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cobinisme, soufflette Carra, maltraite Rivière-Sémur, bat le perruquier Thomé 1. Mais le dernier mot reste aux jacobins qui assomment presque M. Hamelin, commandant du bataillon des Récollets, comme il sortait du club de la Constitution monarchique. - Bientôt les oppositions se taisent ou sommeillent; la milice démocratisée prend toute la royauté de la rue. C'est une surveillance et une inquisition exercées par cette garde-née des libertés 2. Écoutez les plaintes : « Allez-vous danser, un grenadier inspecte vos cabrioles. Allez-vous manger, un caporal vous coupe les morceaux. Allez-vous acheter une boîte de pastilles chez le bonbonnier, un sergent vous mène aux balances. Allez-vous faire un tour de promenade, la sentinelle vous montre la carte du pays. Allez-vous écouter la parole de Dieu, un sous-lieutenant vous exhorte à la componction. Demandez-vous le viatique, deux grenadiers viennent se fourrer dans votre ruelle 3. >> - C'est une nouvelle lieutenance de police; c'est une autocratie collective, dont un membre a déjà essuyé ses bottes à la robe de la reine ", et dont un autre, le boucher Legendre, mandé d'aller monter sa garde au Luxembourg, a répondu : « Que Monsieur vienne d'abord la monter devant mon étal! »

Il y eut en ce temps un entraînement aussi populaire que l'institution de la milice : les dons patriotiques. Douze citoyennes, femmes et filles d'artistes de la ville. de Paris, apportent à l'Assemblée nationale, et donnent

2. L'Espion patriote à Paris.

1. Les Sabbats jacobites. 1791.
3. Révolutions de Paris. Janvier 1791.

4. L'Observateur. Juillet 1790.

5. Les Sabbats Jacobites. 1791.

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à la nation, le 7 septembre 1789, en une cassette, quatrevingt-treize jetons d'argent, trois gobelets d'argent, vingtquatre boutons d'argent, quatre paires de bracelets en or, trois médaillons en or, cinq boîtes de montre en or, huit bagues en or, trois paires d'anneaux d'oreilles, cinq dés à coudre, deux coulants de bourse, un cordon de montre, un souvenir, cinq étuis, une aiguille à tambour, deux boîtes de femmes, une médaille de Frédéric V, roi de Danemark, le tout en or, et une bourse renfermant seize louis d'or. Ces générosités à grand spectacle allument l'enthousiasme. Les beaux esprits recourent aux âges héroïques de la vieille république d'Italie pour donner à mesdames Vien, Moitte, Lagrenée la jeune, Suvée, Fragonard, David la jeune, et à leurs compagnes, un digne bouquet de louanges, et les couronner Romaines du dixhuitième siècle. Un galant veut que la postérité hérite de ces douze physionomies, et de leur expression sainte. « A présent que le physionotrace de Quenedey vous reproduit comme magie, et à si peu de frais, ne pourrait-on obtenir des douze citoyennes qui ont donné la première impulsion à la générosité publique, qu'elles accordent chacune un quart d'heure à l'art qui nous transmettra leurs traits adorables? >>

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Bientôt la contagion du sacrifice gagne toutes les conditions, tous les âges, tous les états. Les femmes se dévouent avec ce zèle qu'elles mettent toujours au dévouement; plus patriotes que coquettes, médaillons, chaînes, colliers, boucles d'oreilles, boîtes à mouches et à rouge, étuis, crayons, anneaux, cœurs, croix, œufs, myrzas d'or, diamants, bijoux, elles jettent tout à la caisse patriotique. Vite, aux souliers des hommes, «< des boucles de cuivre, » des boucles à la Nation; et les boucles

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d'argent en dons patriotiques! M. Knapen fils, maître imprimeur, commence; les ministres, les députés, tout le monde suit1. Voilà les statisticiens à évaluer les boucles d'argent de tous les soldats-citoyens à 600,000 livres, et à 40 millions de livres toutes les boucles d'argent du royaume 2. Le marquis de Villette, qui a apporté en brochette toutes les boucles d'argent de sa maison; le marquis de Villette, qui a maintenant des boîtes de cuivre à ses montres, demande au roi s'il ne lui serait pas convenant de revenir aux bouffettes du bon Henri IV. L'auteur de Faublas, fils d'un marchand de papier, donne l'idée de convertir en dons patriotiques « ces gros almanachs royaux, reliés en maroquin rouge, avec de l'or anti-patriotique sur tous les bouts, » que son père était obligé de donner aux premier, deuxième, troisième et vingtième commis3. C'est un enivrement, un entrain, une furia francese à se dépouiller de ses flambeaux, ou de sa timbale d'argent! C'est une sincère épidémie d'offrandes sur l'autel de la banqueroute. Le Roi envoie à la Monnaie 9,442 marcs de vaisselle d'argent, et 230 marcs de vaisselle d'or, la superbe vaisselle d'or de Saint-Cloud, si bellement ouvragée, ciselée sous le dernier règne, et dont chaque pièce portait tout au long la signature du fameux Germain père; - la Reine renonce à 3,607 marcs de vaisselle d'argent; et les manches même de couteau de la table du Roi sont fondus en un lingot de 281 marcs. Nombre de grands retirent leur vaisselle du mont de piété pour l'offrir à la nation 5. L'envoi de M. de Breteuil est de

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1. Rendez-moi mes boucles.

2. Chronique de Paris. Septembre 1789. 3. Id. Décembre 1789. 4. Courrier de Versailles à Paris. Septembre 1789. 5. Journal de la Cour. Septembre 1789.

1,007 marcs d'argent. Communautés et corporations, Jacobins, Carmes, Bénédictins, Augustins, curés et marguilliers, religieuses, écoliers irlandais, communauté des salpétriers, la compagnie de MM. les porteurs de la châsse de Sainte-Geneviève, les limonadiers, entre autres Haquin, tenant le café de la Régence, - c'est à qui apportera « son contingent de vertu civique. » Les loueurs de carrosses de Paris donnent l'argenterie composant le service de leur autel; les clercs de notaire se cotisent pour 7,437 livres1. Les maîtres d'armes de la ville de Paris apportent, avec leur don, ce discours : « Deux métaux composent nos épées: l'argent et le fer. Agréez le premier pour les besoins pressants du moment. Nous jurons d'employer le second au service de la nation, au maintien de la liberté 2. » M. Necker donne 100,000 livres; «< cela excède le quart de son revenu 3; » un anonyme 40,000 liv. en argenterie et bijoux ; la Comédie-Française, 23,000 liv.; les comédiens italiens, 12,000 livres; Mlle Dangeville, pensionnaire du roi, sa toilette en argent du poids de 65 marcs 6 deniers 18 gros; sous Louis XV, la Deschamps avait envoyé sa baignoire d'argent; - M. et Mme Nicolet, entrepreneurs du spectacle des grands danseurs du roi, 1 once de bijoux d'or; l'acteur Beaulieu offre un contrat de rentes de 400 livres qu'il tient des Variétés, et verse les trois premières années. Le duc de Charost fait hommage a la nation d'une somme de 100,000 livres, dont moitié en argenterie, pour augmenter le numéraire. La marquise de Sillery-Genlis offre la toilette d'argent de Mme de Valence sa fille; et dans la ferveur de son zèle, elle écrit à

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1. Journal de la Cour. Septembre 1789.
2. Journal de Paris. Janvier 1790.
3. Journal de la Cour. Septembre 1789.

Mme Pajou: « Ma fille et moi aurions eu l'honneur de vous porter nous-mêmes cette caisse, si mon devoir me permettait de quitter Mademoiselle; et si Mme de Valence, au moment d'accoucher, n'était pas dans son lit1. >>>>

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Du haut en bas, la société fouille ses poches. Un cultivateur de Touraine envoie à l'Assemblée nationale 24 livres 2; un domestique, 48 livres. Jusqu'aux enfants, - les écoliers du collège de Saint-Omer, un enfant de sept ans de Crespy-en-Valois, qui se mettent en émulation et en précocité de dévouement. Un marmot envoie les 48 livres qu'il destinait à s'acheter une montre. Mlle Lucie d'Arlaise, âgée de neuf ans, envoie dans une lettre à l'Assemblée son dé d'or, sa chaîne et une petite boussole, et les enfants de M. le Coulteux du Moley envoient à la Monnaie leurs joujoux, trois onces d'or.

Les dangers de la chose publique ne font qu'accroître les générosités de la nation; et les plus pauvres se pressent pour donner, tout fiers de figurer au procès-verbal, de discourir, et de lancer leur sacrifice dans une belle phrase, comme ce cordonnier de Poitiers, apportant deux paires de boucles d'argent : « Celles-ci ont servi à tenir les tirants de mes souliers; elles serviront à combattre les tyrans ligués contre la liberté ! »

De leurs diamants, de leurs bijoux, de leurs atours brillants sacrifiés, les belles Françaises se vengent par des bijoux simples3, non de prix, mais de souvenir; bijoux à la constitution, qu'on appelle aussi rocamboles, bagues

1. Journal de Paris. Septembre 1789.
2. Journal de la Cour. Septembre 1789.
3. Journal de la Mode. Juillet 1790.
4. L'Observateur. Août 1789.

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