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plus qu'à dérober leurs personnes aux attentats des fondateurs de l'ochlocratie, qui gouverneront désormais par la proscription et le meurtre. Dès cet instant, les convulsions démagogiques passeront pour des prodiges de vertu républicaine, et, de cette crise, datera le règne de la grande terreur. « En révo>>lution, suivant Collot-d'Herbois, quiconque s'ar» rête est écrasé. » Osez, disait Saint-Just, ce » mot est toute la politique de la révolution. » — « En » révolution, l'autorité appartient aux plus scélérats, » disait Danton. Treize cents prévenus de conspiration sont jetés, à la fois, dans les prisons de Paris. Chaque autorité constituée ou révolutionnaire établit un dépôt près du lieu de ses séances. Bientôt chaque quartier de la capitale aura trois ou quatre maisons d'arrêt.

Comme le génie des constitutionnels s'était arrêté à la démocratie royale, celui des girondins s'arrêtait à la démocratie populaire organisée. Ils apercevaient trop d'incertitude de conserver leur pouvoir dans la théorię pure des sans-culottes, qui réduit le système social à un jeu de piques et de guillotines. Le parti de Brissot complota la république et l'exécuta par le concours des cordeliers et des jacobins : il fallait bien que ceux-ci abandonnassent à Brissot et aux siens la curée des hautes places et le timon des affaires, les comités, l'influence dirigeante, les directoires des départemens, les pouvoirs de la couronne dont ils venaient de s'emparer; mais on leur contesta le pouvoir municipal de Paris, qui, depuis assez long-temps, disposait des têtes et des fortunes. La rupture s'ensuivit, et les hostilités ne tardèrent pas à commencer. De même que la majorité de l'assemblée législative, quoique anti-républicaine, se laissa mener au bord de la

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république, de même la majorité de la convention, quoique adoptant le système des girondins, se laissa subjuguer par le parti décidément anarchiste des montagnards. Les chefs de la Gironde avaient voulu renvoyer au peuple la confirmation du jugement de Louis XVI, non certes par sentiment de justice ou de compassion, mais parce qu'ils entrevoyaient que l'échafaud du monarque pourrait devenir le leur, si l'on ruinait le principe qu'au peuple seul appartient le jugement en dernier ressort de ses mandataires. Ce serait se méprendre en cette conjoncture que de supposer aux girondins, distingués par des talens oratoires, des scrupules ou de louables motifs: moins farouches que leurs adversaires, sachant attendre et voir venir, les girondins surpassent les jacobins en machiavélisme; ils ont l'art de préparer les troubles; ils ne veulent que cette mesure précise de perversité qu'exige leur ambition; mais ils sont moins habiles, moins résolus, moins prompts dans l'exécution des coups d'état.

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Parce qu'ils se sont vus supérieurs à la tribune, ils n'ont pas assez redouté des adversaires qui, cependant, régnaient dans les sections, à la commune; maniaient le levier formidable de leur club, et formaient une partie active de la convention. Les chefs de la Gironde, Vergniaud, Guadet, Brissot, encore plus orateurs que factieux, bien plus diserts qu'entreprenans, affamés de célébrité, bons pour renverser et nuls pour réédifier, avaient agrandi la carrière du désordre à l'assemblée législative; mais actuellement ils se voient dépassés et vaincus. En humiliant le pouvoir royal au 20 juin, en l'abattant le 10 août, ils ne s'aperçurent pas qu'ils donnaient à d'autres perturbateurs l'idée et les moyens d'humilier et d'a

battre les vainqueurs du pouvoir royal. Les mouvemens de la faction des jacobins - cordeliers furent toujours mieux dirigés ; la distribution et la correspondance des rôles bien mieux établies; leur but était et plus visible et moins circonscrit. Ayant essayé et rallié leurs forcés dans la société - mère avant de les déployer à la convention, ayant établi leur prépondérance à la commune et dans les sections, ils devaient déjouer le nombre par la rapidité de leurs évolutions, neutraliser les efforts d'une éloquence ambitieuse par la violence et la terreur; tandis que les girondins, indécis sur le point où ils s'arrêteraient dans leur course révolutionnaire, et par cela même à demi armés, luttaient avec désavantage contre l'audace armée de toutes pièces, et résolue d'atteindre le dernier terme des fureurs démagogiques.

Dans le Calvados, dans la Gironde et en quelques autres lieux, on se soulèvera, mais sans résultat : faiblement exécutés, ces mouvemens appelleront la vengeance sur les villes où ils ont lieu. D'une cinquantaine de départemens disposés à s'affranchir, la plupart se borneront à des vœux stériles; à peine en verra-t-on sept ou huit faire des efforts déterminés. Des commissaires de la convention y paraîtront en exterminateurs. L'affreux Carrier aura la mission de Nantes (V. 16 décembre 1794). Tallien portera le ravage et la mort à Bordeaux; sa fureur sera néanmoins retenue quelquefois par une femme, la Cléopâtre de cet ignoble Marc-Antoine; aussi sera-t-il remplacé par une commission de jacobins exaltés qui commettront de plus grandes proscriptions encore, et condamneront, chaque jour, trente à quarante individus (V. Moniteur an II, n°. 280, 282, 313). Fréron et Barras exerceront froidement d'hor

ribles et nombreuses exécutions à Marseille et à Toulon (V. 19 décembre 1793). Lebon fera tomber des centaines de têtes à Arras (V. 13 octobre 1795). Maignet, incendiaire du Comtat, y fera disparaître des populations entières (V. 11 mai 1794). Collot-d'Herbois et Fouché (de Nantes) ne cesseront, pendant six mois, de teindre du sang de l'innocence le confluent du Rhône et de la Saône (V. 12 octobre). Lequinio, Piorry, Lecarpentier et cent autres scélérats obscurs de la convention, frapperont de la hache révolutionnaire sur tous les points du territoire. Il n'y aura pas un canton pour si reculé, pas un bourg pour si chétif qu'il soit, où l'on n'apporte l'instrument de mort. A mesure que s'affaiblira cette résistance développée dans quelques lieux, la férocité des vainqueurs augmentera. Muette, immobile et stupidement résignée, la nation, menacée d'un saccagement complet, souffrira de ses tyrans les traitemens les plus barbares et les dernières ignominies!!!

Durant ces dissensions, et tant que règneront le carnage et la dévastation avec Robespierre, Barrère et le comité de salut public (V. 34 octobre), les armées françaises perdront leurs avantages sur tous les points, au nord, sur les bords du Rhin, et vers les Pyrénées (V. 31 octobre).

Une loi condamne à la déportation les personnes 8 juin. convaincues de crimes ou délits non prévus par le Code pénal ou les lois, et dont l'incivisme ou la résidence sur le territoire de la république seraient des sujets de trouble et d'agitation.

L'Angleterre, en représailles du décret du 9 mai, 9 juin. déclare tous les ports de France en état de blocus, et

9 juin.

Io juin.

prononce la confiscation des bâtimens neutres destinés à y porter des vivres.

Le combat d'Arlon ( quatre lieues nord-ouest de Luxembourg) est livré. L'armée de Moselle (Houchard) met en déroute un corps d'armée autrichien. Ce succès devient inutile.

Saumur est pris après une bataille. Les royalistes, forts d'environ trente-cinq mille hommes, mais avec peu d'artillerie, et la plupart imparfaitement armés, conduits par La Rochejacquelein, Domagné, Cathelineau, Stofflet, attaquent les républicains au nombre de vingt mille, commandés par Menou, l'un des plus mauvais généraux qu'ait produits la France, et, sous lui, par Santerre, qui ne fut jamais redoutable qu'aux honnêtes habitans de Paris. Les républicains sont pourvus d'une artillerie très- considérable, ce qui ne les empêche pas d'être mis en pleine déroute, après avoir perdu beaucoup des leurs. Menou est grièvement blessé, Domagné est tué. Une capitulation donne aux vainqueurs, avec le château de Saumur, plus de trois mille prisonniers, quatre-vingts pièces d'artillerie et des magasins considérables. La perte des troupes victorieuses est évaluée à deux mille hommes. (V. le 30).

En fortifiant Saumur, ville importante, les royalistes peuvent s'en faire un rempart inexpugnable. S'ils continuent leur marche sur la rive droite de la Loire, où Tours, Blois, Orléans, n'opposent aucune digue au torrent, rien ne les empêchera de venir battre le mur d'enceinte de la capitale. La terreur, qui élève ses échafauds, grossit leur armée; les fédéralistes font en Normandie une diversion qui doit tourner à son avantage; Lyon prépare sa résistance à la tyrannie. Jamais

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