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Juillet. Cette place lui conviendrait fort peu. Quand vous me l'enlèverez d'ici, il lui faut un emploi qui n'exige ni dignité ni bonnes manières.

Je pense que peut-être ferez-vous mieux de le placer tout de suite ailleurs. L'intendant militaire à Blaye, ayant en sousordre un officier de la garnison, remplirait fort bien ces fonctions et à moins de frais. Toutefois je consens volontiers à remplir ma mission avec Dufresne, pourvu qu'il ait l'ordre de me soumettre ses rapports ou de n'en plus faire.

Je vous transmets la lettre de M. Petit-Pierre touchant Dufresne. Je joins aussi un petit billet de Mme d'Hautefort à Ménière, qui vous fera connaître combien ce dernier était devenu nécessaire. La santé de la Duchesse n'était pas aussi bonne hier soir que les jours précédents, cependant elle a assez bien dîné.

Je vous l'ai fait connaître on a exagéré son mal par tactique pour la faire mettre en liberté. Le docteur Ménière a été un peu pris, mais il y a un fond de vrai qui mérite toute votre attention: c'est sa poitrine.

27 mars 1833.

Dépêche télégraphique à M. le président du Conseil pour lui faire part d'une lettre anonyme, écrite de Bordeaux, dans laquelle on nous prévenait que nous devons être attaqués et qu'un complot se trame contre nous. Loin de le craindre, nous le désirons.

CHAPITRE XVI.

Suite du journal de Blaye.

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Lettre du ministre de l'Intérieur au général Bugeaud. Tactique des légitimistes. — Précautions à prendre pour constater l'accouchement de la duchesse. — Lettre de la duchesse de Berry au géné ral Bugeaud. Lettre du docteur Deneux. Instructions du Gouvernement au général Bugeaud réglant les formalités qui devront accompagner l'accouchement de la duchesse de Berry. - Formule de la convocation adressée aux personnes appelées comine témoins de l'accouchement de la duchesse. — Persistance du parti légitimiste à mettre en doute l'état de grossesse de la duchesse de Berry.

JOURNAL DE LA CITADELLE DE BLAYE (suite).

Le général Bugeaud à monsieur le comte d'Argout, ministre de l'Intérieur.

28 mars 1833.

Monsieur le ministre,

J'ai reçu par le courrier votre bonne lettre particulière du 25, et, par estafette, la dépêche (1) sans date signée de vous

(1) Cette dépêche du gouvernement au gouverneur de Blaye est une des plus importantes de la correspondance. Elle est remarquablement faite et résume d'une façon précise et claire les faits, et déduit toutes les conséquences qui pouvaient résulter pour le gouvernement d'un défaut de surveillance.

Le président du conseil des ministres et le ministre de l'Intérieur
au gouverneur de Blaye,

« Mars 1833.

◄ Général, votre dépêche du 21 de ce mois nous apprend que M. de Brissac et Mme d'Han. tefort refuseront de signer l'acte de naissance de l'enfant de Me la duchesse de Berry

et du ministre de la Guerre. La première m'a fait peine et plaisir, parce qu'en me montrant beaucoup d'éléments de succès, elle m'apprend aussi qu'il y a beaucoup de difficultés à vaincre ; avec du courage nous triompherons de tout.

Les cinq premières pages de la dépêche collective ne sont que des considérations générales sur des faits accomplis ou des circonstances passées. Je ne m'arrête qu'à la sixième page, paragraphe numéroté 4. Il m'y est recommandé de chercher à empêcher la correspondance de la duchesse de Berry.

Je vous le répète, il n'y a pas d'autre moyen que d'empê

Vous en concluez, avec votre sagacité ordinaire, que vous ne pourriez prendre trop de précautions pour constater cet événement de la manière la plus authentique.

« Diverses particularités dont nous allons vous donner connaissance nous font également sentir cette nécessité.

« Premièrement : Depuis quelque temps Mme la duchesse de Berry a trouvé le moyen de correspondre avec plusieurs de ses partisans; notamment elle a écrit en dernier lieu à M. de Vitrolles et à M. Hyde de Neuville. Nous en avons la certitude, et si vous trouvez une occasion de lui dire que vous n'ignorez pas cette particularité, elle n'en disconviendra point. Dans une démarche que M. de Vitrolles a faite auprès du président du Conseil, du ministre des Affaires Étrangères et du ministre de l'Intérieur, il a avoué qu'il avait reçu un billet de la Princesse, et nous savons qu'il en a reçu deux. Nous savons pareillement qu'il part toutes les semaines de Bordeaux un homme qui porte ses dépêches à Paris.

a Secondement: Elle reçoit dans sa prison les avis que lui adressent ses conseils. C'est à la suite de ces avis qu'elle repousse avec tant de vivacité la présence du docteur Dubois, dont elle redoute la clairvoyance, et nous sommes convaincus que les refus de M. de Brissac et de Mae d'Hautefort leur ont été pareillement suggérés par la même voie.

« Troisièmement: Vous vous êtes aperçu que la sollicitude du docteur Ménière pour sa malade semble excéder les limites de l'intérêt très naturel qu'il doit lui porter. En effet, le docteur Menière ne se borne pas à des conseils médicaux, il s'occupe avec la Princesse de questions qui ne sont nullement de sa compétence. Il écrit à beaucoup de journaux de Paris, et il semble vouloir profiter de sa position pour se donner une importance politique qu'il ne convient pas de lui laisser prendre. Il ne serait même pas impossible que ce ne fût par le canal de Ménière qu'une partie de la correspondance de la Duchesse est parvenue à son adresse. Mais ceci n'est qu'une conjecture que nous laissons à votre vigilance le soin de vérifier. Vous jugerez sans doute opportun de recommander plus de réserve au docteur Menière, et, en lui prescrivant de continuer à vous informer et à nous informer avec la plus grande sincérité et les plus amples détails de tout ce qui concerne la santé de Mme la duchesse de Berry, vous l'inviterez à cesser toutes correspondances, sauf avec le ministère, MM. Orfila et Auvity.

« Quatrièmement : M. de Rosambo, président du conseil de famille du duc de Bordeaux, et fondé de pouvoirs de Mme la duchesse de Berry, a demandé à voir la Princesse, afin de s'entendre avec elle sur les moyens de suppléer à la procuration qu'elle lui avait donnée, et que la declaration d'un second mariage a rendu caduque. Ces relations auraient pu avoir lieu par une simple correspondance, et nous n'eussions fait aucune difficulté pour faire par

cher l'entrée du curé, du docteur Gintrac ou de toute autre personne qui retourne ensuite au dehors; mais le remède serait peut-être pire que le mal. Au reste, nous touchons au terme du drame, et il y a tout lieu de croire que c'est le dernier effort fantasmagorique du carlisme. Après cela, il sera peut-être assez insensé pour tenter un simulacre de coup de main, ainsi qu'il en menace. Cela achèvera de le perdre dans l'opinion du pays.

Quoi qu'il en soit, c'est à vous de juger si je dois proscrire le curé. Ce n'est point mon opinion. Ce serait nous donner de l'odieux pour un bien petit profit. Les carlistes clabaudront

venir à la Princesse les lettres de M. de Rosambo. Nous avons même consenti qu'il se ren lit à Blaye, pourvu que vous fussiez présent à l'entrevue. Mais M. de Rosambo refuse de se soumettre à cette condition. Ce refus nous indique que M. de Rosambo veut entretenir la Princesse non seulement des intérêts pécuniaires de son fils, mais encore de questions d'une autre nature.

« Maintenant, quel est le but que se proposent les partisans de la duchesse de Berry? Ils veulent forcer la main au Gouvernement pour qu'elle soit relâchée avant ses couches, et. pour arriver à ce résultat, ils la représentent comme étant dans un grand danger. Articles de journaux, plaintes amères dans le public, démarches directes ou indirectes auprès du Roi et des ministres, ils n'épargnent rien pour établir que la vie de la Princesse sera en peril si sa captivite à Blaye se prolongeait encore.

« Dans le cas où ils ne parviendraient pas à obtenir sa libération avant ses couches, ils venlent que la naissance de l'enfant demeure contestable, et pour cela ils cherchent à empêcher tout ce qui contribuerait à augmenter l'authenticité de l'acte qui devra être dressé à cette époque.

« De là les refus de M. de Brissac et de Mme d'Hautefort; de là encore l'éloignement pour Dubois, pour la sage-femme et même pour le docteur Deneux, qui, précisément parce qu'il est carliste, donnerait par sa signature une plus grande autorite à l'acte d'accouchement. On arrange les choses de manière que le docteur Ménière opere seul l'accouchement, soit parce que l'on croit l'avoir gagné à la cause de la Princesse, soit parce que, n'étant encore qu'un jeune praticien et sans réputation acquise, on pourra contester son témoignage avec plus de facilité. Et si le docteur Ménière est le seul assistant à l'accouchement, ne soyez pas surpris si la Princesse ne nie aussitôt cet accouchement et si elle ne soutient qu'on a introduit dans la cita lelle un enfant qui n'est pas le sien. Les personnes qui connaissent le mieux son caractère affirment qu'elle sait soutenir avec la plus grande imperturbabilite les choses les plus contraires à la vérité. Ceci mérite d'autant plus d'attention que la Princesse accouche avec la plus grande facilité, et que si les témoins ne sont pas avertis avec la plus grande célérité, ils arriveront lorsque la besogne sera terminée.

<< Dans cet état de choses, quelles sont les mesures qu'il convient de prendre pour veiller à la fois à ce que la santé de la Princesse ne s'aggrave point et à ce que les couches soient suffisamment constatées?

« 1 Votre perspicacité vous a indiqué qu'il était utile de vous faire rendre compte des repas de la Princesse; il est très essentiel que vous la voyiez tous les jours et même plusieurs fois par jour; bien que vous ne soyez pas médecin, la justesse de votre coup d'œil

encore pendant un mois ou six semaines; après quoi ils tomberont tout à plat. Nous tenons la corde par le bon bout. Le gage est entre les mains du Gouvernement, et je suis bien décidé, au moment solennel, à ne rien négliger pour donner à l'accouchement toute l'anthenticité possible.

J'ai déjà fait des reproches à Mme la duchesse de Berry, à Mme d'Hautefort et à M. de Brissac d'avoir eu au dehors des correspondances non tolérées, et je leur en ai fait sentir les dangers pour eux. Ils ont nié, mais avec maladresse. Je reviendrai là-dessus.

vous fera discerner ce qu'il y a de réel ou d'affecté dans son état, et nous nous en rappor tons plus à vos appréciations qu'à tous les bulletins médicaux du monde.

« 2o Recommander au docteur Ménière d'envoyer tous les jours un bulletin détaillé de la santé de la Duchesse. Il est pareillement nécessaire qu'il rende compte avec une grande exactitude du traitement appliqué et du régime suivi. Ce bulletin sera communiqué tous les jours aux docteurs Orfila et Auvity, qui sauront bien distinguer si, dans les symptômes indiqués, il en existe d'alarmants.

« 3o Inviter le docteur Ménière à vous rendre compte de toutes ses conversations avec la duchesse de Berry, de s'abstenir de traiter avec elle d'autres questions que celles qui sont relatives à sa santé, de n'avoir de correspondance qu'avec les ministères de la Guerre ou de l'Intérieur et avec MM. Orfila et Auvity.

« 4o Chercher à empêcher les correspondances de la duchesse de Berry et chercher à empecher pareillement qu'elle ne reçoive des lettres de ses partisans.

« 5o Si M. de Rosambo se rend à Blaye, empêcher qu'il ait aucune communication avec M. de Brissac et Mme d'Hautefort; n'autoriser que deux conférences avec Mme la duchesse de Berry, et y assister de manière qu'ils ne puissent se rien dire secrètement.

« 6o Faire entendre, quand vous en trouverez l'occasion, à M. de Brissac et à Mme d'Hautefort que leur refus de signer l'acte de naissance tient à un système général, et que ce systeme est précisément celui qui prolongera la captivité de la duchesse de Berry, car on ne lui permettra de quitter Blaye, même après ses couches, qu'autant que la naissance de l'enfant sera authentiquement constatée.

« 7o Engager M. Dubois à s'établir dans la citadelle et à y occuper le logement de M. Dufresne, afin qu'il puisse être présent à l'accouchement.

« 8° Loger pareillement M. Deneux dans la citadelle; mais, si cela n'est pas possible, l'établir en ville à la plus grande proximité possible de la citadelle. Ne pas permettre à M. Deneux de voir la duchesse de Berry hors la présence de M. Dubois.

« 9o Faire coucher dans l'appartement ou au-dessous de la chambre à coucher de la Princesse un homme sûr, ayant le sommeil leger, et qui vous avertira au moindre bruit.

« A ces précautions vous pourrez ajouter toutes celles que votre sagesse et votre prudence vous suggéreront.

« Agréez, general, l'assurance de notre consideration distinguée.

« Le président du Conseil, ministre de la Guerre,

« Signé : Maréchal duc DE DALMATIE.

« Le pair de France, ministre de l'Intérieur,

« Signé: Comte D'ARGOUT. »

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