoir souverain de cette assemblée, et ils ne comptaient, pour la réalisation de leurs désirs, que sur une nouvelle Assemblée, spécialement investie du pouvoir constituant.

Quant aux bonapartistes, qui composaient une minorité imperceptible, ils se taisaient et continuaient à courber la tête sous le vote de déchéance du 1" mars1..

La commission, chargée d'examiner les trois propositions,

1 Lors de la discussion du traité de paix, un député républicain, M. Bamberger, ayant dit qu'un seul homme, Napoléon III, aurait dû signer ce traité, un bonapartiste, M. Conti, s'écria : « Napoléon III n'aurait jamais signé un traité honteux. » A la suite du tumulte soulevé par cette exclamation, la séance fut suspendue. A la reprise de la séance, sur la motion de plusieurs membres du centre gauche et de la gauche, la décision suivante fut votée à la presque unanimité : « L'Assemblée nationale clôt l'incident, et, dans les circonstances douloureuses que traverse la patrie, et en face de protestations et de réserves inattendues, confirme la déchéance de Napoléon III et de sa dynastie, déjà prononcée par le suffrage universel, et le déclare responsable de la ruine, de l'invasion et du démembrement de la France.

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que nous venons de rappeler, conclut à l'adoption de la proposition Rivet, avec quelques modifications.

Son rapporteur fut M. Vitet.

Le rapport révèle les tiraillements qui s'étaient produits au sein de la commission; il fait connaître les difficultés qu'il avait fallu vaincre pour arriver à constituer une majorité, et les conditions auxquelles plusieurs membres de cette majorité avaient subordonné leur vote.

Cette proposition, disait le rapporteur, qu'est-elle au fond et que veut-elle ? Entend-elle déchirer le pacte de Bordeaux? Le changement de mots qu'elle demande est-il un changement de choses? Est-ce la République qu'on proclame, contrairement aux paroles données? La réponse a été nette et catégorique. Les auteurs du projet repoussent absolument toute pensée d'avoir voulu provoquer la rupture d'engagements qu'ils tiennent pour sacrés... Ce n'est donc qu'une question en quelque sorte de protocole, que la substitution de ce mot : PRÉSIDENT à ceux-ci : CHEF DU POUVOIR EXÉCUTIF, puisque dans les deux cas, l'une et l'autre formule est terminée par les mêmes paroles : République française.

Dans la pensée des auteurs de la proposition, cette substitution n'était-elle réellement, comme l'affirmait M. Vitet, qu'une question de protocole? Il est permis d'en douter.

Cette logomachie n'eût pas à elle seule déterminé le dépôt de cette proposition. Sans doute, en attendant que la majorité de l'Assemblée s'acclimatât avec la chose, il était bon qu'elle s'apprivoisât avec le mot. Mais les visées des auteurs de la proposition étaient certainement plus hautes.

Bien simples furent ceux qui ne s'en aperçurent pas, je ne parle pas de ceux qui eurent l'air de ne pas s'en apercevoir. L'illusion des premiers ne tarda pas à être dissipée. Une année s'était à peine écoulée que dans son message du 13 novembre 1872, M. Thiers, après avoir rappelé que la

forme donnée à la République, dont il était le président, n'était qu'une forme de circonstance, conviait l'Assemblée à se préoccuper du jour où elle jugerait opportun de remplacer cette forme par une autre forme, nécessaire, disait-il, pour donner à cette République la force conservatrice dont elle ne pouvait se passer.

A quoi les légitimistes de riposter aussitôt par l'organe de M. le duc de Bisaccia: Mais nous n'en voulons pas; et par celui de M. le vicomte de Lorgeril: Et le pacte de Bordeaux1!

La partie républicaine semblait compromise. Qu'espérer d'une Assemblée, qui à une invite à la Constitution répondait par la demande d'une commission chargée de présenter un projet de loi sur la responsabilité ministérielle!

Mais, lors de la discussion du rapport présenté par M. Batbie, un fait important se produisit.

Ce rapport se bornait à conclure à la nomination d'une commission qui serait investie du mandat limité que nous venons d'indiquer.

A la séance du 28 novembre 1872, le garde des sceaux, M. Dufaure, prit la parole. Après avoir expliqué comment, à son avis, en ne demandant qu'une loi sur la responsabilité ministérielle, on ne demandait, en réalité, que les moyens d'interdire au Président de la République l'accès de la tribune, il déclara que le gouvernement pourrait peut-être se résigner à ce sacrifice, si on lui donnait une compensation; cette compensation, c'était l'organisation des pouvoir publics. A cet effet, il soumit à l'Assemblée une proposition tendant à la nomination d'une commission de trente membres, qui serait chargée, celle-là, de présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi pour régler en même temps les attributions

1 Séance du 12 novembre 1872.

des pouvoirs publics et les conditions de la responsabilité ministérielle.

La manœuvre était habile.

Si l'on parvenait à lier les deux questions, la majorité serait contrainte de payer les concessions qu'elle demandait en haine du président, par les concessions qui lui seraient demandées en faveur de la République.

La manœuvre réussit.

A la séance du lendemain, 29, à la suite d'un important discours de M. Thiers, la proposition du gouvernement fut adoptée à une majorité de 37 voix (372 contre 335).

Obligée explicitement par ce vote à régler les attributions des pouvoirs publics, l'Assemblée s'obligeait implicitement à les organiser; or, à ce moment, en présence des résultats des dernières élections, en présence aussi de l'attitude du comte de Chambord, qui, tout en se tenant à la disposition de la France, déclarait ne vouloir remonter sur le trône de ses ancêtres qu'en qualité de souverain légitime, et non en qualité de monarque conventionnel, cette organisation ne pouvait être que celle de la République.

1

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La première commission, dite des Trente, se trouva composée de vingt et un adversaires et de neuf partisans plus ou moins décidés de la forme républicaine.

Dans cette situation, il était facile de prévoir que la solution désirée se ferait attendre.

Il s'agissait de louvoyer et de gagner du temps.

Le rapport, fait par M. le duc de Broglie, fut déposé le 21 février 1873.

1 MM. de Larcy, d'Audiffret-Pasquier, vicomte d'Haussonville, Amédée Lefèvre Pontalis, Batbie, Théry, Delacour, duc de Broglie, de la Bassetière, Sacaze, Fournier (du Cher), vicomte de Cumont, de la Germonière, duc Decazes, Lucien Brun, Baze, Lebraly, de Lacombe, Grivard, DeseilliErnoul.

gny,

2 MM. le comte Duchatel, Marcel Barthe, Ricard, Duclerc, Martel, Arago, Bertauld, Max Richard, Albert Grévy.

A en croire le préambule, la commission avait éprouvé des doutes sur l'étendue de son mandat.

Si ce mandat lui permettait de rechercher les moyens de pourvoir, non-seulement à l'amélioration des pouvoirs publics existants, mais à la création d'institutions nouvelles, dans le cas où elles seraient jugées nécessaires, lui permettait-il d'aborder les grandes questions de gouvernement, que « le commun et patriotique accord de tous les partis était convenu à Bordeaux de tenir en réserve pour des temps meilleurs»? La commission ne l'avait pas pensé.

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Ces temps heureux n'étant pas encore venus, cette commission, après avoir réglé la question relative aux rapports des pouvoirs publics, s'était bornée à proposer l'Assemblée de déclarer qu'elle ne se séparerait pas avant d'avoir statué: sur l'organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exécutif; sur la création et les attributions d'une seconde Chambre, qui n'entrerait en fonction qu'après la séparation de l'Assemblée actuelle; sur la loi électorale.

Cette proposition fut adoptée dans la séance du 13 mars 1873. Grâce à cette tactique, les monarchistes espéraient ajourner la solution de la question, sinon indéfiniment, car il fallait bien que le provisoire fût enfin remplacé par le définitif, du moins jusqu'à l'époque où la réussite de nouvelles combinaisons leur permettrait de songer sérieusement au rétablissement de la monarchie, que, dans un but facile à comprendre, ils évitaient maintenant de qualifier de légitime, préférant à cette qualification celle plus habile de monarchie constitutionnelle.

Mais, tandis que les monarchistes, qui ne pouvaient plus reculer, essayaient de piétiner sur place, le gouvernement s'efforçait d'avancer.

Cet effort allait aboutir à la rupture de la trêve des partis.

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