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souvent que les chaînes de l'orgueil. Il falloit qu'u homme comme lui ne fût qu'à la nature et au genr humain. Descartes ne fut donc ni magistrat,

militaire, ni homme de cour (10). Il consentit n'être qu'un philosophe, qu'un homme de génie c'est-à-dire rien aux yeux du peuple. Il renonc même à son pays; il choisit une retraite dans I Hollande. C'est dans le séjour de la liberté qu' va fonder une philosophie libre. Il dit adieu à se parents, à ses amis, à sa patrie; il part (11). L'a mour de la vérité n'est plus dans son coeur u sentiment ordinaire; c'est un sentiment religieu qui élève et remplit son âme. Dieu, la nature, le hommes, voilà quels vont être, le reste de sa vie ·les objets de ses pensées. Il se consacre à cett occupation aux pieds des autels. O jour, ô mo ment remarquable dans l'histoire de l'esprit hu main! Je crois voir Descartes, avec le respect don il étoit pénétré pour la Divinité, entrer dans le temple, et s'y prosterner. Je crois l'entendre dire à Dieu : O Dieu, puisque tu m'as créé, je ne veux point mourir sans avoir médité sur tes ouvrages. Je vais chercher la vérité, si tu l'as mise sur la terre Je vais me rendre utile à l'homme, puisque je suis homme. Soutiens ma foiblesse, agrandis mon esprit, rends-le digne de la nature et de toi. Si tu permets que j'ajoute à la perfection des hommes.

je te rendrai grâce en mourant, et ne me repentirai point d'être né.

Je m'arrête un moment : l'ouvrage de la nature est achevé. Elle a préparé avant la naissance de Descartes tout ce qui devoit influer sur lui; elle lui a donné les prédécesseurs dont il avoit besoin; elle a jeté dans son sein les semences qui devoient y germer; elle a établi entre son esprit et son âme les rapports nécessaires; elle a fait passer sous ses yeux tous les grands spectacles et du monde physique et du monde moral; elle a rassemblé autour de lui, ou dans lui, tous les ressorts; elle a mis dans sa main tous les instruments: son travail est fini. Ici commence celui de Descartes. Je vais faire l'histoire de ses pensées : on verra une espèce de création; elle embrassera tout ce qui est; elle présentera une machine immense, mue avec peu de ressorts: on y trouvera le grand caractère de la simplicité, l'enchaînement de toutes les parties, et souvent, comme dans la nature physique, un ordre réel caché sous un désordre apparent.

Je commence par où il a commencé lui-même. Avant de mettre la main à l'édifice, il faut jeter les fondements; il faut creuser jusqu'à la source de la vérité; il faut établir l'évidence, et distinguer son caractère. Nous avons vu Descartes renverser toutes les fausses opinions qui étoient dans

versel (12). Celui qui s'est trompé une fois per se tromper toujours. Aussitôt les cieux, la terre les figures, les sons, les couleurs, son corp même, et les sens avec lesquels il voyage dans l' nivers, tout s'anéantit à ses yeux. Rien n'est assure rien n'existe. Dans ce doute général, où trouve un point d'appui? Quelle première vérité servira d base à toutes les vérités? Pour Dieu, cette premièr vérité est partout. Descartes la trouve dans so doute même. Puisque je doute, je pense; puisqu je pense, j'existe. Mais à quelle marque la recon noît-il? A l'empreinte de l'évidence. Il établit don pour principe de ne regarder comme vrai que c qui est évident, c'est-à-dire ce qui est clairemen contenu dans l'idée de l'objet qu'il contemple Tel est ce fameux doute philosophique de Des cartes. Tel est le premier pas qu'il fait pour e sortir, et la première règle qu'il établit. C'est cett règle qui a fait la révolution de l'esprit humain Pour diriger l'entendement, il joint l'analyse au doute. Décomposer les questions et les divi ser en plusieurs branches; avancer par degré des objets les plus simples aux plus" composés et des plus connus aux plus cachés; combler l'intervalle qui est entre les idées éloignées et le remplir par toutes les idées intermédiaires: mettre dans ces idées un tel enchaînement que

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toutes se déduisent aisément les unes des autres, et que les énoncer, ce soit pour ainsi dire les démontrer : voilà les autres règles qu'il a établies, et dont il a donné l'exemple (13). On entrevoit déjà toute la marche de sa philosophie. Puisqu'il faut commencer par ce qui est évident et simple, il établira des principes qui réunissent ce double caractère. Pour raisonner sur la nature, il s'appuiera sur des axiomes, et déduira des causes générales tous les effets particuliers. Ne craignons pas de l'avouer, Descartes a tracé un plan trop élevé pour l'homme; ce génie hardi a eu l'ambition de connoître comme Dieu même connoît, c'est-à-dire par les principes: mais sa méthode n'en est pas moins la créatrice de la philosophie. Avant lui, il n'y avoit qu'une logique de mots. Celle d'Aristote apprenoit plus à définir et à diviser qu'à connoître; à tirer les conséquences, qu'à découvrir les principes. Celle des scolastiques, absurdement subtile, laissoit les réalités pour s'égarer dans des abstractions barbares. Celle de Raimond Lulle n'étoit qu'un assemblage de caractères magiques pour interroger sans entendre, et répondre sans être entendu. C'est Descartes qui créa cette logique intérieure de l'âme, par laquelle l'entendement se rend compte à lui-même de toutes ses idées, calcule sa marche, ne perd jamais de vue le point d'où il part et le terme où il veut arriver; es

s'applique à tous les arts comme à toutes les science

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Sa méthode est créée : il a fait comme ces grand architectes qui, concevant des ouvrages nouveaux commencent par se faire de nouveaux instrumen et des machines nouvelles. Aidé de ce secours, entre dans la métaphysique. Il y jette d'abord u regard. Qu'aperçoit-il ? une audace puérile de l'es prit humain, des êtres imaginaires, des rêverie profondes, des mots barbares; car, dans tous le temps, l'homme, quand il n'a pu connoître, a cré des signes pour représenter des idées qu'il n'avoi pas, et il a pris ces signes pour des connoissances Descartes vit d'un coup d'oeil ce que devoit êtr la métaphysique. Dieu, l'âme, et les principes généraux des sciences, voilà ses objets (14). Je m'élève avec lui jusqu'à la première cause. Newton la chercha dans les mondes; Descartes la cherche dans lui-même. Il s'étoit convaincu de l'existence de son âme; il avoit senti en lui l'être qui pense, c'est-àdire l'être qui doute, qui nie, qui affirme, qui conçoit, qui veut, qui a des erreurs, qui les combat. Cet ètre intelligent est donc sujet à des imperfections. Mais toute idée d'imperfection suppose l'idée d'un ètre plus parfait. De l'idée du parfait naît l'idée de l'infini. D'où lui naît cette idée? Comment l'homme, dont les facultés sont si bornées, l'homme qui passe sa vie à tourner dans l'intérieur d'un cercle étroit,

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