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Le 19 mai 1873, après une intercession de quelques semaines, l'Assemblée nationale reprit ses travaux.

Les monarchistes n'avaient pas perdu leur temps pendant les vacances parlementaires; les allées et venues entre Versailles et Frohsdorf avaient été fréquentes.

Le Président de la République ayant répondu à ces menées par une modification partielle du ministère', les meneurs y répondirent par une déclaration de guerre.

Dès le début de cette séance du 19 mai, les partisans de la politique dite « résolûment conservatrice », au nombre de trois cents environ, déposèrent une demande d'interpellation sur la composition du nouveau ministère; la discussion fut remise au lendemain.

De son côté, le vice-président du Conseil, M. Dufaure, déposa un projet de loi sur l'organisation des pouvoirs publics et la création d'une seconde Chambre; l'Assemblée refusa d'en entendre la lecture. Le dépôt de ce projet fut suivi, le lendemain, d'un projet de loi électorale.

Enfin, cinquante-deux membres de l'extrême gauche déposèrent une proposition par laquelle ils demandaient à l'Assemblée de prononcer, dans un délai de quinze jours, sur l'époque de sa dissolution; une demande de déclaration d'urgence fut rejetée.

L'interpellation fut discutée dans la séance du 23 mai; le discours de M. de Broglie fut un véritable acte d'accusation contre M. Thiers. La défense fut présentée dans la séance du lendemain; M. Thiers fut son propre avocat. Sa cause était perdue d'avance, sa condamnation était certaine; elle fut prononcée sous la forme d'un ordre du jour, déposé par qua

1 La pensée de cette modification se manifesta principalement par la nomination, comme ministre de l'intérieur, de M. Casimir Périer, qui remplaça M. de Goulard.

2 L'Assemblée nationale, — Considérant que la forme du gouvernement n'est pas en discussion; - que l'Assemblée est saisie de lois constitution

rante-trois membres de la droite ', appuyé par un groupe de quinze membres du centre droit', qu'on a surnommé le peloton d'exécution, et voté par trois cent soixante voix contre trois cent quarante-quatre (16 voix de majorité).

Ce même jour (24 mai), M. Thiers donna sa démission; M. le maréchal de Mac Mahon fut élu à sa place Président de la République, et le ministère Dufaure céda la place au ministère de Broglie.

Comme nous venons de le voir, avant de disparaître, le ministère tombé avait déposé un projet de loi sur l'organisation des pouvoirs publics et un projet sur la loi électorale.

D'après le premier de ces projets, le gouvernement de la République devait se composer d'un Sénat, d'une Chambre des représentants et d'un Président de la République, chef du Pouvoir exécutif (art. 1o). Le Sénat devait se composer de deux cent soixante-cinq membres; la Chambre, de cinq cent trente-cinq (art. 2). Le Sénat devait être nommé pour dix ans et être renommé par cinquième tous les deux ans; la Chambre devait être nommée pour cinq ans, et se renouveler intégralement après la cinquième année; le Président de la

nelles présentées en vertu d'une de ses décisions, et qu'elle doit examiner; - Mais que dès aujourd'hui il importe de rassurer le pays, en faisant prévaloir dans le gouvernement une politique résolûment conservatrice, - Regrette que les récentes modifications ministérielles n'aient pas donné aux intérêts conservateurs la satisfaction qu'ils avaient droit d'attendre, et passe à l'ordre du jour.

1 MM. Ernoul, de Broglie, O. Depeyre, Beulé, Blin de Bourdon, Léonce de Guiraud, Ch. de Lacombe, marquis de la Rochetulon, L. de Lavergne, Joseph de Carayon-Latour, Courbet-Poulard, A. Johnston, Raoul Duval, Baragnon, de Cazenove de Pradine, E. de la Bassetière, marquis de Mornay, comte de Rességuier, comte Octave de Bastard, Louis de SaintPierre, Anisson-Duperon, comte de Legge, Ch. Cheneslong, Am. Lefèvre Pontalis, marquis de Talhouët, vicomte Arthur de Cumont, marquis de Gouvello, Auguste Callet, général Mazure, baron Chaurand, E. Keller, Lucien Brun, de la Monneraye, P. Pradié, R. de Larcy, Audren de Kerdrel, vicomte de Meaux, général Robert, A. Tailhand, Carron, Bernard-Dutreil, duc de Larochefoucauld-Bisaccia, comte de Sugny.

2 MM. Target, Paul Cottin, Prétavoine, Balsan, Mathieu-Bodet, Lefébure, Caillaux, Eugène Talon, Louis Passy, Albert Delacour, Léon Vingtain, Deseilligny, Dufournel, Daguilhon, E. Martel.

République devait être nommé pour cinq ans; il était rééligible (art. 3). L'élection des sénateurs devait se faire au scrutin de liste par tous les électeurs du département (art. 4). L'article 5 énumérait les catégories de citoyens dans lesquelles les sénateurs devaient être nécessairement choisis'. L'élection des représentants devait se faire par le vote direct de tous les électeurs de l'arrondissement (art. 8). Le Président de la République devait être nommé par un Congrès composé: 1o des membres du Sénat; 2o des membres de la Chambre des représentants; 3° d'une délégation de trois membres désignés par chacun des conseils généraux de France et d'Algérie (art. 9).

L'Assemblée se trouvait saisie des projets de lois constitutionnelles. Mais, à en juger par le langage du nouveau Président de la République, elle mettrait quelque temps à en aborder la discussion. Sur ce point, toute latitude lui était laissée : autant M. Thiers était pressé, autant M. de Mac Mahon l'était peu.

« Vous en êtes saisis (des lois constitutionnelles), disait celui-ci dans son premier message; vous les examinerez, le

1 Ne peuvent être élus aux fonctions de sénateurs que : 1o Les membres de la Chambre des représentants; 2o les anciens membres des assemblées législatives; 3° les ministres et anciens ministres; 4o les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes; 5o les présidents et anciens présidents des conseils généraux; 6o les membres de l'Institut; 7o les membres nommés du conseil supérieur du commerce, de l'agriculture et de l'industrie; 8° les cardinaux, archevêques et évêques; 9o les présidents des deux consistoires de la confession d'Augsbourg et des douze consistoires de la religion réformée qui comptent le plus grand nombre d'électeurs; 10° le président et le grand rabbin du consistoire central des israélites de France; 11° les maréchaux et généraux de division, les amiraux et vice-amiraux en activité de service ou dans le cadre de réserve; les gouverneurs de l'Algérie, et des trois grandes colonies ayant exercé ces fonctions pendant cinq ans ; 12o les préfets en activité de service; 13° les maires des villes au-dessus de 100,000 âmes; 14° les fonctionnaires qui ont rempli pendant dix ans les fonctions de directeur dans les administrations centrales des ministères; 15° les magistrats en retraite qui ont appartenu à la Cour de cassation, aux Cours d'appel, ou qui ont rempli les fonctions de président d'un tribunal civil.

Gouvernement lui-même les étudiera avec soin, et, quand viendra le jour où vous jugerez convenable de les discuter, il vous donnera sur chaque point son opinion réfléchie. »

Le maréchal aurait facilement consenti à ce que l'Assemblée oubliât ses engagements.

M. Dufaure, qui s'était chargé de les lui rappeler, demanda, dans la séance du 2 juillet 1873, que les lois constitutionnelles fussent mises à l'ordre du jour des bureaux.

Un des membres de la droite, M. Leurent, ayant observé qu'on était bien près des vacances, la majorité se saisit du prétexte et décida qu'on ne s'occuperait de ces lois que dans le mois qui suivrait la rentrée : c'était quatre mois de gagnés.

A cette rentrée, au mois de novembre, ce fut, chose qui de prime abord parut bizarre, la droite qui reprit la campagne.

Cette bizarrerie fut bien vite expliquée.

Si les monarchistes se souciaient peu des lois constitutionnelles en général, en revanche ils se souciaient beaucoup de certaines dispositions de ces lois, de celle notamment qui avait trait à la durée des pouvoirs du Président de la République.

D'après la loi du 31 août 1871, ces pouvoirs devaient finir avec ceux de l'Assemblée; la situation du maréchal de Mac Mahon était, à cet égard, la même que celle de M. Thiers.

Or, la durée de l'Assemblée ne pouvait être bien longue. Si, avant sa séparation, la restauration monarchique n'était pas accomplie, que deviendraient tous les efforts faits dans ce but depuis deux ans ?

1 Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de Président de la République française et continuera d'exercer, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, tant qu'elle n'aura pas terminé ses travaux, les fonctions qui lui ont été déléguées par le décret du 17 février 1871.

Au point où les choses en étaient, on commençait à désespérer que cette restauration pût être l'œuvre de l'Assemblée actuelle; on désespérait encore plus d'une assemblée nouvelle. Il ne restait plus qu'un espoir, celui qu'on pourrait fonder sur un président qui, survivant à l'Assemblée, consentirait, quand le moment serait venu, à jouer le rôle de Monck et à s'effacer devant le roi.

Dans son message du 5 novembre 1873, le maréchal s'expliqua sur cette question de prolongation de pouvoirs.

«

Quel que soit le dépositaire du pouvoir, dit-il, il ne peut faire un bien durable............. s'il n'a devant lui la garantie d'une existence assez longue pour éviter au pays la perspective d'agitations sans cesse renouvelées. »

Immédiatement après la lecture de ce message, les monarchistes, ayant à leur tête le général Changarnier, déposèrent une proposition tendant, d'une part, à faire proroger de dix ans les pouvoirs du maréchal de Mac Mahon, et, d'autre part, à faire nommer une commission de trente membres pour l'examen des lois constitutionnelles.

Les bonapartistes répondirent à cette proposition par une proposition tendant à faire convoquer le peuple français dans ses comices, le dimanche 4 janvier 1874, pour statuer sur le Gouvernement définitif de la nation, qui serait, ou la Royauté, ou la République, ou l'Empire.

L'urgence fut votée pour la première de ces propositions; elle fut rejetée pour la seconde.

Comme on l'a vu, la proposition Changarnier avait un double objet : la prolongation des pouvoirs du maréchal et l'examen des lois constitutionnelles.

Si la majorité avait hâte de voir aboutir la première de ces questions, elle n'éprouvait pas les mêmes sentiments pour la seconde; aussi, en dépit des efforts de M. Dufaure et de M. Grévy, le renvoi des deux questions à une même commis

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