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la reine n'étant qu'une simple citoyenne, et le roi qu'un fonctionnaire public responsable envers la nation. Il attaqua en même temps, avec emportement, le principe de l'inviolabilité | royale, consacré par la constitution, s'écria que Louis XVI était un traître et un tyran, demanda le décret d'accusation contre Monsieur qui avait franchi la frontière, et s'efforça de faire établir en principe qu'un citoyen pouvait être mis en jugement sans preuves et sur de simples indices. Repoussées avec dégoût et indignation par l'Assemblée, ces propositions furibondes furent accueillies avec enthousiasme par la foule qui encombrait les tribunes et les abords de la salle.

On sait qu'après une captivité de plus de deux mois, Louis XVI, en acceptant la constitution de 1791, recouvra une liberté apparente et même une ombre d'autorité. Éclairés par la discussion, et plus encore par les effrayants progrès de l'esprit révolutionnaire, sur les nombreuses défectuosités de ce pacte inexécutable, ses auteurs les plus sages avaient essayé d'y introduire quel- | ques modifications, dans le but de garantir l'indépendance du pouvoir exécutif. « On doit être content, s'écrie Robespierre, après cette imparfaite révision, de tous les changements qu'on a obtenus de nous; que du moins on nous assure la possession des débris de nos premiers décrets! Si on peut encore attaquer notre constitution, après qu'elle a déjà été altérée deux fois, que nous reste-t-il à faire? reprendre nos fers ou nos armes! » La désignation personnelle des auteurs de cette révision, Barnave, le Chapelier, Adrien Duport, Thouret, Malouet, Tronchet, désignation accompagnée d'invectives et de menaces, fit voir que déjà Robespierre s'était investi du rôle de proscripteur. Le 13 septembre, Louis XVI vint, au sein de l'Assemblée, prêter | serment de fidélité à la constitution. Tandis que les députés en masse saluaient le monarque des plus vives acclamations, et quittaient leurs places pour le reconduire dans son palais, les spectateurs des tribunes et la multitude qui attendait au dehors, faisaient irruption dans la salle des séances, s'emparaient de Robespierre et de Péthion, les couronnaient de feuilles de chêne et s'attelaient à leur voiture pour les traîner en triomphe, en s'écriant : « Voilà les amis du peuple! voilà les défenseurs de la liberté! »

Au terme des décrets de l'Assemblée constituante, aucun de ses membres ne pouvait faire partie de l'Assemblée législative, appelée à la remplacer. Robespierre avait été l'un des plus ardents provocateurs de cette mesure qui devait

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tout compromettre, et qui bientôt perdit tout. Notons que ce fut le résultat d'une coalition de la droite avec l'extrême gauche, et le premier exemple de ces accouplements monstrueux qui n'ont jamais produit que des effets déplorables. Déjà, depuis plusieurs mois, titulaire de la place d'accusateur public près le tribunal criminel de Paris, Robespierre entra en fonctions, après la clôture de l'Assemblée. Son passage dans cette carrière, stérile pour son ambition, n'a pour ainsi dire pas laissé de traces, et ce ne fut pour lui qu'une sorte d'interrègne. Aussi, dès le mois d'avril 1792, se démit-il de cette charge subalterne. La tribune parlementaire lui étant fermée, ce fut à celle des Jacobins (voy.) qu'il alla chercher de nouveaux succès et une influence renouvelée. Cette influence appartenait, dans l'Assem blée législative, au parti dont Brissot était le chef ostensible, et les grands orateurs Vergniaud et Guadet les puissants organes. Robespierre sentit sur-le-champ que, pour ne pas voir sa popularité débordée par celle de ces éloquents révolutionnaires, le meilleur parti pour lui était de se poser comme leur adversaire politique, La question de la guerre avec l'empereur d'Allemagne fut le terrain sur lequel il appela d'abord le débat entre lui et les girondins, Ceux-ci voulant la guerre, il se déclara pour la paix. Nous avons dit au dernier article cité de quels prétextes ou de quels intérêts il couvrit son opposition. Brissot et ses amis tendaient évidemment à l'abolition du système monarchique. Se faisant un bouclier de l'austérité de ses principes et de l'inviolabilité de ses serments, Robespierre publie une feuille ayant pour titre le Défenseur de la constitu tion, dont il parut 12 nos du mois d'avril au mois d'août 1792. Au 20 juin, il observa la plus stricte neutralité entre la cour et la populace; au 10 août, il ne prit aucune part à l'action; mais à peine fut-elle décidée contre la royauté, que Robespierre courut à la commune et s'y empara de la haute direction des affaires. Orateur de cette autorité illégale et usurpatrice, il vint, au nom du peuple, sommer l'Assemblée législative de dissoudre l'administration du département de Paris, entachée de royalisme, et de livrer à un tribunal extraordinaire les complices de Louis XVI, et tous ceux qui, au 10 août, avaient combattu pour la tyrannie. Nommé président de ce tribunal, établi par décret du 17, il se récusa, comme en ayant lui-même provoqué la formation. Aucun indice ne décèle sa participation aux massacres qui souillèrent les premières journées de septembre; on ne peut croire pourtant qu'il s'y soit opposé, ni qu'il les ait hautement improu

vés, puisque les élections à la Convention nationale se firent à Paris sous ces sanglants auspices, et que le nom de Robespierre fut le premier qui | sortit de l'urne électorale.

A l'ouverture de cette assemblée, qu'il devait opprimer jusqu'à la mort, Robespierre n'y jouit pas, à beaucoup près, d'un crédit égal à celui des députés girondins. Les honneurs de la présidence échurent d'abord à Péthion, son concurrent en popularité, et qui, à dater de ce jour, trouva en lui un adversaire implacable. Faut-il attribuer au dépit que Robespierre ressentit de cette préférence, sa morne impassibilité, au milieu du mouvement d'enthousiasme irréfléchi qui, dès la première séance conventionnelle, entraîna la proclamation de la république? A côté de cette déclaration, Marat plaça bientôt, dans sa feuille incendiaire, la demande d'une dictature momentanée. Les amis de Robespierre tâtèrent l'opinion en le désignant, sous main, comme le seul homme que sa vertu éprouvée permît d'élever sans péril à cette dignité; quoique mystérieuse, cette révélation amena les premiers troubles qui, dès le 24 sept., éclatèrent au sein de la Convention, et d'où sortit, un mois plus tard, la fameuse accusation formulée par Louvet contre Robespierre. Les longs développements de cette véhémente catilinaire se trouvaient résumés en ces dernières paroles « Robespierre, je t'accuse d'avoir, autant qu'il était en toi, méconnu, avili, persécuté les représentants de la nation, et fait méconnaître et avilir leur autorité. Je t'accuse de t'être continuellement produit comme un objet d'idolatrie, d'avoir souffert que, devant toi, on te désignât comme le seul homme vertueux en France qui pût sauver le peuple, et de l'avoir fait entendre toi-même; je t'accuse enfin d'avoir évidemment marché au suprême pouvoir. » Ce fut par une savante tactique que Robespierre sut faire tourner à son avantage cette attaque prématurée, et sa popularité et son crédit sur l'assemblée s'accrurent par cette épreuve, où il avait paru devoir succomber. Il trouva bientôt un moyen d'y ajouter encore.

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Le 30 novembre, des pétitionnaires entendus à la barre ayant réclamé avec force contre la rareté et la cherté des subsistances, Robespierre déclara que la détresse publique devait être attribuée aux machinations de l'aristocratie, dont la cause était au Temple; il demanda donc que Louis Capet fût jugé sur-le-champ, que sa femme fût traduite au tribunal criminel, et que leur fils restât enfermé jusqu'à la paix. Il s'écria qu'il ne s'agissait pas d'un acte juridique, mais d'une mesure de salut public, d'un acte de pro

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vidence nationale; que Louis XVI n'était point un accusé, mais un roi détrôné; que les membres de la Convention n'étaient point des juges, mais des hommes d'État; et il termina enfin cette harangue, dont chaque mot était un coup de poignard, par ce cri régicide : « Il faut que Louis meure, parce qu'il faut que la patrie vive! » Le procès fut aussitôt entamé; Robespierre en régla la marche, en détermina l'issue. Son vote sur la question capitale ne fut que le corollaire sententieux et implacable de sa première argumentalion. Enfin, il affecta de reproduire en tout le rôle de Brutus sacrifiant Césarà la liberté de Rome.

Dans la séance même du fatal 21 janvier, on entendit Robespierre reproduire avec une fausse chaleur le vœu de l'abolition de la peine de mort. A cette époque eut lieu une tentative de fusion entre les divers partis qui divisaient l'assenbéle; leurs chefs entrèrent ensemble au comité de défense générale, précurseur du comité de salut public, et l'on y vit figurer à la fois Robespierre et Brissot, Danton et Vergniaud; mais de ce contact passager sortit bientôt l'antagonisme le plus haineux. Une rupture définitive, préparée par l'échauffourée du 10 mars, éclata à la fin du même mois, et, le 28, Robespierre déclara à la tribune qu'il ne pouvait plus siéger dans une commission où régnait l'esprit le plus contrerévolutionnaire. La défaite, et ensuite la défection de Dumouriez servit de prétexte à cette déclaration, qui compromettait à la fois et les chefs de la Gironde, adversaires politiques de Robespierre, et Danton son rival. Dès lors, la Convention fut divisée en deux camps ennemis, la Montagne conspira ouvertement contre la droite, et des hostilités croissantes chaque jour furent, pendant deux mois, les préludes de la catastrophe du 31 mai. Nous nous abstiendrons de tout détail sur la chute des autres factions qui tombèrent successivement sous les coups de Robespierre, et dont la défaite livra au comité de salut public un pouvoir dont cet homme fut le chef réel, jusqu'à ce qu'il voulût en être le chef titulaire (voy. DANTON, HÉBERTISTES, JACOBINS); nous nous bornerons à exposer rapidement, d'après les meilleurs documents historiques, la marche que suivit Robespierre dans le but d'arriver à des résultats si prodigieux. Pour une foule de gens, « Robespierre n'est pas encore jugé.» Sans prétendre expliquer sa conduite, nous croyons pouvoir essayer de faire comprendre son caractère.

Robespierre eut des opinions plutôt que des principes, et des penchants plutôt que des con

victions. Le sentiment de personnalité vaniteuse | les perdre, il prétendit que leur présence dans l'assemblée y entretenait des divisions qui ne permettraient jamais l'achèvement de la constitution républicaine promise à la France. Cette constitution fut en effet bâclée en un instant après leur départ; mais à peine eut-elle été décrétée par la Convention asservie, et acceptée par des simulacres d'assemblées primaires, que Robespierre fit couvrir d'un voile sacré et replacer dans l'arche ces tables d'une loi dérisoire à force d'absurdité, et que, par l'organisation du gouvernement révolutionnaire, il mit à l'ordre du jour la force en même temps que la terreur.

Ce fut dans les derniers jours de l'année 1793 que ce redoutable principe fut proclamé par lui à la tribune. A cette époque, toutes les révoltes de l'intérieur avaient été comprimées par la violence; mais deux factions embarrassaient encore à Paris la marche du pouvoir : au 31 mai, Robespierre s'était servi de la commune pour décimer la Convention; huit mois après, il chercha dans la société des Jacobins son point d'appui contre cette même commune, qui prétendait rivaliser de puissance avec le comité de salut public. Ses chefs avaient érigé l'athéisme en dogme, et associé, par une surprise, la Convention à cette consécration impie. Bien loin d'y prendre part, Robespierre l'accueillit d'abord avec dégoût, et il ne tarda pas à en manifester une profonde horreur. A l'athéisme, à l'immoralité préchés par Anacharsis Clootz, Hébert et Chaumette, Robespierre opposa, théoriquement du moins, la vertu, la justice et la probité; il flétrit du nom d'enragés et d'ultra-révolutionnaires les chefs de la commune et du club des Corde

et jalouse, qui fut le trait essentiel de son caractère, devint le mobile de toute sa conduite. La première ambition du despote naissant fut celle des succès de tribune; cette ambition se changea en haine furieuse contre ceux qui l'écrasaient de la supériorité de leurs talents, et parce qu'il ne pouvait les égaler, il se laissa entrainer à les proscrire. « Il eût composé avec ceux qui n'auraient manqué que de patriotisme, jamais avec ceux qui auraient manqué de respect à son talent. Content d'avoir cru faire renaître chez les❘ Français l'éloquence athénienne, d'être devenu le rival de Démosthène et d'Eschine, peut-être ne fut-il pas devenu celui de Marius et de Sylla. Il se fit tyran par impuissance d'être autre chose '. » Quand, après sa victoire au 31 mai, et l'opposition insurrectionnelle qui se développa dans presque toute la France contre les résultats de cette journée, la tyrannie devint pour Robespierre une sorte de nécessité et une condition impérieuse d'existence personnelle, son grand art fut de lier la conservation de cette existence et le succès de ses desseins ambitieux au triomphe de la cause révolutionnaire. On ne saurait méconnaître que, dans l'accomplissement de cette tâche, il ait fait preuve d'une habileté peu commune; sans doute ses moyens furent odieux, puisqu'il ne crut pas acheter trop cher le succès en le payant par le crime: Dieu nous garde de justifier la mémoire d'un pareil homme! selon nous, cependant, il ne serait pas moins injuste de prétendre que chez lui la soif du sang fût un penchant instinctif, comme chez ces tigres à face humaine appelés Carrier, Joseph Lebon, Maignet, Collot-d'Herbois et Billaud-Varennes. Son crime, à lui aussi, ce fut de neliers; il poursuivit en même temps, sous le nom voir dans les hommes que des chiffres, et de les sacrifier sans pitié aux calculs de sa politique. Or, si l'on recherche avec attention, à travers le fracas des troubles civils et parlementaires, les développements de cette politique, on demeurera convaincu qu'elle tendit constamment à la réorganisation de l'ordre social, par le rétablissement du principe de l'unité dans le pouvoir; Robespierre aspirait, pour lui ou pour un autre,surrections, jusqu'au principe insurrectionnel. au gouvernement d'un seul. Il faut une volonté une, écrivait-il dans une note trouvée chez lui après sa mort '. Il marcha avec persévérance vers ce but, depuis la chute des girondins qui lui eussent toujours fait obstacle. Pour

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d'indulgents et de corrompus, Danton et ses amis; et, pour venir à bout de ces deux partis rivaux, il eut l'art de faire attaquer l'un par l'autre. Ayant déblayé le terrain sur lequel il voulait asseoir son trône dictatorial, il alla attaquer au sein de la société des Jacobins le faible reste des influences municipales, et il parvint enfin à détruire, dans ce foyer permanent d'in

Sous le titre de maire et d'agent national de la commune de Paris, Fleuriot-Lescot et Payan ne furent en effet que des commis de salut public; Robespierre, âme du comité omnipotent, était ainsi, de fait, le suprême directeur du gouvernement révolutionnaire, c'est-à-dire le maire de la France... Louvet avait donc eu raison.

Cependant, une si haute situation était essentiellement précaire, jusqu'à ce qu'elle fût

légalement reconnue par le peuple français, | Paris! contre vous, qui avez voulu sauver le consacrée par l'adhésion explicite de la Con- | tyran! contre vous, qui avez conspiré avec Duvention, et surtout des membres du comité qui partageaient nominalement le pouvoir avec le dictateur. Ce fut à ce dernier pas, le plus difficile à faire, que le pied lui manqua. Avant d'arriver à ce dénoûment si imprévu et si miraculeux, arrêtons-nous un moment pour considérer | la nature des moyens, agents de l'élévation de Robespierre, et causes de sa chute.

A l'époque de ses débuts, orateur du troisième ordre, tout au plus, sa parole resta toujours bien au-dessous de celle de Mirabeau, Barnave, Maury, Cazalès, Duport, Vergniaud, Guadet et même Danton sa manière était à la fois lourde et prétentieuse. Embarrassé et vague dans ses exordes, il était faux et diffus dans ses développements; il mettait les déclamations à la place des mouvements oratoires, et remplaçait l'enthousiasme par l'exagération; enfin, il était prodigue de ces lieux communs à l'usage du mauvais goût et des instinets révolutionnaires; mais ce dernier vice devenait pour lui un puissant moyen d'action auprès des masses populaires, des tribunes, des clubs et des députés qui partageaient ses opi- | nions. Quant à ses adversaires politiques, s'il réussit à vaincre si souvent sur le terrain de la discussion ceux qui lui étaient le plus supérieurs par leurs moyens oratoires, c'est qu'il ne les attaquait jamais que vers la fin d'une séance, lorsqu'ils étaient épuisés par les efforts de leur éloquence, et que la fatigue de l'assemblée ne laissait presque plus de place à son attention. C'était à ce moment que, par quelques mots impérieux, Robespierre savait ramener à lui cette attention et faire prendre au débat une face toute nouvelle. S'attachant alors au seul point de la question où ses adversaires s'étaient montrés vulnérables, il les harcelait par les traits les plus incisifs, les accablait quelquefois sous une série d'arguments sans réplique, et ne les abandonnait que lorsque l'heure de la clôture et les dispositions finales de l'auditoire lui avaient assuré la conquête du dernier mot et le gain de la journée. Cette tactique ne lui valut jamais un succès plus éclatant et plus funeste que celui qu'il obtint à la fin de la séance néfaste du 31 mai. Interrompu, dans une verbeuse et monolone déclamation par Vergniaud, qui lui cria: Concluez donc il écrasa le grand orateur sous ces foudroyantes paroles : « Oui, je vais conclure, et contre vous! contre vous, qui après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à l'échafaud ceux qui l'ont faite! contre vous, qui n'avez cessé de provoquer la destruction de

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mouriez! contre vous, qui avez poursuivi avec acharnement les mêmes patriotes dont Dumouriez demandait la tête! contre vous, dont les vengeances criminelles ont provoqué ces mêmes cris d'indignation dont vous voulez faire un crime à ceux qui sont vos victimes! Eh bien! ma conclusion, c'est le décret d'accusation contre les complices de Dumouriez et ceux qui sont désignés par les pétitionnaires! En celte journée, Cicéron fut vaincu par Catilina; Vergniaud se tut, et il ne reprit la parole que devant le tribunal révolutionnaire.

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On ne saurait le méconnaître le talent de Robespierre avait remarquablement grandi au milieu de ces luttes. Ses nombreux rapports, au nom du comité, sur toutes les questions d'intérêt général, indépendamment de cette hauteur et de cet ensemble de vues qui n'appartiennent qu'à l'homme d'État, offrent souvent ces précieuses qualités de style qui caractérisent l'orateur. Parmi ces documents historiques, qui sont aussi des monuments littéraires, nous citerons les rapports du 27 brumaire an 11, sur la situation politique de la république; du 5 nivôse, sur les principes du gouvernement révolutionhaire; du 18 pluviôse, sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention dans l'administration de la république, et enfin du 18 floréal, sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales. OEuvre très-étendue, et prolégomènes du fameux décret par lequel la Convention déclara, au nom du peuple français, qu'elle reconnaissait « l'existence de l'être suprême et l'immortalité de l'âme, » ce dernier rapport surtout obtint un succès d'enthousiasme, où l'amour-propre de Robespierre ne trouva pas moins son compte, que son ambition révolutionnaire. L'adulation inventa de nouvelles formules pour louer dignement l'ouvrage et l'auteur. Des lettres, nombreuses trouvées parmi les papiers de celui-ci, attestent ce concours d'hommages, tribut du fanatisme ou de la peur. Qu'on juge à quel point dut en être enivré l'orgueil de l'homme chez qui l'on disait qu'il ne fallait plus qu'un seul homme d'esprit en France!

Alors, plus qu'à aucune autre époque, Robespierre dut croire qu'il touchait enfin au but de tous ses vœux; alors aussi, la France put se flatter de voir un régime plus doux succéder au régime de fer qui l'accablait depuis deux ans ; et ce changement de système, cette résurrection

sociale, elle ne l'attendait que de Robespierre. | d'un lien exécrable aux féroces exécuteurs des Beaucoup de considérations semblaient justifier mesures acerbes prescrites par le comité de salut cette espérance, et l'on ne doute plus guère au- public, aux ordonnateurs de ces mêmes mesures jourd'hui qu'elle n'eût un fondement réel dans dont l'esprit et l'ensemble avaient reçu le baples dispositions de celui sur qui elle reposait. tême ineffaçable de son nom. Quelquefois, il En effet, si, dans le grand ensemble du système avait tenté de modérer, quant aux faits, l'applirévolutionnaire, Robespierre avait paru attein- |cation des principes posés par lui-même. Mais dre au dernier degré d'exagération; si, le 5 ni- qu'arrivait-il alors? c'est que les agents du covôse an II, on l'avait entendu s'écrier: « Le mité, déroutés par ces démonstrations contragouvernement révolutionnaire doit aux bons dictoires, les signalaient comme des anomalies citoyens toute la protection nationale; il ne doit inexplicables et pernicieuses dans la marche aux ennemis du peuple que la mort! » Loin gouvernementale. Avec ces anciens complices, d'étendre ce vœu de proscription à des catégo- qu'il fallait transformer en criminels, Robesries tout entières, souvent il avait soutenu un pierre avait encore en tête une autre classe principe favorable aux exceptions. Ainsi dans la d'hommes plus redoutables que les premiers, séance du 3 octobre 1793, il fit écarter le décret parce qu'ils étaient moins odieux : c'étaient les d'accusation proposé à l'égard de 75 députés amis de Danton, débris de son parti restés seuls signataires d'une protestation contre les événe- debout après sa chute, et d'autant plus dangements du 31 mai; ainsi, le 26 frimaire, il défen- reux pour Robespierre, qu'à un profond ressendit aux Jacobins les prêtres dont l'exclusion en timent de la mort de leurs chefs, quelques-uns masse de la société était demandée à grands cris; unissaient un talent remarquable, et que, chez ainsi, plus tard, on le vit, à la Convention, sous- tous, l'attente de la proscription avait fait naître traire aux dispositions de la loi dite des sus- l'énergie de la peur. Parmi eux, on distinguait pects les anoblis par charges de finance, et s'op- surtout Tallien, Legendre, Thuriot, Guffroy, Leposer à la proscription des 8,000 signataires de cointre de Versailles, Merlin de Thionville, Barla pétition contre les auteurs des troubles du ras, Fréron, Fouché, Rovère et les deux Bourdon. 20 juin 1792. Malgré les efforts de ses collègues Aux traces de chacun de ces hommes, appelés du comité, il faisait maintenir le principe de la depuis les thermidoriens, Robespierre avait atliberté des cultes; enfin, s'élevant avec force taché des espions qui les suivaient partout et lui contre la propagande révolutionnaire, à l'exté- rendaient compte, jour par jour, de leurs moinrieur de la France, il dénonçait la perfidie prus- dres démarches '. sienne de ces hommes qui voulaient la république, ou plutôt l'incendie universel. « Les deux extrêmes, disait-il, le 5 nivôse, à la Convention, aboutissent au même point. Soit en deçà, soit au delà du but, le but est également manqué. » Ces actes et ces paroles signalent assez la ten-cret, et la célébration en fut fixée au 20 prairial dance de Robespierre vers un meilleur ordre de choses. Mais en même temps qu'il se ménageait des auxiliaires pour accomplir cette nouvelle mission, il se créait des ennemis qui devaient en contrarier le succès. Placé dans une fausse position par sa participation ancienne et toute prépondérante au système que maintenant il voulait détruire, et par les nouveaux intérêts qui le poussaient à cette destruction, ses projets pour l'avenir ne pouvaient se réaliser qu'en soulevant contre lui le poids énorme des récriminations du passé. Forcé d'en racheter les accablants souvenirs, en livrant, en expiation, le sang des plus fougueux promoteurs des excès révolutionnaires, il ne pouvait signaler en eux des coupables, sans trouver aussitôt en eux des accusateurs. La solidarité du crime l'unissait

Tel était l'état des choses et la disposition des esprits, lorsqu'au mois de mai 1794, Robespierre prononça son fameux rapport sur la reconnaissance de l'Être suprême par le peuple français. Une fête solennelle, destinée à consacrer cette mémorable déclaration, fut ordonnée par dé

(8 juin 1794). Robespierre voulut que cette solennité fût un grand événement national; il en fit, en quelque sorte, le sacre de son autocratie républicaine. En ce jour, où, croyant marcher vers le trône, il fit en effet un premier pas vers l'échafaud, il n'oublia rien de ce qui pouvait lui faire une place à part et l'élever au-dessus de ses égaux. Nommé pour la seconde fois, et à l'unanimité, président de la Convention, cet étrange tribun n'avait jamais consenti à souiller son costume par l'adoption des insignes révolutionnaires; jamais le hideux bonnet rouge ne s'était posé sur sa tête poudrée à blanc. Sa mise, toujours soignée, était, le 20 prairial, d'une élé

Voir, dans le Rapport de Courtois, pièces justificatives nos 50 et 51, les comptes rendus de ces agents à Robespierre.

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