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poche un jeu de dominos monarchique où des lettres. écrites sur chacun forment par leur réunion : Vivent le roi, la reine, et monseigneur le dauphin 1. << Prisez-vous? >> Et si vous tirez une tabatière ronde d'un côté représentant le blocus et la prise du couvent des Annonciades et de l'autre M. d'Albert de Rioms se battant sur le Pluton contre IV vaisseaux vous êtes leur ami et leur second contre

les Jacoquins 2.

Ils prennent un temps, un uniforme de ralliement : habit vert, collet rose; veste, culotte, souliers à boucles, le tout noir. Mais c'est à esquiver la cocarde qu'ils s'ingénient le plus. Ils ont des cocardes antipatriotiques, petits flocons formés d'un seul ruban rayé. Ils en ont de mécaniques qui, de tricolores à Paris, passent blanches dans leurs cavalcades aux environs de Bagatelle 3. Ils organisent un ordre dont les croix sont à huit pointes, espacées de fleurs de lis surmontées de la couronne de France, représentant en leurs médaillons le marquis de Favras sortant du tombeau : l'ordre de la Résurrection de la contre-révolution, auquel les patriotes songent à opposer un ordre de la Lanterne, portant un réverbère les ailes déployées *.

La haute société, le salon noble, prend part et s'associe aux petites vengeances de ses jeunes gens terribles : à un grand bal, chez une grande dame, un neveu de Mme de Sillery s'étant présenté les cheveux noirs et plats, les gens le prennent, ou font comme s'ils le prenaient pour un jockey il est refusé. Il insiste, décline son nom, sa pa

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1. Feuille du jour. Novembre 1791. 2. Chronique de Paris. Avril 1790. 3. Journal de Perlet. Mai 1792.

de France, par M. de La Croix.

4. L'Observateur. Octobre 1790.

Considérations sur la noblesse

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renté il obtient d'être reçu; mais les danseuses, dont quelques-unes portent sous leurs robes une cocarde blanche posée à nu sur le cœur 1, s'arrangent de façon à ne point danser avec lui; et le neveu de Mme de Genlis passe la soirée dans un coin, désigné, lorgné, à voir toutes les femmes qui l'ont refusé n'avoir que sourires pour les cavaliers coiffés à la contre-révolution, en grand crêpé terminé par deux boucles en demi-cercle, les cheveux du haut du toupet rabattus sur le front, et séparés à la naissance de l'épi . Et ceux-là sont les rois du bal, qui ajoutent à la coiffure, des boutons d'habits, qu'on se baisse pour regarder, et qui font rire, des boutons dont la gravure traduit ainsi le fameux « Vivre libre ou mourir » : Ventre libre ou mourir 4.

Un seul commerce grandit et prospère dans les afflictions et la ruine de la société : le commerce de la gueule. C'est le grand commerce des révolutions, soit que le besoin d'étourdissement de l'estomac et de la tête soit plus vif en ces temps, soit que les nouveaux parvenus aux banquets des jouissances se hâtent à la pâture.

1790, 1791, toutes funèbres années qu'elles soient, donnent essor aux imaginations du bien boire, et du bien manger, appréciées et encouragées : le roi, la monarchie, tout croule; les renommées de la gourmandise se fondent. Et d'abord, les gosiers élargis - par trois fois la cave de Beauvilliers est vidée avant la fin de 1790 par ses habitués, le comte de Mirabeau, Bureau de Puzy, Chapelier, et

1. Chronique de Paris. Décembre 1790.

2. Feuille du jour. Février 1791. 3. Id. Juin 1791. 4. L'Observateur. Avril 1790.

les autres. Qu'importe? M. Marais est là qui vient d'acheter onze cent mille francs cette royale propriété de moines, ce clos béni : le Clos Vougeot 1. Et qui viderait les magasins de Cherblanc, à l'hôtel d'Aligre, rue Saint-Honoré, et ceux de Lemoine, au Magasin de Confiance, Palais-Royal, 104 vin d'Orléans rouge et blanc, vin de Champagne de 1779, vin de la basse Bourgogne, vin de Langon et de Marsac, vins de Hongrie, de Tokey, vermout de 1760, vin du Rhin de 1766, vin du Cap, Vosne et Chassaigne de 1784; Rota, Tinto, Rancio, Macabeo, Muscat rouge de Toulon, Malaga don Pédro de 1764, Chypre, Marasquin, eau-de-vie d'Orléans et d'Andaïe, et velours en bouteille? Qui viderait le dépôt des vins de Bordeaux, rue SaintDenis, 158, près celle du Petit-Hurleur : Saint-Julien, cru d'Abadie, de l'année 1786, et cru de Gréau la Rose, même année ; Hautbrion, cru de Chollet de 1786; vin de Cannet-Pauillac, cru de Poulet de 1786; vin de Margaux, cru de Desmirial et Lamouroux de 1785, cru de M. Copmartin de 1785; - vin blanc de Soterne, du cru unique de Suduirant dit cru du Roi 2? Jamais le ventre n'eut tant et de si bons serviteurs : à l'Hôtel des Américains, chez Labour, successeur de Delavoiepierre 3, jambons de neige, cuisses d'oie nouvelles, pâtés de veau de Pontoise, jambons de Bayonne dits de primeur, gorges de Vierzon, beurre de la Prévalais en petits pots, pâtés de veau de Rouen du sieur Célie, pâtés d'Amiens du sieur Antoine de Gand, anchois de Fréjus, perdrix rouges du Dauphiné et du Quercy, bartavelles de Corse que le vin de Condrieux si bien arrose! La chasse permise à tous, la tucrie faite

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1. Feuille du jour. Février 1791.

2. Petites Affiches. Janvier 1793.

3. Id. Février 1790. — 4. Id. Décembre 1789.

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par tous vilains en tous bois et toutes plaines, jette chevreuils, cerfs, lièvres, perdrix, perdreaux, aux tournebroches actifs. - Vénua commence sa gloire rue de Richelieu au Grand Hôtel des États généraux, avec ses trois tables d'hôte en particulier : l'une, de douze couverts, à 1 livre 16 sols pour deux heures, une à 2 livres 5 sols pour trois heures, et la grande à 3 livres pour trois heures et demie 1. C'est Louis Lalanne, au Soleil d'or, rue du Four SaintHonoré et ses jambons; Lesage, le pâtissier de Mesdames, rue de la Harpe en face le collége d'Harcourt, et ses pâtés de jambon, et ses gâteaux de pâte ferme au beurre de Gournay 2, Delormel, A la Basoche, et ses farces à l'essence de jambon; Gautherot, Au Chapeau rouge, rue Grenétat, et ses gâteaux aux pistaches de Pithiviers. Toutain se fait un nom avec ses tourtes aux rognons, tourtes d'épinards, de godiveau, ses pâtés à la ciboule, ses petits pâtés à la Mazarine, ses pâtés de légumes, de lapereau, de riz de veau; le sieur Monniot, « seul élève et seul successeur du sieur Duthé, demeurant dans le logement que ce fameux traiteur a toujours habité rue Neuve-Saint-Eustache, près celle des Petits-Carreaux, no 23, au fond de l'allée, à la Renommée des bonnes langues fourrées, » vous offre langues de bœuf mayencées, andouilles de fraise de veau au riz de veau, au palais de bœuf, à la Dauphine; boudins de blancs de chapons aux truffes, aux pistaches, aux écrevisses; pieds à la Choisi, panaches farcis à la braise; le sieur Lafon aîné, demeurant près la manufacture à Périgueux, «< possédant seul la composition de Villeregnier, son oncle, continue de fournir la France et l'étranger » de pâtés de Péri

1. Petites Affiches. Mars 1790.

2. Chronique de Paris. Janvier 1791.

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gueux truffés à raison de 12 livres la perdrix, et de galantine de cochon de lait truffée. Le sieur Nagel, charcutier, est en renom pour le schevardemag de Francfort, les cervelas d'Italie et de Braunschweig; et pour d'excellente choucroûte d'Allemagne, vous en trouverez au Salon des Figures, boulevard du Temple. Pour les huîtres, il n'est que le choix des renommées: huîtres de Cancale et de Courseulles, chez Ficquet, rue Montorgueil, au Rocher de Cancale; huîtres de Lebaron, propriétaire des parcs pour les huîtres de Dieppe, même rue, hôtel Montmorency; huîtres anglaises, vertes et blanches, tirées des côtes de Jersey, venues de Saint-Malo, en poste, chez Frémont, même rue, à l'Hôtel des Trois Maures 1, l'huître de drague à 7 livres 4 sols le panier de trois cents; l'huître parquée à 10 livres 5 sols; l'huître anglaise, à 15 livres 2. Chocolat de Meunier, de Millerand, de Velloni, et douillets petits pains d'Espagne pour l'accompagner; chocolats mousseux et non mousseux de Messiaux. Chez Grandmaison, du Fort-Royal de l'île de la Martinique, rue de la Chaussée-d'Antin, liqueurs de la veuve Amphoux, crème de cannelle, baume humain, mirobolenti, crème de créole, de bois d'Inde, de café, de céleri, de menthe; liqueurs de Mme Chassevent de la Martinique, ratafia d'ananas, sirop de calebasses; crème des Barbades, de girofle 3; chez Théron, distillateur de LL. AA. RR. le prince de Galles et feu duc de Cumberland, rue Saint-Martin, ratafias des quatre fruits, crème de macaroni, ratafias de Louvres, briolet d'Alsace, liqueur nationale aux trois couleurs, eau divine de Saint-Pierre sur Dive, eau stomacale de l'Électeur,

1. Petites Affiches. Août 1790.

2. Chronique de Paris. Décembre 1790. 3. Petites Affiches. Octobre 1790.

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