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cires, et des graisses; l'Angoumois, la Marche et le Limousin, des cordages et des bois à faire des vaisseaux; surtaxer le sel, ce serait condamner ces pays à la misère. Voyez, au contraire, le Languedoc : il est riche, il produit blé, vin, graines d'écarlate, huile d'olives, amandes, figues, raisins, laines; il commerce avec la Lombardie et le Levant, et reçoit du dehors épiceries et draps. Le littoral méditerranéen est autrement bien partagé que les falaises arides de l'Océan. Le << labourage du sel» a aussi une importance très différente dans les deux régions; le « quart du sel» de Poitou est afferme 8,500 livres (1455), puis 15,000 livres sous Louis XI; qu'est-ce que cela, comparé aux 70,000 livres du Languedoc?

La gabelle du sel a, on le voit, une physionomie particulière en Languedoc, tout comme la taille et les aides; c'est ce qui en rend l'étude si attachante.

II. Limites du sel de Languedoc.

Pour mieux faire comprendre l'importance du commerce du sel de Languedoc, il est bon de connaitre l'étendue exacte des territoires où il était consommé à l'exclusion de tout autre. Le royaume de France peut se diviser, à la fin du XVe siècle, en quatre régions pour la distribution du sel, abstraction faite. de petits cantons sans importance1:

1o Le sel de Bretagne (sel noir de Guérande) fournit la vallée de la Somme et de la Seine, la vallée inférieure et moyenne de la Seine jusque dans le Bourbonnais; il pénètre dans cette dernière région par le péage des Ponts-de-Cé; il se transporte par eau en Normandie, en Picardie, en Ile-deFrance et en Champagne. Il se répand jusqu'en Flandre et en Zélande.

1. Tels que :

4o Les marais de Rue et de Noyelles fournissent la Picardie et l'Artois; 2o Les salines de Normandie : a) depuis l'embouchure de la Seine jusqu'à Dieppe, surtout ceux de Bombelles, connus dès le onzième siècle; b) le sel blanc de Touques, qui approvisionne une centaine de villages des environs de Pont-l'Évêque; c) le Cotentin, du côté de Granville.

3o La source salée de Salies-de-Salat, qui fournit le pays de Comminges, les jugeries de Rivière et de Verdun, à l'ouest de la Garonne.

2o Le sel poitevin (sel noir de Marennes, Arvert, Ré, Oléron) se transporte par terre dans la Marche, l'Angoumois, le Limousin, l'Auvergne (il s'avance jusqu'à Cusset), ou par eau jusqu'à Libourne et Bergerac, pour le Périgord et le Quercy; jusqu'à Bordeaux, la Réole et Agen, pour la Guienne, le Bazadais, le Condomois, l'Agenais et le Quercy.

3o Les sauneries de Salins (salignons) fournissent le duché et le comté de Bourgogne, le Charolais.

4o Le sel blanc de Languedoc se distribue de deux façons différentes :

a) De Sommières à Sigean, les greniers fournissent un tiers de la sénéchaussée de Beaucaire, les sénéchaussées entières de Toulouse et de Carcassonne, et le Rouergue.

b) Les salines de Peccais (rive droite du Rhône) fournissent les deux tiers de la sénéchaussée de Beaucaire, le Velay, le Vivarais, le Gévaudan, le Forez, le Beaujolais, le Lyonnais, le Roannais, le Maconnais c'est le tirage à la part du royaume. En outre, elles fournissent, de compte à demi avec les salines de la rive gauche du fleuve (La Vernède et NotreDame-de-la-Mer), le Comtat Venaissin, la principauté d'Orange, le Valentinois, le Dauphiné, la Savoie, la Bresse et le Genevois c'est le tirage à la part de l'empire. On peut donc distinguer les greniers de terre et les greniers du Rhône (Beaucaire et Saint-Esprit).

L'aire du sel languedocien est donc très grande; on a cependant cherché à l'étendre encore au détriment du sel poitevin en Auvergne1 et dans le Quercy 2. Ces tentatives méritent d'être rapportées.

A la faveur des guerres anglaises, les limites du sel poitevin, qui n'avaient d'ailleurs jamais été rigoureusement tracées

4. Cf. les États provinciaux de la France centrale, par Ant. Thomas, II, 223; Ordonnances des rois de France, XIV, 266-270, et XV, 9-12; Bibl. Nat., Cab. des titres (volumes reliés) 685, fo 158 v°; Bibl. de Nantes, mss. 668, fo 40; Bibl. Nat. fr. 26108, 449; Arch. Dép. Gard, G 1 206, fo 385.

2. Cf. Bibl. Nat., Doat 88, fos 58-299; ibid., Pièces orig. 2276, 64 803, 7; et 613, 14419, 45; Arch. Dép. Hérault, Reg. de la Sénéchaussée de Nimes XI, fos 37-38.

par une ordonnance, s'étaient effacées, et il empiétait sur le domaine du sel blanc. Dès 1445, Charles de Castillon, Pierre des Crosses et Charles de Rollot, grenetier de Nimes, sont envoyés par le roi pour « venir prendre le sel en certaines parties de l'Auvergne»; les États du pays leur donnent 200 livres << affin de surseoir et qu'ils ne procédassent plus avant jusques on eust nouvelles du Conseil du roy », et ils envoient à Nancy Guillaume Morant, seigneur de la Mote, pour connaître la volonté royale. Charles VII décide que le sel blanc de Languedoc aura cours jusqu'à Thiers, Courpière, Billom, le Crest, la Tour et Bord (sur la Dordogne); l'Auvergne obtient un sursis jusqu'à la Pentecôte 1452; de nouveaux commissaires informent, et le sursis est prolongé jusqu'à la mi-août. Les officiers du roi avisent alors d'« envoyer sur les foires et marchés des limites des greniers de Languedoc ès marches des pays d'Auvergne et de Rouergue, jusques à certain grant nombre de sel gabelle pris et gabelle en nosdiz greniers de Languedoc pour trouver moyen de faire reculer ledit sel poitevin. » C'est en vain : Jean Muret et d'autres marchands du Puy y perdent 233 livres. L'Auvergne persiste à user du sel noir dont elle ne paye que 4 sols par livre : « Dudit sel noir ne nous est payé aucune gabelle, dit le roi, au moins que très peu, eu égard au droict que prenons en pareil cas és autres greniers de nostre royaume. » Le procès menaçant de s'éterniser, Charles VII statue que la charge de sel poitevin payera 10 sols à son entrée en Auvergne, et 4 sols à la revente (c'est le quint du sel), et que le sel blanc de Languedoc ne dépassera point l'Alagnon et la Jordanne; des gardes sont mis sur les deux rivières, sur la Dordogne, du côté de la Combraille et du Bourbonnais (27 février 1454). Cette ordonnance est fréquemment invoquée pendant les trois quarts de siècle qul suivent; Louis XI, puis Charles VIII en prescrivent le maintien (7 janvier 1478, 14 octobre 1493), et ce dernier constate avec douleur les abus qui diminuent la gabelle. en Auvergne le bas pays avait composé à 1,200 livres pour racheter le quint du sel établi en 1454; les fermiers ne prélèvent pas la totalité des droits d'entrée, et les commissaires

chargés du contrôle malversent avec eux au lieu de les punir; le haut pays s'affranchit de tout droit, disant au Languedoc qu'il est compris dans l'abonnement des 1,200 livres, et au bas pays qu'il contribue en Languedoc. Les États de Languedoc réclament en 1495 et en 1502 « Grant partie du sel dudit païs de Languedoc demeure sur les salins à grant perdicion et les fruictz et despence de la fracture d'icellui sur les bras des povres marchans et propriétaires et autres qui y gaignent leur vie et dont les salins et saunaige dudit païs pourroient tourner en toutale destruction. » A la suite de ces doléances, Antoine Duprat, alors avocat au Parlement de Toulouse, fait un voyage en haute Auvergne pour entretenir l'ordonnance de 1454...

Les difficultés avec le Quercy sont plus sérieuses (14541487), et ce long débat de trente ans se termine à la confusion du Languedoc.

Pendant la première moitié du quinzième siècle, le Quercy use librement de sel noir comme au temps de Charles V (ordonnances du 16 janvier 1400, du 10 avril 1410 et du 6 mai 1417). Il s'approvisionne en trois endroits: Agen, à trois heures de ses frontières; Bergerac, à six heures; Libourne, à une petite journée, au lieu que cinquante lieues le séparent du plus prochain grenier du Languedoc. Le sel blanc reviendrait ȧ 5 livres la charge, le sel noir ne coûte que 20 à 25 sols; en outre, le sel noir est infiniment plus léger que le sel blanc et un cheval porte un quintal et quart du second contre trois du premier. Et il est faux de dire avec les officiers du roi que le sel noir arrive dans le Quercy franc de toute charge et que le quintal de sel blanc paye 12 sols 1 denier au lieu que le quintal de sel noir paye seulement deux gros. La vérité, c'est que le sel noir, s'il ne se gabelle pas en un seul lieu, n'en est pas pour cela exempt de droits : après avoir payé 4 sols par livre à Marennes1, il acquitte 4 1. 10 s. par muid (ou 30 charges) à Libourne, 2 s. 6 d. par pipe à la Réole, 10 sols à Agen. Le dommage annuel n'est donc pas de 10 à 12 mille livres comme

4, Cf. Ordonnances, XVII, 498-504.

le veulent les gens du fisc; ils vont jusqu'à dire que le Rouergue, tenté par le meilleur marché du sel noir, s'approvisionne clandestinement en Quercy, ce qui porterait le déficit à vingt mille livres.

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Le procès remonte à 1454: le 27 février de cette année, Charles VII annule l'ordonnance de 1400 à l'instigation du visiteur général de Languedoc, Pierre Castellain. << De toute ancienneté, mesmement depuis que les greniers à sel furent ordonnez et mis sus en nostre pays de Languedoc, les habitans des séneschaucées de Rouergue, de Quercy et d'Agenez, mesmement jusques au pont d'Agen, se fournissoient et usoient du sel de Languedoc; mais obstant les guerres qui ont esté depuis en nostre pays de Guienne et que grant partie des places d'icelles séneschaucées ont esté occupées par les Anglois, les marchans et autres qui souloient aller quérir le sel audit pays de Languedoc n'i ont osé aller, ains se sont fournis de sel de Bourdelois, de Sulac et de Marannes, non gabelle. Jean de Saint-Romain et P. Castellain vaquent trois mois en Rouergue, Quercy et Agenais pour exécuter cette ordonnance (1455). Le Rouergue se soumet, mais le Quercy en appelle au Parlement de Toulouse qui lui donne raison (21 septembre 1457); les officiers du roi portent la cause à la Cour des Aides de Languedoc, mais le procès traînant en longueur, Louis XI le suspend (23 novembre 1464) et le Quercy continue à user de sel noir. Le 27 janvier 1480 le roi nomme deux commissaires pour trancher enfin la question (Bernard Lauret, premier président du Parlement de Toulouse, et Jean de la Loère l'aîné). Le 30 décembre suivant, il évoque la cause au Grand Conseil, qui la renvoie au Parlement de Languedoc, lequel confirme solennellement, le 21 juillet 1487, l'arrêt rendu par lui trente ans auparavant. Cet arrêt définitif est signifié aux grenetiers de Narbonne, Béziers, Pézenas, Montpellier, aux municipalités de Montauban, Cahors et Figeac.

Le procès faillit cependant recommencer en 1512, mais il se termina le 8 mars 1514 par une seconde confirmation de la sentence de 1457.

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