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d'atténuer le retentissement et la persuasion des prônes patriotiques de l'abbé Fauchet; ils disaient que saint JeanBaptiste était apparu à l'abbé Fauchet, et l'avait touché au front, en prononçant ces mots : « Tu abandonnes la charité chrétienne que je n'ai cessé de prêcher à mes disciples; je te livre au délire de tes opinions, et elles auront si peu de suite, que personne ne te croira et que tu deviendras la fable de la populace 1. >>

Les esprits mis en éveil par le récit de ces surhumaines aventures et la propagation de ces doctrines mystérieuses, l'évêque de Babylone fait venir du Périgord une paysanne prophétesse nommée Brousse. Le bruit s'était fait autour de cette fille, qui, disait-on, avait prédit en 1779 à Dom Gerle qu'il serait député en 1789, et qui mandait à l'Assemblée nationale, en 1790, par la plume d'un prêtre nommé Drevet, que si l'on refusait d'employer les moyens qu'elle indiquerait, il en coûterait à notre nation la plus terrible saignée. Les écrits catholiques se répandent alors en élévation et glorification des prophéties: « La prophétie est une des preuves les plus frappantes et les plus solides de la religion chrétienne; elle porte par son accomplissement un caractère d'évidence auquel tout esprit raisonnable ne peut se refuser. Aussi saint Pierre met-il cette preuve audessus même des miracles: Firmiorem habemus propheticum serinonem 2. » Ainsi annoncée, Brousse arrive; mais le trépied de la rue du Cloître-Notre-Dame ne lui fut pas inspirateur 3. Elle avait annoncé qu'en mai 90, un grand signe paraîtrait au ciel; que l'Assemblée nationale, qui avait attenté à la religion et à la gloire de Dieu, serait dé

1. Journal de la Cour. Janvier 1791.

2. Prophétie de Mlle Suzette de La Brousse concernant la Révolution française. 3. Journal de la Cour. Mars 1791.

truite, et toutes choses remises en place 1. A ces merveilles, les femmes accouraient; elles s'éprenaient; elles tombaient soudain convaincues et croyantes, spectatrices d'abord, actrices ensuite de ces jongleries de bonne foi. Le magnétisme devenait l'instrument des correspondances. Des jugements peu assis, ébranlés par les événements, s'exaltaient jusqu'aux extrêmes folies de l'illuminisme monarchique et religieux; et au mois de juillet 1790, on arrêtait deux inspirés qui prétendaient avoir vu la conjuration du duc d'Orléans sur les tapisseries de Saint-Cloud, et qui de leurs longues conversations avec la mère de Dieu, procurées par l'entremise de Mmes de Jumilhac, Thomassin et Vassart, avaient tiré la résolution de sauver la monarchie, en récitant les paroles d'un écrit en caractères bleus posés sur leur cœur pendant la messe, et en ordonnant au roi de mettre son royaume sous la protection de la vierge Marie, à l'imitation de Louis XIII 2. Vers le même temps, Cazotte voyait auprès de la famile royale « une garde céleste, la même que celle qui environnait les rois d'Israël marchant dans la voie du Seigneur. »>

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Autour du serment, retardé, remis, ajourné, longue fut la résistance. Quand enfin elle devint rébellion, les prêtres parisiens furent forcés, pour monter en chaire, de jurer fidélité à la nation, à la loi et au roi; c'était se lier à cette révolution ennemie et maudite; ce fut presque une insurrection des consciences. Il y eut des prêtres qui se révoltèrent tout haut en chaire, et plusieurs se préparèrent, de bonne foi, au martyre. A Saint-Sulpice, M. de Pancemont montait en chaire, entouré de cinquante

1. L'Observateur. Avril 1790. — 2. Id. Juillet 1799.

prêtres, livrait aux peines de l'Église ceux qui osaient attaquer les lois de l'Église, refusait le serment, et ne devait qu'à Danton de se retirer vivant. A Saint-Germain, le curé absent déférait le serment. A Saint-Roch, l'abbé Thomas, dans les huées et les cris: Qu'on le pende! fut plein d'énergie; et le serment était refusé par les curés de Saint-Germain-le-Vieux, de Pierre le Boeuf, de Saint-Landry, de Saint-Pierre des Arcis, de Saint-Barthélemy, de Saint-Roch, de Saint-Nicolas des Champs, de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, de Saint-Médard, de Saint-Paul. Le refus de serment du curé de Sainte-Marguerite avait été noble et avait touché les spectateurs accourus à ces pantomimes à grand spectacle: « Que m'ôtera-t-on? — avait-il dit; ma cure? C'est vous qu'on dépouille, puisque tout ce que j'ai vous appartient. La vie? J'ai quatre-vingt-deux ans, et ce qui me reste à vivre ne vaut pas le sacrifice de mes principes! » et traversant le silence de la multitude émue, le vieillard était allé prendre une chambre garnie au faubourg Saint-Germain 1. Mais des curés et vicaires démissionnaires, peu moururent si complétement aux agitations que le curé de Sainte-Marguerite. Les dévotes les accueillirent et les recueillirent, empressées et joyeuses de ces prêtres domiciliés chez elles, de ces directeurs, et sous-directeurs tout à portée de leurs consciences ; et de ces maisons, où les menées des douairières étaient mariées aux opiniâtretés de rancunes des prêtres, partirent les attaques contre les curés jureurs. Vérités, médisances, calomnies, - là furent aiguisées toutes les armes empoisonnées qui pouvaient tuer les prêtres nationaux dans l'opinion publique, et

1. Feuille du jour. Janvier 1791.

2. Annales patriotiques et littéraires de Mercier. Janvier 1791.

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infirmer leur ministère. C'est de là que des imprimeries clandestines jetaient dans la rue les Brefs du pape, et De la part de la Mère Duchesne les Anathèmes très-énergiques contre les jureurs. Voici de la négociante en vieux chapeaux, le style de plainte : « Ce que le bon Dieu a fait une fois, n'a pas besoin d'être raccommodé par des hommes... Les v'là, disait-elle en parlant de la nouvelle organisation du clergé, les v'là qui envoient faire f......j' n' sais combien de paroisses pour les remettre en plus petit nombre. Après ça, oui, faites votre religion! i' faudra faire un chemin d' b..... pour trouver un prêtre et une église. » Ce sont, murmurés à voix basse aux oreilles des femmes du peuple, des méfiances et des discrédits répandus; — que le corps de Jésus-Christ ne passe pas dans l'hostie consacrée par les prêtres assermentés; que le cardinal de Loménie refuse à l'archevêque de Paris son visa, formule nécessaire pour légitimer l'exercice des fonctions épiscopales; que recevoir la communion d'un jureur, c'est recevoir l'enfer dans son corps', ainsi que disent aux malades les sœurs de l'hospice des Incurables; et que la Loire débordée, c'est la colère de Dieu contre les décrets 2. Dans les chapelles de ces maisons de refuge, les évêques destitués confèrent l'ordination à de jeunes ecclésiastiques 3. Chez les dévotes dépourvues de chapelle, c'est quelquefois un trictrac qui sert de table sainte pour dire la messe *. Mille petites vengeances sont mises en jeu. Les jureurs ont leurs carreaux assaillis de pierres, toutes leurs sonnettes carillonnantes; et l'évêque de Marolles n'entend plus, quand il passe dans le faubourg Saint-Ger

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main, que marchands de fromages de Marolles, criant leurs fromages sous son nom 1.

Dans cette anarchie de l'Église, le rite s'altère. Les formules du culte sont livrées aux variantes des desservants patriotiques. Dès octobre 1789, à Versailles, une partie des troupes parisiennes ayant été passer la nuit dans l'église Saint-Louis, un abbé, député du clergé à l'Assemblée nationale, survient le matin qui leur demande la permission de dire une messe en actions de grâces de leur heureuse entrée à Versailles; et après le Credo, au lieu du Dominus vobiscum, l'abbé dit à haute voix : Vivent le roi et la nation 2! Les prières sont « mises au pas, » le Domine salvum fac regem devient le Domine salvam fac gentem 3: et ce sont grandes colères contre les prêtres feuillants, qui, à la messe des Tuileries, ont conservé l'ancien vœu aristocrate *. Lorsque l'obligation du serment a désorganisé le clergé; lorsque le grave doyen de la cathédrale, à la tête du très-vénérable chapitre, est' délogé; » lorsque « toutes les petites écrevisses, appelées enfants de choeur, tondus comme des œufs, et qui chantaient fin comme des cheveux, sont délogés, ayant à leur tête les serpents, les basses- tailles, les haute-contre et les bedeaux, et les baleiniers et le suisse 5, >> les célébrateurs manquant aux offices, les gardes nationales les remplacent. Ainsi, à la paroisse de Saint-Jean-en-Grève, comme il ne se trouve pas un seul prêtre pour commencer les vêpres, on fait venir un religieux pour officier, et les miliciens de service à la maison commune accourent chanter les psaumes. A SaintGervais, à Saint-Roch, à Saint-Sulpice, de même « le chœur

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1. Journal de la Cour. Mars 1791.
3. Annales patriotiques. Juillet 1790.
5. Lettres patriotiques. No 33.

2. Id. Octobre 1789.

4. Id. Novembre 1790.

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