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rencontré nos études par ses travaux sur l'histoire religieuse. Il laisse des écrits importants sur les premiers siècles du christianisme, des thèses sur saint Justin, philosophe et martyr, et sur Constantin, une Histoire des persécutions de l'Église jusqu'à la fin des Antonins que l'Académie française a couronnée, bien d'autres ouvrages encore, parmi lesquels je dois principalement signaler un livre intitulé Polémique païenne dont une partie, Le discours véritable de Celse, a obtenu un prix de notre Association. M. Aubé nous appartenait depuis 1868. A la même date, un autre membre de l'enseignement, M. EDMOND MONTAGNE, venait aussi apporter son concours à notre œuvre naissante. C'était un helléniste très préoccupé des méthodes. Il donnait ses leçons de langue grecque, il y a peu de jours encore, dans la maison d'éducation qu'il dirigeait à Villiers-le-Bel, et où les élèves comme les parents regrettent le chef dévoué autant que le maître habile.

Messieurs, il y a bien des manières de se rattacher à nous. On peut servir la cause de l'hellénisme comme grammairien, comme érudit, comme artiste on le peut aussi en traduisant les chefs-d'œuvre anciens, et s'il arrive que ces traductions, s'animant sur la scène, ressuscitent les personnages de Sophocle et réussissent à exciter chez nous les émotions qu'éprouvaient les Athéniens au théâtre de Bacchus, assurément le traducteur doit compter parmi ceux qui répandent avec le plus de succès le goût de la Grèce antique. Tel est le genre de service que nous rendait JULES LACROIX, dont l'OEdipe-Roi, représenté d'abord à l'Odéon, était encore applaudi, il y a quelques années, aux Français. C'est l'œuvre que l'Académie française avait choisie pour lui décerncr une haute récompeuse, parmi toutes les productions de cet écrivain fécond, traducteur de Shakespeare, romancier, poète, dramaturge, à qui les plaisirs de l'activité littéraire. faisaient noblement oublier la plus triste des infirmités.

Parmi les membres de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avec laquelle des liens particutiers nous unissent, nous avons perdu deux savants éminents, l'Intendant général CHARLES ROBERT, homme aimable et bon, qui avait surtout dirigé ses études vers la numismatique de l'empire romain, de la Gaule et du moyen âge français, mais qui s'intéressait à l'anti

quité grecque et nous avait donné l'autorité de son nom dès la première heure; et M. EUGÈNE BENOIST, professeur de littérature latine à la Sorbonne, dont la mort me touche particulièrement, car je ne puis oublier que j'ai eu l'honneur de le compter au nombre de mes premiers élèves à l'École normale. Nous le verrions encore parmi nous, s'il avait su résister à sa passion pour le travail. Tout le monde sait que, si le vaste savoir de M. Benoist s'étendait aussi sur la Grèce, c'est principalement à ses éditions érudites de Virgile, de Plaute, de Catulle, qu'il doit sa notoriété. Comme l'a dit son camarade M. Bréal, qui présidait l'Académie au moment de sa mort, il a remis en honneur les méthodes de nos savants du xvi° et du xvII° siècle. Ajoutons qu'il a eu le rare mérite de communiquer à d'autres l'ardeur dont il était animé; il a suscité des vocations et formé des disciples dignes de lui.

Un autre membre de l'enseignement supérieur, M. HEINRICH, professeur et longtemps doyen de la Faculté des lettres de Lyon, est connu de tous ceux qui s'occupent de la littérature allemande. Son grand ouvrage sur l'histoire de cette littérature restera. Mais son titre particulier à nos regrets, c'est d'avoir, par sa propre initiative, avant toute institution officielle, créé et organisé à la Faculté de Lyon ce travail fécond des conférences, qui est aujourd'hui la meilleure défense contre l'affaiblissement des études classiques.

J'aurai achevé, je crois, pour la France la commémoration de nos pertes, quand j'aurai rappelé le souvenir d'hommes qui, sans donner à l'érudition le concours de leur activité personnelle, nous ont témoigné un bienveillant intérêt et se sont associés à notre œuvre. Deux, MM. LAVOTTE et MAIGRET, auraient reçu plus tôt notre hommage, si nous avions pu être informés à temps. Ils faisaient partie de l'Association depuis l'origine, de même que l'éditeur AUGUSTE GARNIER, dont la mort remonte au mois de mai, et M. LUDOVIC DE VAUZELLES, conseiller honoraire à la cour d'appel d'Orléans, dont la perte est beaucoup plus récente. A ces noms il convient d'ajouter celui de M. PRILEJAEFF, archiprêtre à l'église russe et aumônier de l'ambassade de Russie.

La liste des pertes que nous avons faites à l'étranger est

moins longue, sinon moins douloureuse. Nous avons perdu : à Zante, Mme ADÉLAÏDE TERZETTI, auteur d'un livre intitulé La Grèce ancienne et moderne, considérée sous l'aspect religieux, et publié en France chez l'éditeur de l'Association; à Athènes, M. SARIPOLOS, avocat, connu par des écrits sur le droit qui lui ont valu en 1876 l'honneur d'être élu correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques. Plusieurs d'entre vous ont pu le voir souvent à Paris, où il était loin d'être un étranger, surtout dans le cercle des hellénisants. A Athènes. encore, le numismate et antiquaire PAUL LAMBROS; enfin, à Taganrog, M. CONSTANTINOS MANOUSSIS.

Telle est, Messieurs, la longue énumération qui m'était im. posée par les deuils d'une année particulièrement atteinte. Ai-je besoin de dire, cependant, que notre Association, quelque éprouvée qu'elle soit par de pareilles pertes, est pleine de vie et florissante? Vous entendrez tout à l'heure votre secrétaire vous parler des ouvrages auxquels votre commission attribue les prix dont vous disposez. Il vous parlera aussi d'excellents livres sur la littérature, sur l'art, sur d'autres matières encore, qui, pour diverses raisons, étaient, pour ainsi dire, hors concours, mais qui n'en font pas moins d'honneur aux études que l'Association représente. Trois d'entre nous ont vu leurs travaux honorés par des récompenses de l'Institut. M. Hurr, un des fidèles de nos séances, dont nous écoutions récemment une élégante dissertation sur la date du Phèdre, a obtenu à l'Académie des sciences morales et politiques le prix Victor Cousin. Le sujet mis au concours était l'authenticité des dialogues de Platon, et le mémoire de M. Huit a été couronné avec de grands éloges. L'Académie des Inscriptions et Belles lettres a décerné le prix Delalande-Guérineau à M. JULIEN HAVET pour ses Questions mérovingiennes. Ce sont, il est vrai, des matières en dehors de notre domaine; mais qui s'étonnerait d'entendre prononcer ici un nom deux fois cher à tous les amis de l'antiquité classique? A la même académie, on avait mis au concours pour un prix Bordin l'histoire de l'art étrusque. Le mémoire de M. JULES MARTHA sur cette difficile question a été très favorablement apprécié par ses juges. Ils y ont loué la méthode, la rigueur scientifique, les vues générales. Aussi ce travail, aussitôt après

avoir obtenu leurs suffrages, a pu être livré à l'impression, et il va paraître dans peu.

Ces succès, ces publications, tout ce travail d'érudition et de critique sont la meilleure preuve de l'activité que nous avons pour mission d'encourager, et nous sommes fondés à dire qu'ils témoignent de la prospérité de notre œuvre. Notre tâche, qui est de nous intéresser et de prendre part aux progrès de l'Hellénisme, s'étend et s'accroît de jour en jour. Elle ne comprend pas seulement les travaux et les études qui se poursuivent en France; nous devons aussi entretenir des relations avec les pays étrangers, où le culte de l'antiquité grecque n'est pas moins en honneur que chez nous; nous devons surtout nous maintenir en communication constante avec l'Orient, principal théâtre du mouvement moderne et dépositaire de tant de précieux restes de la Grèce ancienne.

En Orient, nous trouvons d'abord l'École française d'Athènes, qui nous tient de si près et dont l'œuvre se confond en partie avec la nôtre. Comme nous, elle représente l'action de la France dans le monde grec; elle suit, de plus, dans le pays même, les découvertes, si importantes pour l'art et pour l'archéologie, qui se multiplient depuis vingt-cinq ans. Elle fait plus que les suivre, elle y contribue elle-même pour une large part. A Délos, en Béotie, à Mantinée, sur les côtes et dans l'intérieur de l'Asie-Mineure, ses jeunes membres rendent à la lumière des quantités d'inscriptions, qui nous révèlent dans le détail l'histoire, les mœurs, la religion de la Grèce antique, des statues et des terres cuites, qui offrent à notre étude et à notre admiration les essais anonymes de l'archaïsme, la perfection de Praxitèle et la facture avancée d'une fantaisie spirituelle et gracieuse. Nous trouvons aussi en Grèce les Grecs eux-mêmes, parmi lesquels nous comptons beauconp d'associés et beaucoup d'amis, qui hâtent avec ardeur l'œuvre de leur civilisation renaissante, et dont les divers instituts scientifiques sont en rapport direct avec nous.

Cette activité croissante qui se manifeste en Orient et partout où l'on s'intéresse aux choses de la Grèce nous imposait à nous-mêmes un redoublement d'efforts. Nous l'avons senti, et c'est ce qui a décidé l'importante innovation qui a été discutée

dans nos délibérations de cette année. Il a été résolu, vous le savez, que la publication annuelle faite par l'Association serait transformée en une revue trimestrielle, plus apte à suivre le mouvement multiple de l'hellénisme, à entretenir le goût de nos études et à stimuler les bonnes volontés. Grâce surtout au zèle intelligent de celui de nos jeunes confrères à qui revient le mérite de cette heureuse pensée, la transformation est aujourd'hui un fait accompli. Le premier numéro est imprimé, et il va être mis en distribution.

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