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sition; si elle porte sur le principe même qui servait de fondement à la loi ancienne, l'abrogation s'étend à la loi tout entière.

129. Ces règles ont inspiré l'article 484 du Code pénal. En effet, un grand nombre de lois et de règlements antérieurs au Code pénal de 1810 punissent des infractions qui ne sont pas prévues par ce Code. La question de savoir si ces lois et règlements sont encore applicables est résolue par l'article 484, ainsi conçu : « Dans toutes les matières qui n'ont pas été réglées par le présent Code et qui sont régies par des lois et règlements particuliers, les cours et les tribunaux continueront de les observer ». Ainsi, les anciennes lois et les anciens règlements peuvent être encore en vigueur aujourd'hui, mais trois conditions sont nécessaires pour cela. Il faut que les matières dont il s'agit, c'est-à-dire « l'espèce » d'infractions prévue par ces lois, ne soient pas réglées par le Code pénal; il faut ensuite que ces matières soient réglées par des lois ou règlements particuliers; enfin, que ces lois et règlements particuliers, encore en vigueur au moment de la mise en activité du Code pénal, n'aient pas été abrogés depuis. L'examen de chacune de ces conditions demande quelques explications.

1o Les lois et règlements particuliers ne sont encore en vigueur que lorsqu'ils régissent des matières que le Code pénal ne traite pas, soit qu'il les passe sous silence, soit qu'il ne contienne que quelques dispositions éparses, détachées, mais non un système complet de législation sur ces points. Les deux situations doivent être, du reste, distinguées. En effet, dans le premier cas, le maintien complet des anciennes dispositions pénales est. incontestable; dans le second, les lois et règlements antérieurs

Nous trouvons une disposition analogue dans l'article 218 du Code forestier.

6 L'article 418 du projet primitif du Code pénal, correspondant à l'article 484 actuel, énumérait les matières qui devaient continuer à être soumises aux lois et règlements antérieurs au Code pénal. Cfr. LOCRÉ, t. XXXI, p. 238 et D. C. p. annoté, art. 484, nos 3, 4, 5 et 6.

7

'Ce sont à peu près les termes d'un avis du conseil d'État du 8 février 1812, qui a interprété, en exécution de la loi du 16 sept. 1807, l'article 484 du Code pénal. On trouvera le texte de cet avis dans le C. p. annoté de Dalloz, p. 1059. Il a une très grande importance pratique.

au Code restent en vigueur dans toutes les dispositions auxquelles il n'a pas été expressément dérogé. C'est, par application de ces idées que la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, dite Code rural, est maintenue pour tous les délits qu'elle a prévus et sur lesquels le Code pénal ne contient pas de dispositions particulières. A l'inverse, on doit considérer comme implicitement abrogés les lois et règlements particuliers qui portent sur une espèce d'infractions que le Code pénal a réglée, quand même ces lois et règlements auraient prévu des infractions s'y rattachant et sur lesquelles le Code pénal serait resté muet 10.

2o Le Code pénal ne maintient en vigueur que les lois et règlements particuliers. C'est l'application de la règle d'après laquelle une loi générale sur une matière abroge les lois générales antérieures. Il faut en conclure que le Code pénal de 1791, le Code de police correctionnelle et municipale des 19-22 juillet 1791, et le livre III du Code de brumaire an IV, qui statuait accessoirement sur la pénalité, ont été abrogés par le Code pénal de 1810. Nous ne pouvons donc, en présence des termes formels de l'article 484, approuver la jurisprudence, aujourd'hui constante, qui applique, à certains faits non prévus par le Code pénal de 1810, les dispositions des Codes antérieurs, soit du Code pénal de 1791, soit du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV11.

Cfr. D., C. p. annoté, art. 484, no 53.

• Cfr. sur certains règlements antérieurs à 1789, encore en vigueur aujourd'hui, les arrêts suivants de la Cour de cassation: Cass., 17 déc. 1852 (D. 53.1.53); 11 octobre 1851 (D. 51.1.312); 5 juin 1841 (D. J. G., vo Revendeur, no 1); 28 mars 1857 (D. 58.1.335); 11 juillet 1884 (D. 85.1. 333). Voyez les conclusions du procureur général Barbier qui sont rapportées sous ce dernier arrêt; 1er déc. 1866 (D. 67.1.142); 17 février 1883 (D. 83.1.488).

10 C'est ainsi que la jurisprudence a considéré, comme abrogées par le Code pénal 1° la loi du 25 frimaire an VIII qui punit les menaces d'incendie; 2o la loi du 12 floréal an II, sur les voies de fait, contre les actes d'exécution judiciaire.

11 Ainsi, il est de jurisprudence constante que le Code pénal n'ayant pas prévu les voies de fait légères, ou simples violences, sans coups ni blessures, ces faits restent punissables d'après l'art. 17, tit. 1er de la loi des 19-22

3o Les seules dispositions que le Code pénal de 1810 déclare maintenir sont celles qui étaient encore obligatoires au moment de la promulgation de ce Code. La peine applicable est alors celle de l'ancien règlement, si elle figure au nombre des peines admises aujourd'hui, ou la peine qui y a été substituée, si quelque loi moderne, visant un de ces anciens règlements, a prononcé une peine pour violation de ces dispositions, ou bien, à défaut, et s'il s'agit d'un règlement légalement fait par l'autorité administrative, la sanction générale édictée par l'article 471, n° 15, du Code pénal.

§ XII.

DU PRINCIPE DE LA NON-RÉTROACTIVITÉ
DES LOIS PÉNALES 1

(C. p., art. 4.)

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130. Raison d'être de la non-rétroactivité des lois pénales. 131. Comparaison, à ce point de vue, des lois pénales et des lois civiles. Caractère et portée du principe de la non-rétroactivité des lois pénales.

130. Ainsi, c'est dans la loi positive, régulièrement promulguée et non abrogée, que le juge doit rechercher le caractère du fait qui lui est soumis; pour qu'il soit punissable, il faut que ce fait se trouve qualifié et puni par la loi, avant qu'il ait été commis. Ce principe, que proclame l'article 4 du Code pénal, est resté étranger à notre ancienne jurisprudence; il a été reconnu, par l'Assemblée constituante, dans la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 (art. 8).

Pour le justifier, on dit souvent il faut être averti, avant d'être frappé : Moneat lex priusquam feriat3. « Le Code pé

juillet 1791, et l'art. 605, no 8, du Code de brumaire an IV: Cass., 14 avril 1821 B. cr., no 61); 30 mars 1832 (S. 32.1.656,, et la jurisprudence postérieure.

1

§ XII. BIBLIOGRAPHIE: BLONDEAU, Themis, t. VII, p. 289; Duvergier, Effet rétroactif des lois, Revue du droit français et étranger, 1845, p. 1; GABBA, Teoria della retroattivita della legge 2 vol., 2e éd.); MEYNNE, Essai sur la rétroactivité des lois répressives (Bruxelles, 1863).

2 C'est un des aphorismes de Bacon.

nal », prétend quelque part M. Thiers, « est fouet par un bout et sifflet par l'autre ». Ce motif est excellent, pour ces transgressions aux lois de police, nullement ou faiblement répréhensibles en droit naturel; il est évident, quant à ces transgressions, que la justice commande au pouvoir, s'il veut les punir, de le déclarer à l'avance. Mais ce motif est insuffisant pour ces infractions plus graves, dont la criminalité est indiquée par la conscience avant de l'être par la loi; on pourrait dire, en effet, que les avertissements de la conscience suffisent pour rendre le châtiment de ces faits mérités. Il en serait ainsi, sans doute, si le droit de punir était exclusivement fondé sur la justice absolue; mais comme il a des limites tracées par les nécessités sociales, il est indispensable que la loi positive, essentiellement déclarative de la moralité des actions humaines au point de vue social, proclame el fasse connaître, à l'avance, ce qu'elle ordonne ou ce qu'elle défend. Jusque-là, les citoyens sont en droit de croire que tout ce qui n'est pas défendu est permis, que tout ce qui n'est pas ordonné est indifférent 3.

131. Ainsi, les lois criminelles, n'ont pas d'effet rétroactif et ne sont, en général, applicables qu'aux infractions commises depuis qu'elles sont devenues exécutoires. L'article 4 du Code pénal semble même se présenter, à ce point de vue, comme une répétition inutile du principe général énoncé dans l'article 2 du Code civil: « La loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ». Mais il ne faudrait pas s'arrêter à cette apparence nous avons à examiner, en effet, si le principe de la non-rétroactivité des lois s'applique de la même manière au droit criminel et au droit civil, s'il a, pour ces deux

3 Faut-il, comme semble le faire LABORDE (op. cit., no 66), distinguer, suivant que l'objet de la loi nouvelle est de créer une infraction, d'incriminer un fait jusqu'alors licite, ou suivant qu'elle a pour objet de modifier toute autre partie de la législation criminelle, par exemple, la peine applicable à un fait déjà incriminé? Dans le premier cas, la non-rétroactivité serait rationnelle; dans le second, ce serait une décision de faveur. Je ne le pense pas. La possibilité d'une modification dans un état acquis jetterait dans la société un germe d'inquiétude et d'alarme. C'est-à-dire que l'œuvre de la loi qui est d'assurer et de garantir la sécurité et la tranquillité des citoyens serait manquée si la loi était rétroactive.

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branches du droit positif, le même caractère et la même portée. I. A-t-il le même caractère? En matière civile, le principe de la non-rétroactivité des lois est plutôt un principe d'interprétation judiciaire qu'un principe constitutionnel, c'est-à-dire qu'il doit être considéré, non comme une restriction aux pouvoirs du législateur, qui, lui, peut faire des lois rétroactives, mais comme une règle tracée au juge dans l'application des lois, auxquelles le législateur n'a pas formellement attaché d'effet rétroactif. En est-il de même en matière pénale? Le principe de la non-rétroactivité n'est-il pas plutôt un principe constitutionnel qui s'imposerait au pouvoir législatif? Certaines constitutions lui ont donné ce caractère. Ainsi, la règle que « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi, établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée », était écrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui servait de préambule à la constitution du 3 septembre 1791. L'article 14 de la Déclaration des droits et devoirs, qui précédait la constitution du 5 fructidor an III, allait même plus loin, en proclamant, comme un principe constitutionnel, qu'aucune loi, ni criminelle ni civile, ne pouvait avoir d'effet rétroactif. Mais ce principe ne se trouve répété, ni par la constitution du 14 janvier 1852, ni par les lois constitutionnelles de 1875; il n'est inscrit que dans le Code pénal et le Code civil, c'est-à-dire dans des lois, obligatoires pour les tribunaux tant qu'elles ne sont pas abrogées, mais qui cessent de l'être quand le législateur estime qu'il y a lieu d'y déroger. L'article 4 du Code pénal et l'article 2 du Code civil sont donc écrits pour les juges et non pour les législateurs; ils obligent les tribunaux qui violeraient ces dispositions en donnant un effet rétroactif aux lois qu'ils appliquent; ils n'obligent pas les législateurs qui, s'ils le croient utile, peuvent attacher un effet rétroactif aux lois qu'ils votent. La règle de la non-rétroactivité des lois, mêmes pénales, a donc été déconstitutionnalisée*.

Du reste, alors même qu'on donnerait au principe de la non-rétroactivité des lois pénales le caractère d'une disposition constitutionnelle, il ne s'ensuivrait pas que les tribunaux auraient le droit de refuser l'application d'une loi pénale entachée d'effet rétroactif. L'autorité judiciaire, en France, n'a

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