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« étouffé par la politesse. Vivent la nature, la simplesse, la << candeur et l'amitié 1 ! »

Parole douée d'onction, parole d'apôtre plutôt que d'orateur, attendrie, émouvante, et nouvelle après le bel esprit qui avait rapetissé la chaire, parole trouvant le chemin des convictions féminines, l'abbé Fauchet apportait à la révolution un enthousiasme, une éloquence et un paradoxe. Il voulait rattacher Dieu à son siècle, l'Évangile à la révolution, et la Pâque à la liberté. La philosophie, selon lui, était l'alliée de la Providence; et il la révérait comme le saint instrument mis en œuvre par elle pour l'avènement de l'humanité aux droits de l'homme et du citoyen. Dans ce système de conciliation de la révélation et de la raison, et de déduction de l'une à l'autre, il trouvait dans les livres saints l'excuse, que dis-je? la gloire des résistances présentes. Un plaisant appelait « ses prêcheries plébéiocratiques » le Ciel et la Halle. Jusqu'aux plus osés hasards de la traduction, il allait ainsi, traduisant beati pauperes spiritu par bienheureux ceux qui ont l'esprit de pauvreté, c'est-à-dire d'égalité et de liberté. Au reste, attaché à la religion catholique, croyant avec toutes les illusions, mais aussi avec toutes les sincérités d'une bonne intention, l'inceste qu'il lui imaginait avec la raison, un mariage. Il saluait la pensée comme la Vierge nouvelle du monde nouveau. « L'humanité était morte par la servitude; elle s'est ranimée par la pensée, » disait-il à NotreDame. Il était le Pierre l'Ermite des croisades de la liberté. Et il avait pris tellement le peuple que les districts demandaient que l'abbé Fauchet fût nommé grand aumônier de la commune, et qu'un journal patriotique motionnait pour

1. Catalogue d'autographes. 8 avril 1844. 2. L'Observateur. Septembre 1789.

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l'abbé Fauchet un sérail « d'une trentaine de femmes d'un patriotisme et d'une vertu avérés, afin d'avoir des petits Fauchet dont on fera des prêtres pour qu'ils soient bons1. » C'était l'abbé Fauchet qui pleurait à l'église paroissiale de Saint-Jacques et des Innocents les vainqueurs morts à la Bastille. I bénissait les drapeaux à Notre-Dame, et, retraçant la corruption, le régime sacerdotal, le scandale passé, il appelait ses frères « à la plénitude de la vie morale. » Et Paris accourait, buvant ces paroles étranges, ces sermons qui montraient la révolution assise dans la main de Dieu. - A un sermon de Fauchet les chaises coûtèrent 24 sous. Puis un jour, emporté par le mouvement, du haut de sa chaire, Fauchet couronnait le Peuple-Christ: « C'est l'aristocratie qui a crucifié le Fils de Dieu!»«< Tout pouvoir vient du peuple, » disait-il encore. Il croyait ébranler si peu la religion, que les apostasies lui étaient un chagrin et une occasion de prosélytisme. Clootz s'étant de Jean-Baptiste débaptisé en Anacharsis, Fauchet courait chez Clootz, proposant de lui démontrer sans réplique que la religion catholique est sainte et vraie, s'engageant, s'il succombait, à se débaptiser, mais demandant, s'il avait l'avantage, que Clootz reprit son nom chrétien. Il lançait à la France le projet d'une religion nationale, catholicisme rationnel, main tendue à tous ceux qui souffrent, code impossible de vertus, non bâti sur ce qu'est l'homme, mais rêvé sur ce qu'il devrait être. Clubs, banquets, églises, tout retentissait de la voix inspirée et sans lassitude de ce terrible ennemi

1. Je m'en f.... Conseils ou pensées de Jean Bart. Vol. II.

2. Journal de Paris. Août 1789.

3. La Guerre des districts ou la Fuite de Marat, par le comte de Boumay. 4. Chronique de Paris. Novembre 1789.

du clergé, écouté des foules, des femmes et des intelligences; de ce Fauchet rassurant les consciences timorées, accommodant la dévotion aux idées nouvelles, promettant le paradis au patriotisme, ralliant les piétés étonnées et effarouchées autour du dieu du 14 juillet, tournant la croix contre la contre-révolution.

Cependant les vœux sont abolis, la porte des couvents est ouverte; cela est une grande défaite du clergé.

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« Le pape et les moines finiront sans doute, écrivait le roi de Prusse à Voltaire, le 12 juillet 1777;- leur chute ne sera pas l'ouvrage de la raison; mais ils périront à mesure que les finances des grands États se dérangeront. En France, quand on aura épuisé tous les expédients pour avoir des espèces, on sera forcé de séculariser les couvents et les abbayes. » La prédiction du roi philosophe est réalisée. On suit le conseil que Mme Roland écrivait à Lanthenas, le 30 juin 1790: Faites donc vendre des << biens ecclésiastiques. Jamais nous ne serons débarrassés « des bêtes féroces, tant qu'on ne détruira pas leurs « repaires. Adieu, brave homme; je me moque du siffle«ment des serpents. Ils ne sauraient troubler mon « repos1. Le lundi 18 octobre 1790, l'administration des biens nationaux adjuge à la bougie éteinte les trois premières maisons dont les enchères et publications ont été faites selon les décrets de l'Assemblée nationale 2. Les 21, 22 septembre 1791, rue et aux ci-devant Petits-Augustins a lieu la vente des ornements d'églises, « chapes, chasubles, étoles, dalmatiques, tuniques, devants d'autel, de

1. Catalogue d'autographes. Avril 1846.

2. Feuille du jour. Janvier 1791.

diverses étoffes et couleurs, partie brochés, galonnés en or et argent, aubes, rochets, surplis de chœur et de prédicateur, nappes d'autel et amicts 1. »

Et tout un petit monde, hors du monde jusque-là, des joies, des lois du monde, brusquement délié de sa vie, de son habitude, de son vœu, est jeté au siècle, sans l'expérience, transfuge tout à coup de la communauté, recrue de la société. A Paris, c'est une quarantaine de couvents d'hommes, dans lesquels la liberté entre, dotant augustins, barnabites, bernardins, capucins, carmes, célestins, chartreux, cordeliers, feuillants, jacobins, mathurins, minimes, oratoriens, prémontrés, récollets, de la disposition d'eux-mêmes, de l'affranchissement de leurs consciences, et d'un avenir laïc. Il ne reste dans ces maisons, hier florissantes et peuplées, que quelques vieillards habitués à ce train de discipline, vieillis entre ces vieux murs, et qui ne veulent pas se résigner à porter dans le bruit et les nouveautés du monde le peu de jours que la vie leur promet. Mais toutes ces jeunesses, détournées de leur cours, vouées à Dieu sans les grâces efficaces et persistantes d'une réelle ferveur, ces vocations attiédies ou morles, et ces scandaleux qui avaient pris la robe monacale comme un manteau de luxure et de paresse, saisissent l'occasion offerte, et sortent en troupes dans les rues.

Le décret de l'Assemblée nationale fait au peuple les joies d'une mascarade, et on aurait cru qu'une providence municipale voulait remplacer le carnaval défendu. Il faudrait un Rabelais pour dire « cette moinante moinerie » soudain déguisée en costume humain; tous ces pères Didace faisant, dans le cloître, si souvent arpenté, leur dernière pro

1. Petites Affiches. Septembre 1791.

menade, déjà en culotte bleue et en frac anglais; tous ces macérés secouant leurs vœux pour courir d'un pas vif aux droits de leur nouvel état de citoyens, et ces pipes fumées sur les boulevards par de jeunes bénédictins, à qui, hier, les vieux supérieurs ne voulaient pas laisser couper la barbe. Tel est le zèle à sortir, que le 13 février 1790, à huit heures moins un quart, le soir, quand l'Assemblée se sépare après avoir voté le décret de suppression des vœux monacaux, un député est abordé par un capucin, dont le premier mot est: «Saint-François est-il f.....? — Et quelque chose de plus, reprend le député.-Bon! vivent Jésus, le roi, et la révolution ! »>

Sur les places, dans les rues, quels étranges dialogues: <«< Eh! que diable fais-tu donc avec ta robe? Je vais te faire donner un habit et un sabre. » Les barbiers sont envahis par les frères barbus qui veulent se mettre au goût du jour : « Monsieur le frater, ne lui coupez pas toute sa barbe, dit l'un déjà à la mode, laissez-lui deux moustaches2. » Des capucins de la rue Saint-Honoré, désireux de se conformer au décret de l'Assemblée, implorent la protection de la commune. La commune arrive, escortée de barbiers; et la communauté, en présence de la commune, passe par le rasoir, le peigne, la poudre, et le fer à toupet. Les souliers apportés sont chaussés; et la cérémonie se termine par une procession aux friperies des piliers des Halles, où les capucins ôtent leurs casaques, et prennent, à bon compte, la livrée du siècle 3. Ce n'était pourtant point par l'exagération des scrupules que péchaient les capucins. C'était un capucin qui paraissait au

1. L'Hermite sans soucis. 2. Id. 3. Annales patriotiques. Avril 1790.

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