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A ceux qui demandent comment on pourrait avoir raison du Congrès, je demande à mon tour comment on pourrait avoir raison du Président de la République.

Le mieux est de laisser de côté ces hypothèses, qui sont absolument chimériques. Elles le sont, parce que, lorsque la Chambre et le Sénat se seront mis d'accord pour ne procéder qu'à une revision limitée, il est invraisemblable, il est impossible que la majorité, qui aura voté cette résolution, ne se retrouve pas au Congrès pour réprimer les usurpations et les excès de pouvoir. On a dit qu'un pareil vote n'obligerait pas le Congrès; moi je dis qu'il obligerait la conscience de ceux qui y auraient pris part. Aujourd'hui comme en 1859, une fois l'accord établi, les Chambres peuvent avoir confiance; cette confiance ne saurait être ni déçue, ni trahie.

Que si cependant une tentative illégale se produisait, si un membre du Congrès tentait d'introduire une question étrangère aux délibérations de ce corps, le président, gardien du règlement, devrait refuser la mise en discussion de la motion ou de la proposition '; s'il l'acceptait, la délibération pourrait et devrait être écartée par la question préalable. Dans le cas où une discussion viendrait à s'engager, soit sur la conduite présidentielle par voie de rappel au règlement, soit sur la question préalable, il est invraisemblable, il est impossible de supposer que la majorité, engagée par le vote préliminaire des deux Chambres, consente à renier son engagement, et à s'associer à un acte qui serait entaché d'une illégalité manifeste.

Dans le cas vraiment inadmissible où cet événement viendrait à se produire, le bureau du Congrès qui, aux termes de l'art. 11 de la loi du 16 juillet 1875, se compose du président, des vice-présidents et des secrétaires du Sénat, aurait

1 M. Gambetta a usé de ce droit dans la séance du 4 juin 1880. (POUDRA et PIERRE, Traité pratique du droit parlementaire, no 965 et suivants.)

encore la ressource d'une retraite. Sans bureau, comment le Congrès pourrait-il fonctionner? Comment le pourrait-il encore, s'il était déserté par la majorité de ses membres, puisque, d'après l'art. 8 de la loi du 25 février 1875, les délibérations, pour être valables, doivent être prises à la majorité absolue des voix, et que, d'après une pratique constante, cette majorité est celle du nombre légal des membres de l'assemblée délibérante'.

Heureusement que, comme nous l'avons dit, ce sont là des hypothèses, auxquelles il ne faut pas attacher une importance exagérée. Contre leur éventualité il existe une garantie sérieuse; cette garantie, c'est la conscience des députés. Nous en avons fini avec le passé; arrivons au présent.

VII

FAUT-IL REVISER LA CONSTITUTION?

Si la question était entière, je serais disposé à répondre négativement à la question de savoir s'il faut reviser la constitution.

Celle qui nous régit compte à peine huit années d'existence; c'est peu pour une loi; c'est encore moins pour une constitution.

C'est toujours chose grave que de toucher aux lois constitutionnelles, qui sont la base de l'organisation d'un pays. C'est pour cette raison que chez presque toutes les nations,

1 Le nombre des sénateurs étant de trois cents, et celui des députés de cinq cent cinquante-sept, le nombre des voix nécessaire pour la validité des délibérations est de 429.

dont les constitutions sont revisables, des précautions ont été prises pour que ces révisions ne puissent pas être trop facilement opérées.

Ces précautions consistent : tantôt dans l'impossibilité d'opérer une réforme intégrale, et de toucher à la forme du gouvernement'; tantôt dans l'obligation de laisser écouler un intervalle plus ou moins long entre chaque révision'; tantôt dans la nécessité que la révision soit précédée de demandes ou propositions plus ou moins réitérées; tantôt dans la restriction du droit d'initiative; tantôt dans l'augmentation de la majorité, par laquelle la révision ou la proposition de révision doivent être votées".

Sur ce point, des précautions ont été prises par les con

1 Constitutions de la Bavière, de la Belgique, de la Grèce, du Portugal, de la Suède, de la Norwége.

2 La Charte portugaise de 1826 disait : Si quatre ans après que la constitution aura été jurée, on reconnaît que quelqu'un de ses articles doit être modifié, la proposition en sera faite par... La constitution grecque de 1864 ne permettait de reviser les articles des lois fondamentales que dix ans après leur promulgation.

La constitution suédoise dispose que la loi sur la forme du gouvernement et les autres lois fondamentales du royaume ne peuvent être modifiées ni abrogées qu'à la suite d'une résolution prise par le Roi et deux diètes ordinaires. Une règle identique est inscrite dans la loi de la Norwége et dans celle du Danemark. De même, en Grèce, aucune révision ne peut avoir lieu que si la Chambre des députés la réclame dans deux législatures consécutives... D'après la constitution portugaise et celle du Brésil, la proposition de révision est lue trois fois la Chambre des députés, avec un intervalle de six jours entre chaque lecture (BARD et ROBIQUET, la Constitution française de 1875 étudiée dans ses rapports avec les législations étrangères, pages 386 et 387.)

4 En Bavière, la Charte de 1818 confie exclusivement au Roi le droit de proposer les modifications constitutionnelles. En Suède, le Roi peut frapper d'un vote absolu les propositions de révision qui émanent de la Diète. (lb., pages 383 et 384.)

5 Aux termes de la loi autrichienne de 1867, une majorité des deux tiers des voix doit être obtenue dans le Reichsrath pour autoriser un changement à une loi fondamentale. En Belgique, nulle modification de ce genre n'est adoptée, si elle ne réunit également les deux tiers des suffrages. Il en est de même en Bavière, en Hollande, en Roumanie, en Norwége. (Ibid., pages 385 et 386.) En Grèce, la proposition de révision doit être votée par les trois quarts du nombre total des membres des députés. (Ibid., page 386.)

stitutions républicaines aussi bien que par les constitutions monarchiques.

Dans la Suisse, où, conformément à notre constitution de 1793, il est admis que le peuple a toujours le droit « de revoir, de réformer et de changer sa constitution' », la question de savoir s'il y a lieu de procéder à la révision doit être posée au peuple; mais elle ne peut l'être que si la révision est demandée au moins par 50,000 citoyens suisses ayant droit de voter.

Aux États-Unis, où le droit d'apprécier l'opportunité d'une modification au pacte fondamental est confié, non à l'ensemble des électeurs, mais aux assemblées législatives, le Congrès ne peut, d'après l'art. 5 de la constitution, proposer des amendements à cette constitution, que lorsque les deux tiers des deux Chambres le jugent nécessaire; il peut aussi convoquer une convention pour proposer des amendements; mais il faut, dans ce cas, que la demande en soit faite par les deux tiers des législatures des divers États.

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Je le répète si la question de révision était entière, j'inclinerais à la résoudre par la négative.

Car, en dépit des efforts de la ligue révisionniste, l'opinion publique, prise dans son ensemble, paraît en ce moment assez indifférente même à une révision partielle. On a beau la chauffer, la masse reste froide.

Mais la question n'est plus entière: au point où en sont les

1 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (art. 28).

La constitution de 1793 était ainsi conçue : ART. 115. Si dans la moitié des départements, plus un, le dixième des Assemblées primaires de chacun d'eux, régulièrement formées, demande la révision de l'acte constitutionnel, ou le changement de quelques uns de ses articles, le Corps législatif est tenu de convoquer toutes les Assemblées primaires de la République, pour savoir s'il y a lieu à une convention nationale.

Lors des élections de 1881, la révision générale ou, pour parler plus exactement, la révision en général, n'a été demandée que par cinquante candidats, parmi lesquels douze bonapartistes, qui demandaient l'appel au peuple, et un radical qui demandait la nomination d'une constituante: ce n'est pas le dixième des députés.

choses, il n'y a pas à se demander s'il y a lieu de poser cette question; elle est posée. Elle l'est par la proposition que M. Barodet et ses collègues ont déposée à la Chambre des députés, le 27 mars 1884, et qui a été renvoyée à la commission d'initiative; elle l'est par l'engagement qui, après la chute du ministère Freycinet, a été pris par le ministère Ferry devant la même chambre, dans la séance du 6 mars 1883; les élections sénatoriales sont prochaines; les élections législatives ne sont pas éloignées.

Il n'est plus possible de reculer; l'heure de la révision a sonné.

VIII

COMMENT LE PARLEMENT DEVRA-T-IL ÊTRE SAISI DE LA QUESTION DE LA RÉVISION?

D'après l'art. 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, les Chambres ont le droit, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de reviser les lois constitutionnelles.

En pareille matière, le droit d'initiative appartient, comme on le voit, soit au pouvoir exécutif, soit au pouvoir législatif.

En matière ordinaire, lorsque le gouvernement use de son droit d'initiative, il saisit de son projet le Sénat ou la Chambre, à son choix, à moins qu'il ne s'agisse d'une loi de finances, cas auquel la Chambre des députés doit être saisie la première1.

1

Quand la Chambre saisie a adopté le projet, il est transmis

1 Loi du 24 février 1875, art. 8.

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