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mettre en jeu la responsabilité civile des ministres, que j'étudierai plus loin au paragraphe 55, où je montrerai qu'à diverses reprises la question de la responsabilité civile des ministres s'est posée au moment même où la loi des comptes d'un exercice était soumise au parlement.

Cependant, on a compris depuis longtemps que ni l'intervention de la cour des comptes, ni celle du parlement ne constituaient des garanties suffisantes de contrôle financier. En ce qui concerne les comptes des ordonnateurs, la cour des comptes se borne à rendre une déclaration générale de conformité qui n'a pas de sanction effective. Seuls ses arrêts de débet, pris contre les comptables, ont force exécutoire. Quant au parlement, il est bien mal placé pour pouvoir contrôler dans le détail les comptes des ministres. Il y a bien une commission administrative de vérification des comptes des ministres; mais ses décisions n'ont pas, elles non plus, de force exécutoire; et, d'autre part, organe purement administratif, la commission est sans autorité à l'égard des ministres chefs supérieurs de tous les services rentrant dans leur département.

C'est pourquoi on a essayé d'organiser un contrôle préventif contre les dépassements de crédit ou les engagements de dépenses sans crédit. Dès 1911, un décret du 19 novembre instituait une commission char

gée de rechercher les mesures à prendre pour l'application de l'article 150 de la loi de finances du 13 juillet 1911, relatif au contrôle de l'exécution du budget dans les divers départements ministériels. Un second décret, porté le 18 octobre 1917, instituait une commission chargée d'étudier les réformes à apporter dans l'organisation du contrôle à exercer sur l'exécution du budget. C'est des travaux de cette commission qu'est sortie la loi actuellement en vigueur du 10 août 1922, relative à

l'organisation du contrôle des dépenses engagées, et dont l'article 1er, §, 1 est ainsi conçu : « Il est institué dans chaque ministère un service de comptabilité et de contrôle des dépenses engagées. » L'article 10 de cette loi abroge les dispositions antérieures. Il n'y a pas lieu de donner ici un commentaire détaillé de cette loi, mais il importait de la signaler. Nous la retrouverons d'ailleurs au paragraphe 55, en étudiant la responsabilité civile des ministres.

Sur le contrôle financier, cf. Allix, Le contrôle financier et les moyens de l'améliorer, Revue politique et parlementaire, mai 1922, p. 189; Bokanowski, Rapport sur le projet de loi relatif au contrôle des dépenses engagées, J. off., 1922, Doc. parl., Chambre, session ordinaire, p. 1287; Hitte, Le contrôle des dépenses engagées, thèse Bordeaux, 1923.

Je n'ai pu donner que des indications sommaires relativement aux attributions financières du parlement. Pour l'étude détaillée de ce point, on devra se reporter aux traités de législation financière et notamment aux ouvrages suivants: LeroyBeaulieu, Législation et science des finances, 7e édit., 1907; Stourm, Le budget, 6o édit., 1909; Colson, Économie politique, III, 1re partie, 1908; Jèze, Science des finances, 1909; Id, Cours de science des finances, I et II, 1922; Le budget, 1910; Allix, Législation financière, 4 édit., 1921; Besson, Le contrôle des budgets en France, 1889; Sarette, Le contrôle du budget en France et en Angleterre, 1902.

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Des cas où le sénat est constitué en haute cour de justice.

Aux termes de l'article 9 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 et de l'article 12 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, le sénat, constitué en haute cour de justice, est seul compétent pour juger le président de la République, soit pour crime de haute trahison, soit pour une infraction de droit commun. Le sénat peut être constitué en haute cour de justice pour juger les ministres à l'occasion des crimes commis dans l'exe

cice de leur fonction et pour juger les simples particuliers à l'occasion des crimes d'attentat à la sûreté de l'État.

Ces dispositions constitutionnelles méritent certaine ment de graves critiques. En confiant à une assemblée politique compétence pour juger des crimes politiques ou des infractions commises par des hommes politiques, elles donnent lieu de craindre qu'une pareille juridiction n'ait pas le calme et l'impartialité qui conviennent à des juges. On doit cependant remarquer qu'il n'y a pas là une innovation de nos lois constitutionnelles de 1875, et que leurs auteurs, en instituant cette compétence du sénat, en ont trouvé les précédents dans quelques-uns de nos actes constitutionnels antérieurs.

Toutes nos constitutions ont confié le jugement de certains crimes politiques et de certaines personnes à des juridictions exceptionnelles : les unes à des hautes cours de justice ayant une composition particulière; les autres ont confié le jugement de ces crimes politiques et de ces catégories spéciales de personnes à une assemblée politique constituée en cour de justice.

La constitution de 1791 créait une haute cour nationale composée en principe des membres du tribunal de cassation et de hauts jurés; elle devait connaître des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif et des crimes qui attaqueraient la sûreté générale de l'État. Elle ne pouvait se réunir que sur la proclamation du corps législatif (Constitution de 1791, tit. III, chap. v, art. 23).

La constitution de l'an III créait aussi une haute cour de justice pour juger les accusations du corps législatif contre ses membres et les membres du directoire. Elle était composée de cinq juges, de deux accusateurs nationaux et de hauts jurés (Constitution de l'an III, art. 265-273).

La haute cour de justice créée par la constitution de l'an VIII (art. 72) fut maintenue par le sénatusconsulte du 28 floréal an XII; mais sa composition fut modifiée et mise en harmonie avec le régime impérial. Sa compétence s'étendait aux attentats et complots contre la sûreté de l'État, aux crimes et délits commis par les membres de la famille impériale, les sénateurs, les conseillers d'État, etc... (Sénatusconsulte 28 floréal an XII, art. 101-133).

La constitution de 1848 institua elle aussi une haute cour, qui était composée de cinq juges et de trente-six jurés et qui devait juger le président de la République, les ministres et les personnes prévenues de crimes contre la sûreté de l'État (art. 91-100).

Enfin, la constitution de 1852 créa une haute cour pour juger les personnes prévenues d'un crime contre la sûreté de l'État ou le chef de l'État et ne pouvant être saisie que par un décret (art. 54, 55). L'organisation en fut réglée par un sénatusconsulte du 10 juillet 1852, et le sénatusconsulte du 4 juin 1858 étendit sa compétence aux princes de la famille impériale. Cette haute cour fut supprimée par un décret du 4 novembre 1870.

Les chartes confièrent au contraire le jugement des crimes de haute trahison, des attentats à la sûreté de I'État et des crimes et délits commis par certains personnages, à une assemblée politique, la chambre des pairs, qui devenait la cour des pairs (Charte 1814, art. 34, 35 et 55; Charte de 1830, art. 28, 29 et 47). C'est certainement de ces dispositions que s'est inspiré le législateur constituant de 1875.

En Angleterre, la chambre des lords a conservé de ses premières origines, du temps où elle était le Magnum consilium, des attributions juridictionnelles. Elle jugeait alors les accusations portées contre les grands

LE SÉNAT CONSTITUÉ EN HAUTE COUR -473 officiers de la couronne. C'est pour cela que depuis le XIVe siècle on lui reconnaît compétence pour juger les ministres pour infraction comise dans l'exercice de leurs fonctions et traduits devant elle par la chambre des communes, suivant la procédure de l'impeachment. A la fin du xvi siècle et au XVIe siècle, l'impeachment fut admis même pour les actes qui ne constituaient pas unc infraction, mais seulement une faute grave, préjudiciable aux intérêts du pays. La chambre des lords avait un pouvoir complet d'appréciation quant au fait et quant à la peine.

Cette procédure de l'impeachment est devenue en Angleterre extrêmement rare. On cite comme dernier cas celui de Lord Melville en 1805. Elle est, en effet, devenue inutile depuis que la responsabilité politique effective est entrée définitivement dans la pratique constitutionnelle. Les Anglais ont eu souvent recours contre les ministres, à l'égard desquels ils estimaient que l'impeachment devait rester inefficace, à une mesure arbitraire et dictatoriale, le bill d'attainder, acte voté par les deux chambres en forme de loi et qui frappait le ministre d'une peine absolument arbitraire, généralement la peine de mort et la confiscation.

Cf. sur tous ces points, Esmein, Droit constitutionnel, 7o édit., 1921, II, p. 479 et s.; Erskine May, Traité des lois du Parlement, édition française, 1909, II, p. 307 et s.

La procédure de l'impeachment a été adoptée par la constitution américaine. La chambre des représentants peut mettre en accusation devant le sénat les ministres, le président et le vice-président de l'Union, et tous les fonctionnaires civils. Cette mise en accusation peut avoir lieu non seulement pour une infraction déterminée, mais encore pour tout acte accompli par le fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. Le sénat a un pouvoir d'appréciation souverain. Quand c'est le président qui est accusé, le sénat est présidé par le président

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