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POUR SERVIR

A L'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE

PENDANT LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

1790.

Le 12 juillet. L'ASSEMBLÉE NATIONALE DÉCRÈTE LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ. L'Eglise de France était dépouillée de ses biens temporels, et réduite à l'état le plus précaire; pour satisfaire les vœux de l'impiété, il fallait l'avilir, en faisant courber la conscience de ses pontifes et de ses prêtres (1); et c'est à ce but que tendit directement le décret fameux connu sous le nom de constitution civile du clergé. Le comité ecclésiastique préparait depuis longtemps ce projet vraiment incroyable, qui, après avoir été conçu par des jansénistes, devait être appuyé sans réserve par des hommes irréligieux; et il ne tenait aucun compte des obstacles de tout genre si faciles à prévoir. Vers la fin de mai, ce comité fit présenter trois rapports; le premier, par l'avocat Martineau, sur la constitution qui serait donnée au clergé ; le second,

(1) Le plan bien arrêté d'avilir le clergé a été avoué par le philosophe Naigeon, dans une adresse à l'Assemblée nationale, imprimée en 1790. Il y insistait sur la nécessité d'écarter toute idée de religion dans une déclaration des droits de l'homme, et exhalait une haine brutale contre les prêtres. Il y disait: L'intérêt général est que le prêtre soit avili; pour avilir les prêtres il faut les appauvrir. On a sagement fait de les appauvrir, mais le plan de les décréditer entièrement dans l'esprit des peuples, ne peut mériter d'éloges qu'autant qu'il sera mis pleinement à exécution, et il ne faut pas temporiser. Les décrets des assemblées successives sur la religion et le clergé n'ont été que la réalisation de ce vœu et de ce plan de Naigeon et de ses amis.

T. VI.

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par Expilly, curé de Morlaix, sur le traitement qui serait alloué aux ministres du culte; et le troisième, par l'avocat Durand de Maillane, sur les fondations et les patronages. Nous ne nous arrêterons que sur le premier, dont l'importance ne peut échapper à personne.

Le rapporteur, après avoir présenté quelques considérations très-justes sur la nécessité de rendre à la religion tout son empire, pour régler les mœurs, et pour donner même une base solide à l'Etat, puisque sans la religion le serment n'est qu'un mot vide de sens; après avoir rendu un hommage particulier à la religion catholique, qui ne pouvait éprouver aucun changement ni dans la foi, ni dans les règles de la morale, en concluait que la main réformatrice du législateur ne pouvait s'appliquer qu'à la discipline extérieure. Pour ne rien donner à l'esprit de système, le plan de régénération que proposait le comité, devait consister uniquement à revenir à la discipline de l'Eglise primitive. D'après cette vue générale, le comité appliquait ses réformes, premièrement aux titres ecclésiastiques qu'il convenait de conserver, et secondement à la manière d'y pourvoir. Par rapport au premier objet, « il >> faut, disait-on, que dans l'Eglise tous les emplois né>> cessaires soient en aussi grand nombre que le demandent » la dignité du culte et les besoins des fidèles: mais il est >> contre toute raison d'en conserver d'inutiles: nul ne >> doit subsister aux dépens du public que celui qui sert » le public. » Or le comité ne voulait admettre d'autre emploi nécessaire que ceux d'instruire les peuples et d'administrer les secours spirituels: il ne trouvait pas, dans la discipline de l'Eglise, aux jours de sa gloire, de ces ministres qui n'ont d'autres fonctions que la prière ou en public ou en particulier, « comme si, disait-il, la prière » n'était pas essentiellement le premier devoir de ceux >> qui ont la charge des âmes. » En conséquence, tous les bénéfices simples, les prébendes canoniales et les chapitres eux-mêmes étaient supprimés. Quant aux offices qui étaient conservés, une démarcation nouvelle des mé

tropoles, des diocèses, des paroisses, était proposée comme devant être immédiatement exécutée. Par rapport à la manière de pourvoir aux emplois ecclésiastiques, le comité prétendait que tout le désordre venait de ce que, depuis l'établissement des bénéfices, on s'était à peine souvenu que ces emplois étaient des offices: on ne les envisageait plus que comme des graces, que chacun avait voulu être le maître de distribuer à son gré; ce qui était la source.de tous maux. Au contraire, selon les canonistes du comité, « la discipline de l'Eglise primitive ne connaissait d'autre >> forme de pourvoir aux offices ecclésiastiques, que l'é>>>lection faite par les peuples eux-mêmes: on était per» suadé que celui à qui tous doivent obéir doit être choisi » par tous. Le peuple ne peut être forcé de donner sa » confiance à celui qu'il n'a pas choisi. » C'est sur ce principe, aussi faux historiquement que théologiquement, qu'ils avaient formé le plan ridicule de la loi, dont nous verrons bientôt les détails. Sans doute ils reconnaissaient que les suffrages même unanimes des peuples ne donnaient ni les pouvoirs, ni même la mission il fallait qu'après avoir été élu par tous les fidèles, le nouvel évêque fût confirmé, institué et consacré par son métropolitain ou par les évêques de la province. Mais ils n'en demandaient pas davantage, et surtout ils ne voulaient pas qu'on recourût au Pape autrement que pour lui adresser une simple lettre de communion. Ils affectaient d'ailleurs de confondre la mission avec la consécration.

La discussion générale s'ouvrit le: 29 mai. L'archevêque d'Aix, de Boisgelin, combattit le premier le projet du comité et les principales assertions du rapport: «Le comité, » dit-il, a reconnu que les réformes qu'il avait à vous >proposer ne pouvaient consister que dans un retour à » la discipline de la primitive Eglise. Ce ne sont pas des évêques, successeurs des apôtres, qui peuvent rejeter » cette méthode: mais, puisque le comité nous rappelle >> notre devoir, il nous permettra de le faire souvenir de >> nos droits, et des principes sacrés de la puissance ecclé

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» siastique. Il s'agit ici des vérités de la religion : je vais >>> les dire avec toute la fermeté qui convient aux ministres » du Seigneur. Jésus-Christ a donné sa mission aux apô>>> tres et à ses successeurs : il ne l'a confié ni aux magistrats » ni aux rois; il s'agit d'un ordre de choses dans lequel les >> magistrats et les rois doivent obéir. La mission que nous >> avons reçue remonte jusqu'aux apôtres. On vous propose » aujourd'hui de détruire une partie des ministres, de » diviser leur juridiction. Aucune puissance humaine ne >> peut y toucher. » L'orateur développa ces principes malgré les murmures d'une partie de l'Assemblée; et conclut ainsi : « Si vous ne recourez pas à l'autorité de » l'Eglise, vous méconnaissez l'unité catholique........ Nous >> vous proposons donc de consulter l'Eglise gallicane par » un concile national: c'est là que réside un pouvoir qui >> doit veiller au dépôt de la foi; c'est là qu'instruits de nos >> devoirs et de vos vœux, nous concilierons les intérêts du

peuple avec ceux de la religion.... Dans le cas où cette proposition ne serait pas adoptée, nous déclarons ne pas » pouvoir participer à la délibération. » Plusieurs ecclésiastiques parlèrent dans le même sens: on remarqua en particulier le discours de Goulard, curé de Roanne: il insista avec force pour que le projet ne fût pas même mis en délibération, à l'exception des points qui regardaient le traitement du clergé : « Si cependant, ajoutait-il, l'Assem» blée veut donner suite au projet, il faut prier le roi de » l'envoyer au souverain Pontife, avec prière de l'exa» miner: c'est le seul moyen d'empêcher le schisme, qui >> doit affliger toute personne attachée à l'Eglise catho» lique, apostolique et romaine. »

D'un autre côté, le projet du comité fut soutenu avec chaleur par Treilhard, qui était alors président du comité ecclésiastique, et par l'avocat Camus, qui, sans appartenir à ce comité, en partageait tous les principes (1): ils s'efforçaient surtout d'établir la compétence de l'Assemblée,

(1) On a souvent présenté Camus comme l'auteur de la constitution du

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