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séquences qu'une pareille réduction de l'armée aurait entraînées dans les circonstances actuelles; jamais peut-être la politique extérieure n'avait présenté autant d'embarras et de difficultés. A l'intérieur, on avait à protéger la société contre des ennemis qui ne prenaient pas seulement la peine de déguiser leurs projets. C'était surtout de l'armée française qu'on pouvait dire qu'elle est l'armée de la civilisation. Envisagée sous le point de vue de notre organisation militaire, la réduction proposée par la commission n'aurait pas eu des résultats moins déplorables; pour ramener l'effectif au chiffre indiqué, il aurait fallu renvoyer les hommes appartenant aux quatre classes les plus anciennes. On aurait ainsi privé l'armée de ses vieux soldats, c'est-à-dire de sa plus grande force, et comme les sous-officiers et les caporaux sortent de leurs rangs, il s'en serait suivi qu'on aurait vu des régiments se trouver sans un sous-officier et un caporal,

Il était difficile de répondre à ces arguments pratiques que fit valoir M. le ministre de la guerre, que développèrent après lui M. Jules de Lasteyrie, M. de Lamartine, M. le général de Lamoricière. Un membre de la commission, M. Guichard, révéla assez imprudemment la pensée véritable cachée derrière ces économies funestes: on n'avait pas méconnu la gravité des circons tances, mais l'administration actuelle n'avait pas les sympathies d'une partie de l'Assemblée. Ainsi, on portait la perturbation dans l'armée pour satisfaire des rancunes personnelles (8 mai).

La Chambre se refusa encore à ratifier la plupart des réductions proposées sur le matériel de l'artillerie, ainsi qu'une économie de 50,000 francs sur le personnel des poudres et salpêtres, qu'elle rejeta au scrutin de divison, par 282 voix contre 247 (9 mai).

Une diminution de 700,000 francs, demandée sur les places fortes fut également repoussée.

Sur le chapitre de l'Algérie, la Chambre consentit à réduire à 12,000 francs le traitement du gouverneur-général (12 mai). Nous renvoyons au chapitre spécial sur les colonies le débat qui s'engagea sur les résultats obtenus en Algérie dans les colonies de 1848.

Avec le budget de la guerre était complété le budget des dé

penses. Le budget des recettes vint à discussion le 17 mai. Aussitôt on vit surgir, sous la forme d'amendements, une foule de dispositions qui devaient porter des atteintes plus ou moins graves au revenu public. Ce n'était pas assez d'avoir obtenu déjà la diminution de la taxe des lettres et la réduction de l'impôt du sel; ces deux mesures avaient laissé dans les ressources du Trésor un vide qu'on n'avait pas encore trouvé moyen de remplir. Par exemple, on vint demander que l'Assemblée décrétât l'abolition de l'impôt des boissons à partir du 1er janvier 1850. M. Latrade, auteur de l'amendement, laissait à trouver au ministre des finances le moyen de remplacer cette importante ressource. M. Passy et M. Gouin n'eurent pas de peine à démontrer ce que cette proposition avait de dangereux. Supprimer l'impôt des boissons, c'était enlever encore au Trésor le revenu de plus de 100 millions. Où trouverait-on le moyen de combler ce nouveau vide? Il faut le dire avec regret, l'Assemblée adopta l'amendement de M. Latrade à la majorité de 293 voix contre 259. Il est juste de dire que l'Assemblée constituante n'avait plus que quelques jours à vivre. Elle imitait donc le Gouvernement provisoire et préparait de gaîté de cœur à l'Assemblée législative tous les embarras qu'on lui avait légués à elle-même !

Le scrutin sur l'ensemble de la loi de budget donna pour résultat sur 581 votants, 571 contre 10.

CHAPITRE XII.

ÉBAUCHES ET AVORTEMENTS LÉGISLATIFS.

ORGANISATION JUDICIAIRE.

Ancien projet, nouveau projet; désorganisation et réforme; cour de cassation, chambre des requêtes; plaidoyer de M. Dupin, les deux constituantes, la grande et la petite; MM. Valette et Odilon Barrot, utilité et abus de la chambre des requêtes; personnel, nombre des conseillers; cours d'appel, suppressions et réductions; interruption, remaniement du projet; institution nouvelle de la magistrature, amendements de M. de Montalembert et de M. Jules Favre; inamovibilité; M. Crémieux était-il républicain le 24 février; l'Assemblée arrête la discussion; pourquoi on avait voulu réorganiser la magistrature; prorogation de l'état provisoire. ORGANISATION DE LA FORCE Publique. - M. Charras et l'armée française ; projet de M. de Lamoricière; y avait-il urgence, ou même opportunité; économie du projet, remplacement, discussion, M. le ministre de la guerre, MM. Besnard, Brunet, Sainte-Beuve, Baraguay-d'Hilliers, de Parieu, Victor Lefranc; le véritable inventeur de l'organisation proposée, M. Joffrès; la commission hostile au principe du remplacement; pécule, cotisation, pension de retraite; ajournement du projet.

RESPONSABILITÉ DES MINISTRES ET DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
Ajournement.

LOI ORGANIQue de l'enseIGNEMENT.
CAUTIONNEMENT DES JOURNAUX.

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Rapport de M. Jules Simon. Demande de prorogation de la loi du 9 août 1848, rapport de M. Dupont (de Bussac); adversaires du cautionnement, M. Ledru-Rollin; prorogation de la loi; liberté accordée au colportage, au criage et à l'affichage jusqu'aux élections; les journaux et les ca

sernes.

BIENS DE MAIN-MORTE. - Vote d'une taxe nouvelle.

IMPOT SUR LES SUCCESSIONS ET DONATIONS. Retrait du projet.

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En même temps qu'elle s'occupait du budget et qu'elle reflétait dans des discussions nombreuses les émotions politiques du

pays, l'Assemblée avait à examiner un grand nombre de projets ou de propositions de l'ordre administratif. Là, presque tout était à faire, car les premiers mois de la Constituante avaient été employés à désorganiser la plupart des institutions fondamentales. Tout avait été remis en question, magistrature, armée, finances, l'esprit de réforme avait tout attaqué, comme la Constitution même du pays. Aujourd'hui se représentaient la plupart de ces tentatives ébauchées pendant les jours de l'anarchie. Le Gouvernement, l'Assemblée elle-même avaient à lutter de toutes parts contre les efforts inexpérimentés des désorganisateurs, contre les théories mal étudiées, si facilement acceptées la veille.

Le 2 février, par exemple, revint à l'ordre du jour un projet relatif à l'organisation judiciaire. Il ne restait là, à la vérité, que quelques traces du projet rédigé par la commission que le Gouvernement provisoire avait instituée quelques jours après la révolution de Février. Ce premier projet, on se le rappelle, remaniait de fond en comble, dans son ensemble et dans ses détails, toute l'organisation judiciaire de la France. Les tribunaux d'arrondissement étaient supprimés; le nombre des cours d'appel était réduit de vingt-sept à dix-neuf; l'institution du jury était appliquée aux mises en accusation et au jugement des délits communs en matière correctionnelle; un grand nombre d'offices ministériels étaient abolis. Enfin, le corps entier de la magistrature devait recevoir une institution nouvelle, et l'inamovibilité des magistrats, base de leur indépendance et de leur autorité, était proclamée incompatible avec le Gouvernement républicain.

Le nouveau projet de loi, préparé par M. Marie et examiné par une commission dont M. Boudet était rapporteur, n'avait pas, à beaucoup près, une portée aussi révolutionnaire. C'était plutôt une loi de réforme qu'une loi d'organisation. Elle s'attachait à corriger, à perfectionner les détails, plutôt qu'à remanier l'ensemble des institutions judiciaires. Rien n'était innové dans les principes, dans les juridictions, dans la compétence. Et pourtant les regrettables inspirations de MM. Crémieux et Martin (de Strasbourg), s'y faisaient encore reconnaître par quelques côtés. Aussi, pouvait-on penser, avec M. Bouhier de l'Écluse, que tout

ce qu'il y avait de nouveau dans le projet était un danger véritable: l'honorable représentant formulait cette opinion par un amendement radical ainsi conçu : « L'organisation actuelle de la justice est maintenue. » Cette organisation', en effet, avec ses circonscriptions, n'était-elle pas consacrée par une expérience de cinquante ans? La plupart des cours et des tribunaux n'avaient-ils pas remplacé d'anciennes juridictions provinciales auxquelles s'attachaient des souvenirs, des habitudes, des intérêts respectables? Le nouvel ordre de choses promettait, il est vrai, la justice à bon marché: mais, par une contradiction éclatante, il éloignait la justice du justíciable et aurait pour effet de la rendre plus lente et plus coûteuse. Depuis un demi-siècle, les mêmes limites étaient tracées aux eirconscriptions judiciaires et aux circonscrip tions administratives par la juxta-position de ces deux pou voirs, n'était-il pas évident qu'on avait voulu leur donner les moyens matériels d'unir et de concerter leur action pour la rendre plus puissante et plus sûre?

Le nouveau projet se divisait en deux parties essentielles. La première avait pour but de modifier la composition des cours et des tribunaux, en réduisant le nombre des magistrats et celui des cours existantes. La seconde réglait l'ordre et les conditions de la candidature à laquelle l'article 85 de la Constitution avait soumis les nominations et l'avancement dans la magistrature. En outre, le projet de la commission comblait une lacune du projet ministériel, en déterminant les causes qui pourraient motiver l'admission des magistrats à la retraite, et les formes dans lesquelles elle devrait être poursuivie et prononcée d'après l'article 87 de la Constitution.

La première question que soulevait le projet était relative à la cour de cassation. Cette cour renferme une chambre civile, une chambre criminelle et une chambre des requêtes. L'existence de la chambre des requêtes est fondée sur le respect dû à l'autorité de la chose jugée. Il n'y a pas trois degrés de juridiction; il n'y en a que deux : le tribunal de première instance et la cour d'appel. Quand ces deux degrés de juridiction ont été parcourus, le procès est vidé, la décision est acquise à la partie qui a triomphé. Quant à la partie qui a succombé, si elle est condamnée injuste

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