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Les trois autres officiers demandèrent alors à s'expliquer; ils le firent en termes respectueux. « Je me fie à votre parole et à vo» tre honneur, dit alors le général, et je lève, en ce qui vous » concerne, l'ordre donné par moi, qui n'était qu'une mesure » disciplinaire; retournez à vos casernes et prêchez l'ordre et la » soumission aux lois. Rappelez-vous surtout que je suis entouré » de troupes dévouées, et que ceux qui déplaceront les pavés de » la capitale ne les replaceront pas. »

Ce n'était pas seulement contre les factions de la place publique que le Gouvernement déployait cette salutaire énergie. Un réquisitoire du procureur-général demandait à l'Assemblée l'autorisation de poursuivre M. Proudhon, représentant du peuple, comme auteur de l'article insultant pour le président de la République, qui avait démasqué la conspiration démagogique. M. Proudhon monta immédiatement à la tribune, et déclara qu'en écrivant l'article incriminé, il n'avait voulu que soulever dans le pays la question de la reponsabilité du président.

Le lendemain, 28 janvier, le conseil des ministres se réunissait à l'Élysée-National, et, sur le compte que les ministres lui rendaient des incidents de la veille, le président de la République déclarait qu'il n'y voyait aucun motif pour modifier sa politique, et que le Cabinet pouvait compter sur son appui ferme et persévérant,

Enfin était arrivé ce jour désigné par les journaux démagogiques comme le jour de la lutte suprême entre l'Assemblée et le président. Ce n'était pas seulement au sein de la Constituante que le Gouvernement devait être attaqué. Il le savait et se tenait sur ses gardes. A la suite de la scène qui s'était terminée par l'arrestation du chef de bataillon Aladenize, quatre autres commandants de la garde mobile avaient été, on se le rappelle, rendus à la liberté. Ces officiers, MM. Duseigneur, Arrighi, Bassac et Camuset, au lieu de donner, comme ils venaient de le promettre, l'exemple de l'obéissance et de la discipline, s'étaient rendus dans un établissement public, et, de là, ils avaient envoyé des ordres aux officiers subalternes pour faire mettre à exécution le complot. Mais ils avaient été suivis, et la gravité de leurs nouvelles démarches motiva un ordre immédiat d'arrestation. Ils furent conduits à l'Ab

baye. A cette nouvelle, cent cinquante gardes mobiles, qui prenaient, sans titre, la dénomination de délégués, se rendirent à l'Élysée-National, et demandèrent à voir le président de la Répu blique. Ils élevaient la prétention d'exiger l'élargissement de leurs officiers. Le président de la République refusa de les recevoir mais le général Changarnier descendit pour leur parler. Dans une allocution pleine d'une franchise toute cordiale, le général en chef leur expliqua qu'un déplorable malentendu pouvait seul exciter ces désordres; qu'il n'était point question de méconnaître leurs services et de les licencier, et que le Gouvernement n'avait songé qu'à fixer la position légale de la garde mobile.

En effet, l'arrêté du Gouvernement n'avait d'autre but que de régulariser la position de la garde mobile. Après la Révolution de Février, les engagements n'avaient été faits que pour une année. A l'expiration de cette année, dans les termes stricts de la légalité, le licenciement pouvait avoir lieu. Renvoyer la garde mobile, ç'aurait été certainement le premier acte du parti qui voulait, en ce moment, soulever l'irritation dans ses rangs, et qui ne lui avait jamais pardonné sa conduite en juin. Telle ne pouvait être l'intention d'un Gouvernement issu du vote du 10 décembre, et qui devait se rappeler que la France entière s'était associée aux éloges décernés à la garde mobile, après ces fatales et glorieuses journées. Aussi, le Gouvernement n'avait-il fait que réorganiser la garde mobile; elle ne contenait plus que treize mille hommes; il avait réduit à douze le nombre des bataillons, au lieu de vingtquatre. Mais aucun soldat ne serait renvoyé, tous pourraient prendre place dans les nouveaux cadres. Quant à ceux qui ne souscriraient pas un nouvel engagement, ils recevraient leur paie comme un dédommagement jusqu'à la fin de leur engagement. Le Gouvernement avait anticipé sur l'époque où la réorganisation devait être nécessairement faite pour assurer ce pécule aux jeunes soldals qui sortiraient volontairement de la garde mobile. La solde de la garde mobile restait encore supérieure à celle que recevait la garde impériale sous l'empereur Napoléon. Il fallait qu'elle cessât d'être trop au-dessus de la solde des troupes de ligne. L'équité le voulait, et la raison l'indiquait. D'ailleurs, le sort des sous-officiers se trouvait amélioré de fait, puisque, comme dans

l'armée, leur solde devenait supérieure à celle des simples soldats. Pour réorganiser la garde mobile, il fallait toucher au corps d'officiers. On l'avait fait avec tous les ménagements que commandait la justice. Les uns étaient maintenus, les autres rentraient dans l'armée dont ils faisaient partie avant la formation de la garde mobile. Quelques-uns, sans doute, étaient rendus à la vie privée; mais ils ne pouvaient conserver une position qui, dans l'armée, ne s'acquiert qu'après quinze, vingt, trente années de service.

Les loyales explications du général en chef ne purent éclairer les mutins, qui se retirèrent en poussant des clameurs séditieuses. Quelques-uns allèrent recevoir les inspirations directes des chefs de la Montagne : les autres rentrèrent dans leur caserne de la rue Saint-Thomas du Louvre, en criant: Vive la République démocratique et sociale!

Pendant la nuit du 28 au 29 janvier, une fermentation inquiétante se manifestait dans plusieurs casernes. Les sociétés secrètes s'étaient constituées en permanence.

Mais les dangers de la rue n'avaient rien qui pussent trouver l'autorité au dépourva. Le noeud de la situation était dans l'Assemblée nationale. La Chambre adopterait-elle les conclusions du rapport de M. Grévy? Donnerait-elle suite à cet acte d'accusation destiné à exciter les factions du dehors? S'associerait-elle à la sédition de la place publique? Telle était la question terrible posée le lundi 29 janvier.

CHAPITRE VII.

LE CONFLIT DANS LA RUE ET DANS L'ASSEMBLÉE. L'ASSEMBLÉK

SE RETIRERA.

Séance du 29 janvier.

Appareil militaire autour de l'Assemblée.

La garde

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mobile et la démagogie. M. Degousée et M. Jules Favre, accusations de provocation. Propositions Rateau. Discussion, MM. Jules Favre, Fresneau, Victor Hugo, Combarel de Leyval. Position de la question, le scrutin secret et la montagne. Rejet des conclusions du rapport. tation au dehors, la garde nationale, la garde mobile et l'armée, stratégie préventive du général Changarnier. · Proclamation aux habitants de Paris. - Promenade du président de la République. Réalité d'une conspiration, les sociétés secrètes en permanence, attitude de la démagogie dans les départements, insuccès du complot. Arrestation de M. Forestier. Interpellations à ce sujet, M. Sarrans, lettre prétendue du général Chaugarnier au président de l'Assemblée. Réponses de MM. Léon Faucher et Marrast. Proposition d'enquête. La Solidarité républicaine. M. Martin-Bernard et M. Ledru-Rollin, réponse de M. Odilon Barrot. Ce que devient la mise en accusation du ministère. Le calme dans la rue, l'agitation dans l'Assemblée. - Proposition de M. Boulie, les appointements du général Changarnier. Rapport de la commission sur la proposition d'enquête, disIncident soulevé par M. L. Perrée, les journaux de province et les bulletins des préfets, ordre du jour motivé, violences anti-parlementaires. Rejet de l'ordre du jour pur et simple, encore le scrutin secret, question constitutionnelle, l'Assemblée et le président. Déclaration officielle du président, ordre du jour conciliateur du général Oudinot, adoption. Imperfections évidentes de la Constitution, renouvellement exclusif du bureau au profit de la majorité. - Propositions Rateau, amendement de M. Lanjuinais, retrait des autres amendements. M. Félix Pyat, excentricités littéraires. - M. Sarrans et M. de Lamartine. Amendements de tactique, MM. Dupont (de Bussac), Jules Favre et Senard. M. Dufaure. Adoption des articles de la proposition Lanjuinais, adoption du budget. Vote sur l'ensemble. L'Assemblée fixe un terme à ses travaux.

cussion.

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La séance si vivement attendue du 29 janvier s'ouvrit sous de tristes auspices. Le matin, le rappel avait battu dans tout Paris. L'armée et la garde nationale occupaient les rues et les places

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publiques. L'appareil militaire qui, de toutes parts, entourait l'Assemblée annonçait une de ces journées où les agitations du dedans correspondent aux orages du dehors. Jamais l'Assemblée, depuis les premiers jours de son existence, n'avait été aussi nombreuse. Ces précautions stratégiques, qui indiquaient les dangers de la situation, furent d'abord l'objet d'explications de la part de M. le président du conseil. M. Odilon Barrot exposa les motifs de la récente décision à laquelle le Gouvernement s'était arrêté au sujet de la garde mobile il en tit connaître le véritable esprit, mais, en même temps, il ne dissimula pas les fàcheuses complications qui avaient failli en devenir la suite. Les éternels ennemis de l'ordre et de la société, ajouta-t-il, ne s'étaient que trop bien appliqués à exploiter en faveur de leurs passions et de leurs complots les mécontentements que produit toujours le froissement des intérêts individuels. Dans la nuit du dimanche au lundi, un rapport motivé par les informations les plus précises avait fait savoir au Gouvernement qu'il se tramait de coupables machinations. Le devoir de l'autorité publique avait été de prendre sans délai toutes les mesures indiquées par la prudence. Elle avait d'autant moins négligé ce devoir qu'elle aimait mieux avoir à prévenir qu'à réprimer. Des troupes avaient été immédiatement réparties sur tous les points qui pouvaient paraître menacés. En même temps, dès qu'il avait été possible de se concerter avec le président de l'Assemblée, le Gouvernement s'était empressé de lui remettre la direction des forces destinées à garantir la sécurité de l'enceinte législative. On n'avait pas cru devoir éveiller le président de l'Assemblée, au milieu de la nuit, pour le prévenir de ces mesures. De là un malentendu qui se dissipa promptement. C'est en vain que M. Degousée, emporté par une impétuosité qui lui fit dépasser les limites des convenances parlementaires, chercha à faire prendre à cet incident une tournure irritante; c'est en vain que M. Jules Favre, fidèle à sa tactique ordinaire, essaya d'envenimer ce débat les loyales déclarations de M. Odilon Barrot portèrent la conviction dans les esprits.

M. Jules Favre parla de pression exercée sur l'Assemblée. Assurément, si le Gouvernement avait laissé s'établir une lutte violente, on n'eût pas manqué de dire qu'il avait cherché une ocea

« PrethodnaNastavi »