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Quand on parle de reviser la Constitution, on parle de reviser une chose qui nominalement n'existe pas.

En fait de Constitution, il n'existe que des lois constitutionnelles. Cette distinction n'est pas oiseuse; nous en verrons ultérieurement l'importance.

Au lieu de suivre l'exemple de ses devancières, et de faire une Constitution, c'est-à-dire un tout composé de plusieurs parties réunies, l'Assemblée nationale de 1871 a fait des lois constitutionnelles distinctes : ce sont des parties séparées, dont la réunion forme le tout, qu'on appelle la Constitution.

Ces lois sont au nombre de trois : celle du 25 février 1875 sur l'organisation des pouvoirs publics; celle du 24 du même mois sur l'organisation du Sénat; celle du 15 juillet de la même année sur les rapports des pouvoirs publics.

A côté de ces lois, dites constitutionnelles, se placent deux autres lois, dites organiques: celle du 2 août 1875 sur les

élections des sénateurs; celle du 30 novembre suivant sur l'élection des députés.

Pourquoi les trois premières sont-elles constitutionnelles, pourquoi les autres sont-elles organiques, puisque les unes comme les autres touchent à l'organisation des pouvoirs publics? Pourquoi, notamment, la loi relative au mode de recrutement et d'élection des sénateurs est-elle constitutionnelle, alors que celle relative au mode d'élection des députés est organique?

Ces lois sont telles, parce qu'il a plu à l'Assemblée nationale qu'il en fût ainsi. Et il lui a plu qu'il en fût ainsi, en ce qui concerne l'élection des sénateurs et celle des députés, parce que comptant sur le Sénat pour le triomphe de ses idées monarchiques, la majorité de cette assemblée ne voulait pas exposer la composition de ce corps aux vicissitudes trop faciles d'une simple modification législative.

Pour elle le Sénat était l'arche sainte; la Chambre n'était qu'un temple profane, dont les dispositions et l'agencement devaient tenir une place moindre dans l'architecture gouvernementale.

Il est à remarquer, en effet, que les lois constitutionnelles ne peuvent être modifiées que par la procédure exceptionnelle de la révision, tandis que les lois organiques peuvent l'être par la procédure ordinaire, applicable à toutes les lois.

Il en résulte que, lorsqu'il s'agira de savoir s'il y a lieu de maintenir les sénateurs inamovibles ou de soumettre tous les sénateurs au régime de l'électorat, il faudra s'adresser au congrès.

Pour les députés, au contraire, quand il s'agira de savoir s'il y a lieu de substituer le scrutin de liste au scrutin uninominal, le congrès sera incompétent; il faudra s'adresser, ou à la Chambre et au Sénat, ou au Sénat et à la Chambre, délibérant séparément.

Il faudra donc que les sénateurs, qui espéraient rattacher la question de mode de recrutement du Sénat à celle du mode de recrutement de la Chambre, renoncent à cet espoir. Ils ne pourraient faire de ce rattachement une condition de leur vote.

On pourrait sans doute atteindre ce but, en demandant que le caractère de la loi, qui détermine le mode d'élection des députés, soit modifié, et que d'organique cette loi devienne constitutionnelle.

Mais ce moyen serait difficilement acceptable.

Le nombre des articles constitutionnels est plus que suffisant; loin de l'augmenter, il vaudrait mieux le diminuer.

II

HISTORIQUE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES.

Avant de regarder vers l'avenir, regardons un instant vers le passé.

Pour l'étude à laquelle nous nous livrons, il est utile de rappeler dans quelles circonstances et dans quelles conditions les lois constitutionnelles ont été votées.

1

La constitution impériale ayant sombré avec l'Empire, quatorze députés s'étaient réunis à l'Hôtel de ville de Paris le 4 septembre 1870.

1 MM. Emmanuel Arago, Crémieux, Dorian, Jules Favre, Jules Ferry, Guyot-Montpayroux, Léon Gambetta, Garnier-Pagès, Magnin, Ordinaire, A. Tachard, E. Pelletan, Ernest Picard, Jules Simon.

En vertu d'un droit dont ils prirent possession, puisque personne n'était en mesure d'en revendiquer la propriété, ils proclamèrent la République et constituèrent un gouvernement qu'ils intitulèrent gouvernement de la Défense nationale '.

La présidence en fut confiée au général Trochu.

Cet état de choses dura jusqu'au commencement de 1871. Un décret du 29 janvier de cette année convoqua les colléges électoraux à l'effet d'élire une assemblée, qui fut désignée sous le nom d'Assemblée nationale.

Ce décret ne s'expliquait pas, et ne pouvait pas d'ailleurs s'expliquer sur les attributions de cette assemblée, qui, par la force des choses, allait être une assemblée souveraine.

Cette assemblée se réunit à Bordeaux, le 12 février suivant.

Un de ses premiers actes fut l'organisation du pouvoir exécutif.

Le 17, par un décret rendu à la suite d'une proposition déposée par sept représentants, elle décida qu'en attendant qu'il fût statué sur les institutions de la France 3, M. Thiers serait le chef du pouvoir exécutif de la République française, et qu'il exercerait ses fonctions sous l'autorité de l'Assemblée, avec le concours des ministres qu'il choisirait et qu'il présiderait.

Dans le préambule de ce décret, l'Assemblée se déclarait dépositaire de l'autorité souveraine.

Ce droit, qui lui fut contesté par les radicaux d'alors, était difficilement contestable.

1 Les membres de ce gouvernement furent les députés de Paris : MM. Emmanuel Arago, Crémieux, Jules Favre, Jules Ferry, Gambetta, Garnier-Pagès, Glais-Bizoin, Pelletan, Picard, Rochefort, Jules Simon. 2 MM. Dufaure, Jules Grévy, Vitet, Léon de Malleville, Lucien Rivet, le comte Mathieu de la Redorte, Barthélemy Saint-Hilaire.

3 Ce sont les termes du préambule.

:

Par le fait de ce décret, deux points se trouvaient désormais acquis d'une part, le pouvoir constituant de l'Assemblée; d'autre part, la qualification (de République, donnée au gouvernement nouveau.

Cette république n'était, il est vrai, qu'une république de fait, et non une république de droit', comme l'eussent voulu certains membres de l'Assemblée'; mais si, à cette époque, les monarchistes consentaient à subir celle-là, ils n'eussent jamais consenti à accepter celle-ci; et il n'existait aucun moyen de les contraindre.

Le régime inauguré par ce décret est connu sous le nom de pacte de Bordeaux.

Le premier pas, ainsi franchi à l'étape de Bordeaux, fut bientôt suivi d'un second, qui fut franchi à l'étape de Versailles.

Le 12 août 1871, l'Assemblée fut saisie de trois propositions, l'une de M. de Belcastel, député de l'extrême droite, par laquelle il demandait que l'Assemblée, sans préjuger la forme définitive du gouvernement, déclarât qu'elle ne se séparerait pas avant d'avoir proclamé cette forme; le second, de M. Adnet et de plusieurs membres du centre droit, par laquelle ils se bornaient à demander que l'Assemblée confirmât à M. Thiers les pouvoirs qui lui avaient été conférés à Bordeaux; la troisième enfin, de M. Rivet et de plusieurs de ses collègues du centre gauche, par laquelle ils demandaient que M. Thiers continuât à exercer ces pouvoirs avec le titre nouveau de Président de la République française.

La situation des partis commençait à se dessiner.

Persuadés que Henri V pouvait seul être appelé à recueillir la succession de la République, les légitimistes comptaient

1 « Cette explication (celle du sens de la proposition) n'est autre chose que l'affirmation d'un fait incontestable. »

2 Protestation de M. Louis Blanc à la séance du 19 février 1871.

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