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vice-président. M. Étienne avait laissé en blanc le chiffre du traitement. L'urgence fut décidée, et la nomination du vice-président remise jusqu'après le vote de la proposition.

Le projet de décret, présenté, le 19 janvier, par M. Gouin, au nom du comité des finances, se composait de deux articles. Le premier fixait le traitement du vice-président à 60,000 fr. Trois amendements produits par M. Gent, M. Antony Thouret et M. Charassin proposèrent de réduire le traitement, l'un à 24,000 fr., l'autre à 40,000 fr., et le troisième à 48,000 fr. Cedernier chiffre fut adopté dans un scrutin de division, à la majorité de 516 voix contre 233. Le chiffre de 60,000 fr., proposé par le comité des finances, avait d'abord été rejeté par 372 voix contre 270. Une discussion animée précéda ce vote. Les uns pensaient qu'il n'était pas nécessaire que le régime républicain fût tnauguré avec cette mesquinerie qui n'aurait pour résultat que de rendre plus brusque la transition du passé au présent. Selon eux, une grande nation devrait faire à ceux qu'elle met à sa tête une situation en rapport avec sa propre grandeur. Telle était l'opinion de M. Perrée qui s'étonnait encore qu'on pût penser à mettre le second grand fonctionnaire de l'État sur la même ligne que les ministres, c'est-à-dire au-dessous du rang qu'il occupe d'après la Constitution. MM. Babaud-Laribière, Gent et Antony Thouret comprirent d'une autre façon la dignité de la République. Le premier de ces orateurs définit le vice-président de la République un surnuméraire, et pensa que lui donner une liste civile élevée serait en faire un aristocrate.

Le second article du projet avait pour but d'affecter le PetitLuxembourg au logement du vice-président. M. Gent, à son tour, irouva cette résidence trop aristocratique, et proposa de loger ce haut dignitaire dans le bâtiment occupé par le conseil d'État. Le ministre des Travaux publics, M. Lacrosse, trancha la question par un moyen terme qui réduisait l'article du projet à cette simple disposition: « Le vice-président de la République sera logé aux frais de l'État. » Ainsi le Gouvernement aurait le choix de la résidence qui serait assignée au vice-président.

La situation du vice-président étant déterminée, l'Assemblée eut à choisir entre les trois candidats. M. Boulay (de la Meur

the), porté le premier sur la liste, fut élu à la majorité de 417 voix contre 277 données à M. Vivien. M. Boulay (de la Meurthe), après avoir prêté serment, prononça un discours modeste et convenable, plein de respect pour les institutions républicaines, de reconnaissance pour le Président, son ancien ami, et pour l'Assemblée qui l'honorait de ses suffrages (20 janvier).

Ainsi était complété le gouvernement du 10 décembre.

CHAPITRE II.

LA POLITIQUE DANS LES FINANCES.

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LOIS DE FINANCES (1). — Réforme de l'impôt du sel, discussion, caractère politique du vote, précipitation malheureuse, l'épreuve des trois lectures jugée nécessaire. Jugement du vote par le pays. Sels étrangers, droit prohi bitif, enquête parlementaire. Projets d'impôts nouveaux, revenu mobilier, exemption de l'agriculture, réclamations du commerce et de l'industrie, chambre de commerce de Lille, critique du projet, M. Passy le retire. Projet d'impôt sur les successions et les donations, projet primitif de M, Goudchaux, l'impôt progressif et le communisme, la propriété personnelle et la propriété héréditaire, amendements de la commission, M. Billault et M. Passy, tactique transparente, faut-il désarmer la France? seconde délibération. Douanes, révision des valeurs. Projet de taxe sur les biens de main-morte. Conséquences financières de la Révolution de Février, crédits irréguliers, liquidation des ateliers nationaux. - Esquisse du budget, - Conspiration financière, propositions dirigées contre le cabinet, examen du budget par une commission, proposition de M. Billault pour le règlement du budget des recettes avant le budget des dépenses, vote sur l'urgence.

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On se rappelle qu'au moment où la monarchie de Juillet avait disparu sous les ruines de la vieille société française, le Gouvernement allait réaliser progressivement et sans efforts une des réformes matérielles les plus désirables, celle de l'impôt sur le sel. Le 3 janvier 1848, M. Dumon, ministre des Finances, avait présenté un projet réduisant le prix du sel à 50 centimes par kilogramme.

(1) Le nombre et la diversité singulière des projets de loi, propositions, interpellations et incidents qui ont occupé cette année la législature, nous a, plus encore qu'à l'ordinaire, imposé l'obligation d'un ordre artificiel mais inévitable. Une Chambre unique, divisée en comités nombreux, en sous-comités et en commissions, a pu, à toutes les heures de son existence, diviser ses travaux et partager ses efforts sur cent objets différents. L'analyse ne peut, sous peine de con

Pendant les dix mois d'agitation profonde qui avaient suivi la Révolution de Février, aucun des gouvernements qui s'étaient succédé n'avait jugé opportune la réduction, encore moins l'abolition de cet impôt. Si, en effet, le Gouvernement provisoire l'avait sérieusement voulue, s'il y avait vu autre chose qu'une flatterie d'un moment adressée aux classes pauvres, il eût décrété l'abolition de l'impôt à partir du 1er juillet 1848. Le décret qui porta abolition de l'impôt à partir du 1er janvier 1849, et cela à la veille des élections du mois d'avril, ne fut évidemment qu'une manœuvre électorale. Le gouvernement qui se retirait devant le résultat du scrutin du 10 décembre, n'avait pas voulu cette réforme d'une manière plus sérieuse autrement, il eût, lui aussi, proposé un terme plus rapproché, et non pas le 1er avril 1850.

L'Assemblée nationale fut saisie, le 27 décembre, de la discussion des différents projets relatifs à l'impôt du sel. Un premier projet, présenté le 28 août par M. Goudchaux, rapportait le décret du Gouvernement provisoire, en date du 15 avril, et ordonnait que la taxe actuelle continuerait à être perçue. Un second projet, présenté par M. Trouvé-Chauvel, le 23 novembre, portait qu'à partir du 1er avril 1850, l'impôt du sel serait réduit des deux tiers. Enfin, M. Lagarde, rapporteur d'une commission spéciale, présentait cette disposition principale: « A partir du 1er juillet 1849, l'impôt du sel est réduit à 10 centimes par kilogramme. »

Le principal argument de M. Passy contre la réduction fut tiré de la situation financière. Pouvait-on porter une pareille atteinte au Trésor dans un moment où la fortune publique était encore menacée par des déficits trop réels? Jamais, même aux jours de la plus grande prospérité, on n'avait vu le budget des recettes atteindre 1 milliard 400 millions; dans le dernier projet de budget présenté par le gouvernement de Juillet, il ne s'élevait qu'à un milliard 370 millions, chiffre auquel on n'était jamais parvenu.

fusion, reproduire les complications de ces travaux divers et parallèles. On ne s'étonnera donc pas si des discussions de natures opposées se rencontrent et se commandent quelquefois dans notre résumé, ou si des projets financiers, admi-· nistratifs ou purement politiques se dédoublent dans notre récit, bien qu'ils aient été réunis dans les émotions et dans les débats de l'Assemblée constituante.

Il ne serait que de 1 milliard 200 millions en 1848, si l'on défalquait le produit des 45 centimes. Il faudrait s'estimer heureux s'il atteignait un milliard 300 millions en 1849, en supposant qu'on n'imposât pas au pays la charge d'impôts nouveaux. Quel était, au contraire, le budget des dépenses? Le dernier, celui qui finissait avec l'année, dépassait 1 milliard 800 millions. Celui qui avait été présenté récemment par M. Trouvé-Chauvel allait à un milliard 600 millions. Ainsi, on avait d'un côté 1 milliard 300 millions de ressources régulières fournies par l'impôt; de l'autre, des charges obligées pour une somme de 1 milliard 600 ou 700 millions. Et c'est ce moment qu'on choisissait pour diminuer les ressources! On allait terminer l'exercice de 1848 avec un déficit de 250 millions, et commencer celui de 1849 avec un déficit de 200. Et on parlait de réduire un impôt qui fournissait 70 millions au Trésor, et de faire de gaîté de cœur l'abandon des deux tiers de son produit.

La Chambre commença par repousser, à la majorité de 417 voix contre 356, un amendement de M. Saint-Romme, portant que le décret du 13 avril conserverait sa force première, c'est-àdire que l'impôt du sel serait entièrement aboli à partir du 1er janvier 1849. Elle adopta ensuite l'art. 1er du projet de la commission, qui abrogeait ce décret (27 décembre).

Restait le projet de la commission, contenu dans l'article 2. M. Anglade vint l'aggraver encore par un amendement qui fixait au 1er janvier 1849 la réduction des deux tiers. Le scrutin de division qui eut lieu sur cet amendement donna une majorité de 403 voix contre 360. Une disposition relative au droit différentiel acquitté par les sels étrangers ayant été votée ensuite, nonobstant l'opposition des représentants de l'Ouest, un nouveau vote sur l'ensemble de la loi modifia le résultat définitif; néanmoins la réduction fut encore votée au scrutin secret par 372 voix contre 363.

Ou pensa qu'il fallait attribuer à ce vote un caractère politique, et que la majorité avait voulu faire ainsi un acte d'hostilité contre le nouveau Gouvernement. Peut-être quelques-uns de ceux qui avaient ainsi porté un coup terrible aux finances du pays avaientils été conduits par la pensée secrète de se donner une popula

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