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peuples modernes ont une tendance à séparer ces deux choses, et à consacrer des Codes distincts, les uns aux lois de forme, les autres aux lois de fond.

Dans l'enfance des sociétés, c'est l'assemblée du peuple à Rome, les comices; en Germanie, le mallum, ou bien le roi, représentant de la Divinité, qui, lorsqu'un crime est commis, infligent la peine comme bon leur semble, n'ayant d'autre règle que la tradition ou leur bon plaisir. On ne connaît pas encore cette séparation savante, organisée dans presque toutes les sociétés modernes, entre le pouvoir législatif, qui fait les lois, et le pouvoir excécutif, qui les applique, et qui, suivant qu'il s'agit de les faire servir à la direction des affaires politiques, au règlement des détails de la vie publique, ou au jugement des contestations, s'appelle le Gouvernement, l'Administration, ou la Justice. Mais des raisons puissantes interdisant au souverain d'être juge, il est de règle, chez les peuples modernes, que la justice est déléguée par le souverain ou par le peuple elle ne s'exerce et ne peut s'exercer que par des tribunaux chargés de prononcer des peines et de statuer sur les différends que les citoyens ont avec l'administration ou entre eux. Le principe détestable, puisqu'il repose sur une idée fausse, de l'unité de la justice civile et de la justice pénale domine l'organisation judiciaire française. Il signifie que les mêmes tribunaux rendent la justice en matière civile comme en matière criminelle. La participation des citoyens au jugement des crimes, vient seule rompre cette unité. La composition des tribunaux et les formalités de leur procédure se compliquent suivant la gravité des infractions à juger. Les cours d'assises connaissent des crimes; les tribunaux correctionnels, des délits; les tribunaux de police, des contraventions. A côté de ces tribunaux, qui sont dits tribunaux ordinaires, à cause de l'étendue de leur compétence, il existe,

de le faire respecter, et il semble, à lire les anciens Codes, que la grande difficulté et la première préoccupation du législateur ait été d'amener le défendeur devant le juge. Cfr. SUMMER MAINE, De la codification d'après les idées antiques (trad. franç.), p. 13. Sur l'importance comparée de la pénalité et de la procédure: ORTOLAN, Cours de législ. pén. comp., Intr. phil., p. 77 à 81.

pour juger certaines personnes ou certains délits, des tribunaux exceptionnels, parmi lesquels figurent particulièrement les juridictions militaires et maritimes.

Une législation positive peut donner, aux juges qu'elle institue, le droit de procéder d'office à l'instruction et au jugement des affaires de leur compétence, et d'assurer eux-mêmes l'exécution de leur jugement. Mais notre législation préfère, avec raison, confier la mission de poursuivre les infractions et d'exécuter les jugements à des fonctionnaires spéciaux, établis près de chaque tribunal, et dépendant à la fois de l'autorité judiciaire et de l'autorité administrative. C'est à ces fonctionnaires qu'est confié l'exercice de l'action publique, c'est-à-dire de l'action qui a pour but l'application d'une peine aux individus reconnus coupables d'une infraction, tandis que l'action civile, c'est-à-dire l'action qui a pour objet la réparation du préjudice causé par l'infraction, appartient aux parties lésées, qui l'exercent, soit accessoirement à l'action publique devant les tribunaux de répression, soit séparément devant les tribunaux civils.

23. IV. La procédure pénale est la série des investigations auxquelles doit se livrer la justice pour constater les infractions et appliquer les peines. La société ne peut, sans danger, abandonner complètement aux autorités qu'elle institue le mode de procéder aussi, toute législation positive détermine-t-elle la manière dont ces autorités doivent agir et fonctionner. Dans les dispositions minutieuses qu'elle consacre à la procédure, la loi se propose de protéger deux intérêts également sacrés l'intérêt de la société, qui veut la juste et prompte répression des délits, et l'intérêt des accusés, qui exige une complète garantie de la liberté individuelle et des droits de la défense.

Quand on analyse la procédure pénale, on peut la ramener à quatre opérations: la poursuite, qui consiste à saisir la juridiction; l'instruction, qui consiste à réunir les preuves de la culpabilité; le jugement, à constater la culpabilité, s'il y a lieu, et à prononcer la peine; l'exécution, qui consiste à appliquer la

sentence.

La loi peut exiger, et elle exige, en effet, souvent qu'une in

struction spéciale précède l'instruction faite à l'audience de la juridiction chargée de juger. Cette instruction, dite préparatoire, a, dans notre législation positive, trois caractères qui la distinguent de l'instruction de l'audience: elle est secrète, elle est écrite, elle se fait sans défense contradictoire. Sur les pièces écrites de cette procédure, des juridictions spéciales d'instruction statuent sur le point de savoir s'il y a lieu d'arrêter la poursuite ou de renvoyer l'auteur présumé de l'infraction devant la juridiction de jugement. Celle-ci, saisie de la prévention, soit directement par le ministère public ou la partie civile, soit sur le renvoi qui est fait devant elle par la juridiction d'instruction, statue en audience publique; elle juge, non sur l'instruction préparatoire, qui a pu précéder la citation, mais sur l'instruction orale, publique, contradictoire de l'audience. C'est là une innovation considérable de notre législation criminelle moderne, car, avant 1789, les juges de la culpabilité feuilletaient le dossier de l'instruction écrite, et formaient leur conviction sur pièces. Aujourd'hui, ils la forment, après avoir entendu l'accusé, s'il comparaît, les témoins à charge et à décharge, le ministère public et le défenseur. Les effets de l'instruction préalable sont donc limités, puisque, à elle seule, cette procédure ne peut autoriser aucune décision définitive au préjudice des justiciables.

Aussi, le « Code d'instruction criminelle » devrait être intitulé « Code de procédure pénale », — de procédure, et non d'instruction, car l'instruction n'est, dans son système, qu'une partie de la procédure pénale, et la moins importante; pénale, et non criminelle, car les dispositions de ce Code organisent la procédure en matière correctionnelle et de simple police comme en matière criminelle. La qualification de ce Code est donc doublement inexacte.

5 Aussi le législateur belge a préféré, pour le nouveau Code qu'il prépare, et dont les dispositions préliminaires ont été promulguées le 17 avril 1878, le titre de Code de procédure pénale. La plupart des Codes étrangers portent le même titre que le Code belge; en Hollande, Wetboek von Strafvordering; en Allemagne, Strafprozessordnung; en Italie, Codice di procedura penale. Les savants traducteurs du Code de procédure pénale autrichien

§ IV.

DE LA PLACE DU DROIT CRIMINEL DANS LA LÉGISLATION

24. Le droit. Ses divisions. 25. Droit privé. 26. Droit public. - 27. Le droit criminel est indépendant des autres parties du droit. 28. Problèmes.

24. Après avoir tracé le vaste programme du droit criminel, il importe de déterminer la place qu'il occupe dans le système général d'une législation. Pour le faire, il faut partir de la conception même du droit et de ses divisions rationnelles.

On sait que le droit détermine les conditions reconnues et imposées comme nécessaires des rapports sociaux, ou, en d'autres termes, qu'il règle les droits et les obligations dérivant de ces rapports. Il se divise donc en branches aussi nombreuses, que sont diverses les situations qu'il est appelé à prévoir et à régler. Les classifications du droit doivent varier d'après les points de vue auxquels on se place'; mais la classification la plus usitée, parce qu'elle est la moins arbitraire, est celle qui prend pour base la nature des rapports qu'il régit, et qui sépare ainsi, tout d'abord, le droit privé du droit public d'un peuple.

25. I. Le droit privé gouverne les rapports des individus entre eux (quod ad singulorum utilitatem pertinet), des Français comme des étrangers (droit civil, droit international privé). Au début des civilisations, le droit pénal est une branche du droit civil les crimes contre les personnes sont considérés comme une affaire privée n'intéressant pas la tribu ou la cité. Mais le droit pénal se détache peu à peu du droit privé par une évolution des idées et des mœurs. On finit par comprendre que lorsqu'une infraction a été commise par un individu au détriment d'un autre individu, le droit de punir n'appartient pas à l'offensé,

Die Strafprozessordnung), MM. BERTRAND et LYON-CAEN lui ont donné un titre de fantaisie en l'appelant Code d'instruction criminelle. Comp. ORTOLAN, t. II, no 2170; MARCY, Code de procédure pénale du royaume d'Italie (Paris, 1881, t. I, p. 12).

1

§ IV. Sur les différentes classifications: ORTOLAN, Cours de législ. pén. comp., Introd. phil., p. 161 à 196.

R. G. Tome I.

mais à la société. L'offensé avait bien le droit de se défendre au moment où il était attaqué pour prévenir le mal dont on le menaçait, mais, l'infraction une fois accomplie, ce n'est pas à lui qu'il appartient de punir; s'il tentait de rendre le mal qu'il a éprouvé, il n'infligerait pas une peine, il exercerait une vengeance. Ce qui est de droit privé, c'est la faculté qui lui est reconnue de demander en justice la réparation du dommage qu'il a souffert. Il faut ajouter toutefois que ce droit à une réparation, à raison de sa communauté d'origine avec l'infraction, rentre, à bien des points de vue, dans le domaine du droit criminel. Il est, en effet, placé, d'une manière particulière, sous la protection sociale.

26. II. Le droit public se subdivise en droit public externe et droit public interne. a) Les nations ont nécessairement des rapports entre elles; elles se rencontrent dans la paix et dans la guerre; de là, des situations que le droit public externe est appelé à régir. Les frontières ayant cessé, depuis longtemps, d'être des barrières infranchissables, cette branche du droit s'est beaucoup développée. Mais le droit public externe n'est pas un droit complet; il lui manque une sanction, des tribunaux, une procédure. Évidemment, le droit criminel n'en fait pas partie. D'après le droit naturel, il est vrai, des devoirs existant, dans les rapports des nations, comme dans les rapports des individus, on concevrait rationnellement que la violation de certains de ces devoirs, les plus graves, puisse ou doive être punie. Il y a certes des crimes internationaux. On a vu des nations homicider d'autres nations, voler leur territoire, le piller, incendier les habitations, massacrer les habitants, etc. Mais, dans le cas même où, soit par suite de l'accord général et, tacite des peuples, soit par suite de traités conclus entre les nations, ces devoirs sont devenus l'objet d'une sorte de droit, international, la violation n'en est pas punissable, puisqu'il n'existe pas de droit criminel positif entre les nations. C'est que, en effet, il est de l'essence du droit de punir d'être le fait d'un pouvoir supérieur; et, dans la sphère du droit international, un tel pouvoir n'existe pas encore. La sanction des droits internationaux est dans la guerre entre les peuples, c'est-à-dire dans la

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