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En résumé, si cette loi devait être promulguée, méritait-elle les violences des partis extrêmes? On en pouvait douter. Ce qu'elle présentait surtout de remarquable, c'était le luxe de précautions dont elle entourait le droit de réunion. Le mot seul de club était supprimé quant à la chose elle-même, il semblait qu'elle sortit du débat plus forte, plus consacrée que jamais. Il restait à savoir par l'expérience si l'Assemblée, loin de supprimer le danger, ne venait pas de l'organiser.

CHAPITRE XI.

LES ÉCONOMIES DE LA CONSTITUANTE.

TRAVAUX FINANCIERS.

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Retour à la proposition de M. Billault. Discussion, M. Passy, réduction de la proposition à ses termes pratiques, rejet. Budgets. Demande de deux douzièmes provisoires, les frais de représentation du président de la République, encore la Constitution violée, vote da crédit. - Budget des dépenses. Absence d'un rapport général. — Le budget de la République rouge, M. Mathieu (de la Drôme). Critiques rétrospectives, dilapidations de la monarchie, M. Fould et les financiers du Gouvernement provisoire. M. Passy, discussion sérieuse, chiffres et faits, amélioration. - Travaux publics, chemins de fer, économies inintelligentes, M. Dufaure et M. Passy, M. Napoléon Daru et M. Stourm, réductions radicales et leurs conséquences. Agriculture et commerce, M. Buffet, M. Tourret, désorganisation proposée de l'enseignement agricole et des manufactures nationales. Intérieur, préfets mis à la retraite, scandale parlementaire, ordre du jour, projet de loi spécial; rejet du traitement du général Changarnier, le double commandement, projet de loi sur cet objet, suppression de l'inspection des théâtres. — Instruction pu blique, manie encyclopédique de la commission, réductions nombreuses, instituteurs primaires. Affaires étrangères, réductions, M. Bastide et les traités de 1815. Cultes. Finances, remboursement de l'impôt des 45 centimes, M. Chavoix et M. Flocon; journée des aveux, M. Duclerc, proposition de banqueroute, impôt sur les riches, papier-monnaie, M. Ledru-Rollin, rejet de la proposition; pensions des pairs et sénateurs, M. Lherbette; réductions radicales, receveurs généraux; encore la banqueroute; M. Goudchaud et M. Ledru-Rollin, accusation contre M. A. Fould, témoignages contradictoires. Budget particulier de l'Assemblée. - Marine, proposition de désorganiser la flotte, impossibilité pratique des réductions, l'Assemblée les repousse. Justice, la magistrature inamovible. Guerre, réductions désorganisatrices de l'armée, ajournement significatif, M. Guichard et le sens vrai des réductions. Budget des recettes. Amendement de M. Latrade, suppression de l'impôt des boissons, vote désastreux.

Concurremment avec ses autres travaux politiques et administratifs, l'Assemblée étudiait les ressources financières du pays, et

cherchait, avec plus de zèle que d'expérience à introduire des réformes plus ou moins heureuses dans le budget du pays. Mais d'abord elle avait dû balayer de sa route certaines propositions, financières seulement par l'apparence, et qui ne servaient peutêtre que d'étiquette à des manœuvres politiques; de ce nombre était la proposition de M. Billault (Voyez plus haut page 35).

Cette proposition vint à discussion le 31 janvier, M. Passy n'eut pas de peine à en démontrer le véritable sens et la portée. M. le ministre des finances établit les différents motifs pour lesquels le vote des dépenses doit toujours précéder celui des recettes, il fit remarquer qu'aux époques de trouble et en temps de guerre il est impossible de faire face aux dépenses avec les seules ressources de l'impôt. Or, pouvait-on affirmer qu'on se trouvait aujourd'hui dans une situation normale? M. Passy exposa encore une série de chiffres précis. Les recettes ordinaires, dit-il, défalcation faite de l'amortissement, qui figure en recettes et en dépenses, de la diminution opérée sur l'impôt du sel, du déficit prévu sur le revenu des forêts, ne peuvent être évaluées à plus de 1,272 millions. C'est à ce chiffre de 1,272 millions que M. Billault voudrait ramener les dépenses. Le budget qui a été présenté s'élevant à 1,630 millions, ce seraient donc des économies montant à 358 millions qu'il faudrait trouver pour pouvoir rétablir immédiatement l'équilibre? Or serait-il possible d'opérer une pareille réduction sur les dépenses proposées? C'est ce dont il est facile de se rendre compte en décomposant le budget. Les dépenses se divisent en deux parties, l'une irréductible, l'autre réductible; la première, qui comprend la dette publique, les dotations, les pensions, les restitutions et non-valeurs, les achats nécessaires pour le service des poudres, des tabacs et des postes, les services départementaux avec affectation de ressources spéciales, s'élève à 690 millions; reste par conséquent, 940 millions pour la partie des dépenses réductible, c'est-à-dire pour les dépenses consacrées aux services des départements ministériels; sur ces 940 millions, les trois ministères qui, de l'aveu même de la commission, peuvent offrir quelque prise aux réformateurs, les ministères de la guerre, de la marine et des travaux publics, en absorbent 668; encore faut-il retrancher, des dépenses affec

tées aux deux premiers, 113 millions qui appartiennent aux services de l'Algérie et des colonies; de telle sorte que la partie des dépenses réductibles sur laquelle on pourrait agir, n'est que de 555 millions. Ainsi, ce que veut M. Billault, c'est qu'on trouve moyen de retrancher 358 millions sur une dépense de 555 millions! Réduite à ces termes pratiques, la proposition de M. Billault ne pouvait supporter l'examen. D'ailleurs, il faut l'ajouter, M. le ministre des finances ne niait pas la possibilité d'opérer des économies graduelles; mais il rappela à l'Assemblée qu'elle avait elle-même, par ses votes, imposé 59 millions de dépenses. nouvelles au budget de 1849, tandis qu'elle avait, en réduisant plusieurs impôts, diminué les ressources de】 52 millions. C'était là, en effet, ce qui avait contribué à déranger profondément cet équilibre qu'on proposait aujourd'hui de rétablir à tout prix. M. Passy termina en déclarant que la proposition si peu sérieuse de M. Billault ne pouvait aboutir qu'à la désorganisation des services; si l'Assemblée pouvait l'adopter, elle reculerait certainement ensuite devant cette œuvre de destruction.

M. Billault ne trouva d'autre moyen de répondre que de déplacer la question. Négligeant les objections si pratiques de M. Passy, il se livra, une fois encore, à des discussions de personne. Il protesta contre toute pensée d'ambition personnelle, répondant ainsi à une objection peut-être fondée, mais que M. Passy avait eu soin de ne pas faire. Il reconnut ensuite que le vote des dépenses doit en général précéder le vote des recettes, mais il prétendit que la proposition était justifiée par ces circonstances exceptionnelles que M. Passy invoquait avec une tout autre autorité. Il revint en termes vagues sur la nécessité de contraindre le gouvernement à opérer de grandes économies. En vain lui cria-ton de préciser ces économies possibles, de livrer enfin son secret financier l'orateur se jeta dans les lieux communs ordinaires : simplification des rouages administratifs, politique extérieure, travaux publics, sans proposer une seule mesure sérieuse, sans émettre une seule vue pratique. Evidemment M. Billault se croyait encore en 1847 son discours n'était qu'une erreur de date.

Après une réplique de M. Passy, qui fit observer que le budget

de 1849 présentait déjà une économie de 154 millions sur celui de 1848, et que jamais, à aucune époque, on n'avait réalisé une réduction aussi considérable d'une année à l'autre, M. Stourm esseya de passionner le débat, en se plaignant de ce que le ministère eût été pris dans la minorité, ce qui, suivant lui, expliquait pourquoi le Gouvernement ne voulait pas effectuer les économies désirées par la majorité. M. Stourm n'oubliait qu'une chose, à savoir que ce budget, qu'il accusait, était précisément l'œuvre du ministère précédent, du ministère de la majorité.

La proposition de M. Billault ne put résister à la discussion: elle fut repoussée par 397 votants contre 390. C'était là encore un vote de conciliation (31 janvier).

Vers le milieu du mois de mars, il y avait déjà trois mois que le projet de budget était soumis à la chambre et cependant la discussion ne s'ouvrait pas. M. le ministre des finances dut, le 12 mars, réclamer deux douzièmes provisoires. L'Assemblée les vota sans difficulté. Mais à cette occasion s'éleva une question qui mit au jour encore une fois les mauvaises dispositions d'une partie de la Chambre pour le pouvoir exécutif. M. Marrast, président de la commission de Constitution, avait annoncé formellement dans son rapport que les frais de représentation de la présidence de la République égaleraient ou dépasseraient même le traitement fixe accordé au premier magistrat de la France. Dans le projet de budget, l'indemnité pour frais de représentation figurait à côté du traitement, et depuis l'installation du Président dans ses fonctions, cette indemnité était payée en vertu d'un état de répartition dressé par le précédent ministre des finances, M. Trouvé-Chauvel. Des cris, des interpellations passionnées accueillirent la régularisation d'un crédit déjà sanctionné M. Deville, M. Antony Thouret, virent là encore, une violation de la Conslitution. Ces scènes peu dignes de la représentation nationale furent terminées par un scrutin qui accorda le crédit à une majorité de 77 voix (12 mars).

La discussion s'ouvrit enfin, le 16 mars, sur le budget des dépenses. Pour la première fois on discutait un budget sur lequel la commission n'avait pas fait de rapport général. M. Goudchaux, rapporteur, déclara qu'il n'en ferait pas. Bien plus, la commission

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