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comment cet étre si foible a-t-il pu embrasser et concevoir l'infini? Cette idée ne lui est-elle pas étrangère? ne suppose-t-elle pas hors de lui un être qui en soit le modèle et le principe? Cet être n'estil pas Dieu ? Toutes les autres idées claires et distinctes que l'homme trouve en lui ne renferment que l'existence possible de leur objet : l'idée seule de l'être parfait renferme une existence nécessaire. Cette idée est pour Descartes le commencement de la grande chaîne. Si tous les êtres créés sont une émanation du premier être, si toutes les lois qui font l'ordre physique et l'ordre moral sont, ou des rapports nécessaires. que Dieu a vus, a vus, où des rapports qu'il a établis librement, en connoissant ce qui est le plus conforme à ses attributs, on connoîtra les lois primitives de la nature. Ainsi la connoissance de tous les êtres se trouve enchaînée à celle du premier. C'est elle aussi qui affermit la marche de l'esprit humain, et sert de base à l'évidence; c'est elle qui, en m'apprenant que la vérité éternelle ne peut me tromper, m'ordonne de regarder comme vrai tout ce que ma raison me présentera comme évident.

Appuyé de ce principe, et sûr de sa marche, Descartes passe à l'analyse de son âme. Il a remarqué que, dans son doute, l'étendue, la figure et le mouvement s'anéantissoient pour lui. Sa pensée seule demeuroit; seule elle restoit immuablement

séparer. Il peut donc concevoir distinctement qu sa pensée existe, sans que rien n'existe autour lui. L'âme se conçoit donc sans le corps. De là na la distinction de l'être pensant et de l'être matérie Pour juger de la nature des deux substances, De cartes cherche une propriété générale dont tout les autres dépendent : c'est l'étendue dans la m tière; dans l'âme, c'est la pensée. De l'étendu naissent la figure et le mouvement; de la pense naît la faculté de sentir, de vouloir, d'imagine L'étendue est divisible de sa nature; la pensée simple et indivisible. Comment ce qui est simpl appartiendroit-il à un être composé de parties comment des milliers d'éléments, qui forment u corps, pourroient-ils former une perception ou u jugement unique? Cependant il existe une chaîn secrète entre l'âme et le corps. L'âme n'est-elle qu semblable au pilote qui dirige le vaisseau? Non elle fait un tout avec le vaisseau qu'elle gouverne C'est donc de l'étroite correspondance qui est entr les mouvements de l'un et les sensations ou pen sées de l'autre, que dépend la liaison de ces deux principes si divisés et si unis (14). C'est ainsi que Descartes tourne autour de son être, et examine tout ce qui le compose. Nourri d'idées intellec tuelles, et détaché de ses sens, c'est son âme qu le frappe le plus. Voici une pensée faite pour éton

ner le peuple, mais que le philosophe concevra sans peine. Descartes est plus sûr de l'existence de son âme que de celle de son corps. En effet, que sont toutes les sensations, sinon un avertissement éternel pour l'âme qu'elle existe? Peut-elle sortir hors d'elle-même sans y rentrer à chaque instant par la pensée? Quand je parcours tous les objets de l'univers, ce n'est jamais que ma pensée que j'aperçois. Mais comment cette âme franchit-elle l'intervalle immense qui est entre elle et la matière? Ici Descartes reprend son analyse et le fil de sa méthode. Pour juger s'il existe des corps, il consulte d'abord ses idées. Il trouve dans son âme les idées générales d'étendue, de grandeur, de figure, de situation, de mouvement, et une foule de perceptions particulières. Ces idées lui apprennent bien l'existence de la matière, comme objet mathématique, mais ne lui disent rien de son existence physique et réelle. Il interroge ensuite son imagination. Elle lui offre une suite de tableaux où des corps sont représentés : sans doute l'original de ces tableaux existe, mais ce n'est encore qu'une probabilité. Il remonte jusqu'à ses sens. Ce sont eux qui font la communication de l'âme et de l'univers; ou plutôt ce sont eux qui créent l'univers pour l'âme. Ils lui portent chaque portion du monde en détail; par une métamorphose rapide, la sensation devient idée, et l'âme voit dans cette idée,

་་ བབཅབས་ ཕ་བ ཅཔ

d'elle. Les sens sont donc les messagers de l'âm Mais quelle foi peut-elle ajouter à leur rapport Souvent ce rapport la trompe. Descartes remont alors jusqu'à Dieu. D'un côté, la véracité de l'Etr suprême; de l'autre, le penchant irrésistible d l'homme à rapporter ses sensations à des objet réels qui existent hors de lui: voilà les motifs qu le déterminent, et il se ressaisit de l'univers phy sique qui lui échappoit.

Ferai-je voir ce grand homme, malgré la cir conspection de sa marche, s'égarant dans la me taphysique, et créant son système des idées innées Mais cette erreur même tenoit à son génie. Accou tumé à des méditations profondes, habitué à vivr loin des sens, à chercher dans son âme ou dan l'essence de Dieu, l'origine, l'ordre et le fil de se connoissances, pouvoit-il soupçonner que l'âme fû entièrement dépendante des sens pour les idées N'étoit-il pas trop avilissant pour elle qu'elle n fût occupée qu'à parcourir le monde physiqu pour y ramasser les matériaux de ses connoissances comme le botaniste qui cueille ses végétaux, ou extraire des principes de ses sensations, comme l chimiste qui analyse les corps? Il étoit réservé Locke de nous donner sur les idées le vrai sys tème de la nature, en développant un princip connu par Aristote et saisi par Bacon, mais don

Locke n'est pas moins le créateur, car un principe n'est créé que lorsqu'il est démontré aux hommes. Qui nous démontrera de même ce que c'est que l'âme des bêtes? quels sont ces êtres singuliers, si supérieurs aux végétaux par leurs organes, si inférieurs à l'homme par leurs facultés ? quel est ce principe qui, sans leur donner la raison, produit en eux des sensations, du mouvement et de la vie? Quelque parti que l'on embrasse, la raison se trouble, la dignité de l'homme s'offense, ou la religion s'épouvante. Chaque système est voisin d'une erreur; chaque route est sur le bord d'un précipice. Ici Descartes est entraîné, par la force des conséquences et l'enchaînement de ses idées, vers un système aussi singulier que hardi, et qui est digne au moins de la grandeur de Dieu. En effet, quelle idée plus sublime que de concevoir une multitude innombrable de machines à qui l'organisation tient lieu de principe intelligent; dont tous les ressorts sont différents, selon les différentes espèces et les différents buts de la création; où tout est prévu, tout combiné pour la conservation et la reproduction des êtres; où toutes les opérations sont le résultat toujours sûr des lois du mouvement; où toutes les causes qui doivent produire des millions d'effets sont arrangées jusqu'à la fin des siècles, et ne dépendent que de la correspondance et de l'harmonie de quelque partie de matière? Avouons-le,

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