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AC25

09

1872
v.9

PRÉFACE

La belle préface de M. J. J. Ampère a appris aux lecteurs des OEuvres complètes qu'outre les travaux réunis par les soins de ses amis, M. Ozanam laissait encore un grand nombre de notes inédites. C'étaient les matériaux des livres qu'il voulait écrire et publier plus tard, les fragments inachevés de cette grande histoire de la littérature et de la civilisation. aux temps barbares dont il voulait embrasser l'ensemble dans une série d'ouvrages distincts, mais unis par une même pensée. Parmi ces œuvres projetées figurait une traduction de la Divine Comédie, accompagnée d'un commentaire qui eût résumé les longues études qu'il avait consacrées à son poëte favori. Nous donnons au public le Purgatoire, la seule partie qui soit terminée. Encore ce mot ne peut-il s'appliquer qu'à la traduction elle-même, dont la fidélité, la force, l'élégance ont paru aux juges les plus compétents surpasser les nombreux essais tentés récemment pour faire comprendre dans notre langue les vers du poëte florentin, sans leur enlever leur énergique précision et leur richesse d'images. Dans un commerce journalier et presque quotidien avec Dante, M. Ozanam avait acquis ce que j'appellerai volontiers le sens spécial de son auteur, cette intuition rapide et sûre

PURGATOIRE.

a

de la traduction la plus convenable pour rendre une pensée dont il pénétrait si bien le secret.

Nous avons laissé le commentaire sous la forme de notes, tel qu'il fut écrit pour des leçons d'explication professées à la Sorbonne. On sait que M. Ozanam avait coutume de faire en quelque sorte l'épreuve de ses pensées dans son enseignement. Il apportait dans sa chaire les résultats de ses savantes recherches au contact de son auditoire toute cette érudition s'animait, revêtait cette première forme si vive et si brillante, qui a laissé dans l'esprit de ses élèves tant de chers souvenirs; puis ces mêmes pensées méditées de nouveau dans le silence du cabinet devenaient un livre. Ainsi se sont préparées dans son cours ses belles Études germaniques; ainsi se préparaient dans ses leçons d'explication sa traduction et son commentaire de Dante. Mais la traduction recevait dès l'abord sa forme définitive, tandis que le commentaire devait être soumis à une révision ultérieure. Sept années furent ainsi consacrées à l'étude et à l'interprétation de la Divine Comédie, parmi lesquelles quatre furent réservées à l'étude du Purgatoire. Une sorte de prédilection particulière attachait M. Ozanam à ces chants destinés à célébrer la réhabilitation de l'homme coupable, et tout remplis de consolations et d'espérances célestes. Aussi ces notes renfermentelles un grand nombre de passages admirablements écrits, qui ne le cèdent en rien aux œuvres auxquelles il a mis la dernière main, et qui auraient passé sans doute avec assez peu de changements dans son commentaire définitif. D'autres moins achevés contiennent cependant des vues nouvelles, ou des indications précieuses pour ceux qui s'occupent spécia lement de Dante et de l'histoire de son siècle. Ce n'est qu'un mot parfois, mais un mot que l'érudit comprendra et qui

pourra ouvrir à sa pensée de nouveaux horizons. Nous avons donc scrupuleusement respecté la disposition et la forme qu'il avait données à ces notes, et jusqu'à ce défaut de proportions, inévitable dans ces annotations de premier jet, où certaines questions prennent, par l'entraînement de l'auteur, un développement considérable, tandis que d'autres sont plus rapidement indiquées1. Nous ne nous sommes permis aucune altération, et ce n'est que bien rarement que nous avons ajouté au texte quelques notes destinées à en faciliter l'intelligence 2.

En conservant la forme primitive de ce commentaire, en y maintenant tout ce qui rappelle la communication intime et familière du professeur et de l'auditoire, il est une chosc que nous avons cru devoir également laisser subsister, et qui rend à ses leçons éparses leur physionomie et leur intérêt. Ce sont les souvenirs contemporains de ces cours, professés de 1847 à 1850, les allusions aux événements qui préoccupaient alors tous les esprits. Sans doute nous sommes de ceux qui pensent qu'en des temps plus calmes la chaire du professeur doit être un sanctuaire fermé à tous les bruits du dehors; peut-être même en ferions-nous une règle invariable et absolue. Toutefois, dans ces moments d'agitation où se décident les destinées des peuples, à Paris surtout, où l'opinion sagement éclairée peut exercer une si décisive influence, l'homme de bien en possession de la parole pouvait-il hésiter à faire entendre à la jeunesse de salutaires conseils? Chez M. Ozanam, le professeur n'était point séparé du chrétien årdent, du libéral sincère, du serviteur infatigable de la

Ce sont ces parties moins achevées du commentaire qui ont été imprimées en petit texte.

2 Ces notes sont indiquées par les initiales G. A. H.

vérité et de la justice. Dante, avec ses allusions perpétuelles à la vie orageuse des républiques italiennes, à la papauté, à l'empire, aux prétentions de monarchie universelle des Césars germains, semblait redevenir contemporain de ces jours où l'Italie crut recouvrer son indépendance et sa gloire à la voix d'un généreux pontife, mais où bientôt aussi, trop faible contre ses ennemis du dehors, et ingrate envers celui qui avait fait lever sur sa patrie l'aurore d'une liberté nouvelle, elle vit à Novare la défaite de son armée et dans les murs de Rome la plus odieuse des révoltes. L'écho de toutes ces souffrances se fait entendre dans les notes éloquentes ajoutées à ces chants du Purgatoire, si pleins, eux aussi, des souvenirs de la défaite des meilleures causes, ou de la punition méritée des faiblesses des hommes et des crimes des partis. Mais, moins amer que le poëte, qui flagelle parfois ses ennemis avec une rudesse égale à celle des plus véhémentes strophes de son Enfer, le commentateur n'a que des paroles de conciliation et d'espérance. M. Ozanam était de ceux qui croyaient à l'avenir, qui, peu inquiets d'être, comme Dante, souvent seuls de leur parti, ne doutaient pas du triomphe de la justice même aux plus mauvais jours, ni surtout de la possibilité d'une réconciliation féconde de la religion et de la liberté dans nos sociétés modernes.

Aujourd'hui que les événements ont mêlé à ces nobles espérances de si cruelles inquiétudes, nous voudrions moins que jamais déguiser la pensée de notre maître, et faire taire cette voix qui semble encore, avec sa fermeté chrétienne à la fois si douce et si forte, revivre pour protester contre les ingratitudes, les injustices, les spoliations par lesquelles l'ambition a compromis la cause sacrée de l'indépendance. Cette publication trouve même dans cette affirmation géné

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