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passions influent sur l'organisation, et l'organi tion influe sur elles : mais elles n'en sont pas mo assujetties à l'empire de l'âme. C'est l'âme qui modifie par les jugements qu'elle joint à l'impr sion des objets; l'âme les gouverne et les domp par l'exercice de sa volonté, en réprimant à s gré les mouvements physiques, en donnant un no veau cours aux esprits, en s'accoutumant à réve ler une idée plutôt qu'une autre à la vue d'un obj qui vient la frapper. Mais cette volonté impérieu ne suffit pas, il faut qu'elle soit éclairée. Il fa donc connoître les vrais rapports de l'homme ave tout ce qui existe. C'est par l'étude de ces rappor qu'il saura quand il doit étendre son existen hors de lui par le sentiment, et quand il doit resserrer. Ainsi la morale est liée à une foule d connoissances qui l'agrandissent et la perfection nent; ainsi toutes les sciences réagissent les une sur les autres. C'étoit là, comme nous avons vu la grande idée de Descartes. Cette imaginatio vaste avoit construit un système de science uni verselle, dont toutes les parties se tenoient, et qu toutes se rapportoient à l'homme. Il avoit plac l'homme au milieu de cet univers; c'étoit l'homm qui étoit le centre de tous ces cercles tracés autour de lui, et qui passoient par tous les points de la nature. Descartes sentoit bien toute l'étendue d'un

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pareil plan, et il n'imaginoit pas pouvoir le remplir seul; mais, pressé par le temps, il se hâtoit d'en exécuter quelques parties, et croyoit que la postérité achèveroit le reste. Il invitoit les hommes de toutes les nations et de tous les siècles à s'unir ensemble; et, pour rassembler tant de forces dispersées, pour faciliter la correspondance rapide des esprits dans les lieux et les temps, il conçut l'idée d'une langue universelle qui établiroit des signes généraux pour toutes les pensées, de même qu'il y en a pour exprimer tous les nombres; projet que plusieurs philosophes célèbres ont renouvelé, qui sans doute a donné à Leibnitz l'idée d'un alphabet des pensées humaines, et qui, s'il est exécuté un jour, sera probablement l'époque d'une révolution dans l'esprit humain.

J'ai tâché de suivre Descartes dans tous ses ouvrages; j'ai parcouru presque toutes les idées de cet homme extraordinaire; j'en ai développé quelques unes, j'en ai indiqué d'autres. Il a été aisé de suivre la marche de sa philosophie et d'en saisir l'ensemble. On l'a vu commencer par tout abattre afin de tout reconstruire; on l'a vu jeter des fondements profonds; s'assurer de l'évidence et des moyens de la reconnoître; descendre dans son âme pour s'élever à Dieu; de Dieu redescendre à tous les êtres créés; attacher à cette cause tous les principes de ses connoissances; simplifier ces principes

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car c'est la marche du génie comme de la natu appliquer ensuite ces principes à la théorie planètes, aux mouvements des cieux, aux phé mènes de la terre, à la nature des éléments, a prodiges des météores, aux effets et à la marc de la lumière, à l'organisation des corps bruts la vie active des êtres animés; terminant en cette grande course par l'homme, qui étoit l'ob et le but de ses travaux; développant partout lois mécaniques qu'il a devinées le premier; d cendant toujours des causes aux effets; enchaîna tout par des conséquences nécessaires; joigna quelquefois l'expérience aux spéculations, ma alors même maîtrisant l'expérience par le géni éclairant la physique par la géométrie, la géométr par l'algèbre, l'algèbre par la logique, la médeci par l'anatomie, l'anatomie par les mécaniques; s blime même dans ses fautes, méthodique dans s égarements, utile par ses erreurs, forçant l'a miration et le respect, lors même qu'il ne per forcer à penser comme lui.

Si on cherche les grands hommes modernes ave qui on peut le comparer, on en trouvera trois Bacon, Leibnitz, et Newton. Bacon parcourut tout la surface des connoissances humaines; il jugea le siècles passés, et alla au-devant des siècles à venir mais il indiqua plus de grandes choses qu'il n'e

exécuta; il construisit l'échafaud d'un édifice immense, et laissa à d'autres le soin de construire l'édifice. Leibnitz fut tout ce qu'il voulut être : il porta dans la philosophie une grande hauteur d'intelligence; mais il ne traita la science de la nature que par lambeaux, et ses systèmes métaphysiques semblent plus faits pour étonner et accabler l'homme que pour l'éclairer. Newton a créé une optique nouvelle, et démontré les rapports de la gravitation dans les cieux. Je ne prétends point ici diminuer la gloire de ce grand homme, mais je remarque seulement tous les secours qu'il a eus pour ces grandes découvertes. Je vois que Galilée lui avoit donné la théorie de la pesanteur; Kepler, les lois des astres dans leurs révolutions; Huygens, la combinaison et les rapports des forces centrales et des forces centrifuges; Bacon, le grand principe de remonter des phénomènes vers les causes; Descartes, sa méthode pour le raisonnement, son analyse pour la géométrie, une foule innombrable de connoissances pour la physique, et plus que tout cela peut-être, la destruction de tous les préjugés, La gloire de Newton a donc été de profiter de tous ces avantages, de rassembler toutes ces forces étrangères, d'y joindre les siennes propres, qui étoient immenses, et de les enchaîner toutes par les calculs d'une géométrie aussi sublime que profonde. Si maintenant je rapproche Descartes de ces trois

hommes célèbres, j'oserai dire qu'il avoit des vu aussi nouvelles et bien plus étendues que Baco qu'il a eu l'éclat et l'immensité du génie de Leibni mais bien plus de consistance et de réalité da sa grandeur; qu'enfin il a mérité d'être mis à cô de Newton, parcequ'il a créé une partie de Newto et qu'il n'a été créé que par lui-même; parcequ si l'un a découvert plus de vérités, l'autre a ouve la route de toutes les vérités; géomètre aussi s blime, quoiqu'il n'ait point fait un aussi gra usage de la géométrie; plus original par son géni quoique ce génie l'ait souvent trompé; plus ur versel dans ses connoissances, comme dans s talents, quoique moins sage et moins assuré da sa marche; ayant peut-être en étendue ce qu Newton avoit en profondeur; fait pour concevo en grand, mais peu fait pour suivre les détail tandis que Newton donnoit aux plus petits détai l'empreinte du génie; moins admirable sans dou pour la connoissance des cieux, mais bien pl utile le pour genre humain, par sa grande influen sur les esprits et sur les siècles.

C'est ici le vrai triomphe de Descartes; c'est sa grandeur. Il n'est plus, mais son esprit vit e core: cet esprit est immortel; il se répand de natio en nation, et de siècle en siècle; il respire à Pari à Londres, à Berlin, à Leipsick, à Florence; il p nètre à Pétersbourg; il pénétrera un jour jusqu

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