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émanât d'un représentant de l'opposition, comme il se trouvait aujourd'hui présenté par le Gouvernement, l'opposition crut devoir l'attaquer. M. Stourm insista pour qu'on opérât des économies héroïques dans le budget. L'orateur voulait qu'on réduisit la marine, l'administration, qu'on supprimat l'armée. C'est aussi le désarmement de la France qu'indiqua M. Billault comme grande ressource économique. Déjà, dans quelques autres circonstances, M. Billault avait paru afficher la prétention de représenter l'opposition dans la Chambre, croyant sans doute qu'aujourd'hui, comme avant février 1848, un chef d'opposition n'était autre chose qu'un chef futur de cabinet. La gauche encourageait secrètement ces doctrines arriérées, sauf à rejeter, au jour du triomphe, celui qui parlait en son nom. M. Billault laissa voir avec quelque complaisance ses prétentions nouvelles, et crut les justifier en disant que le niveau du pouvoir n'était pas tellement élevé qu'il ne fût permis d'y atteindre. Que les choses fussent changées aujourd'hui, qu'il n'y eût plus de place pour une opposition constitutionnelle, qu'il n'y eût plus que deux camps, celui des amis, celui des ennemis de la société, c'est ce que l'orateur, aveuglé par le désir du Pouvoir, ne paraissait pas comprendre. Aussi, sur les bancs de la droite, comme sur ceux de la gauche, on apprécia facilement les déclamations de l'orateur contre un ministère de quinze jours qu'il cherchait à rendre responsable des prodigalités du passé.

M. Passy n'eut pas de peine à répondre à des attaques inspirées par une tactique si transparente. La France était-elle seule dans le monde ? Le Gouvernement avait-il à maintenir le respect du nom français au milieu des agitations de l'Europe, et le meilleur moyen de prévenir les hostilités, était-ce de déposer les armes? Quand viendrait la question extérieure, l'Assemblée aurait à examiner si elle prétendait continuer à suivre la ligne politique qui avait été suivie jusqu'ici, si elle entendait maintenir ou retirer ses paroles engagées. Ce serait seulement alors que la question du désarmement pourrait être traitée d'une manière utile. Quant aux réformes administratives, disait encore M. le ministre, elles ne s'improvisent pas; il y en a de mauvaises : ce sont celles qui désorganisent les services. Parmi celles qui avaient été vo

tées récemment, M. Passy en signalait une comme particulièrement malheureuse, celle qui avait atteint l'administration des forêts.

M. Billault avait espéré entraîner l'Assemblée en l'effrayant sur l'impopularité qu'elle pourrait exciter contre elle par le vote. de nouveaux impôts on connaît les arguments d'usage en pareils cas. M. le ministre des Finances répondit que, sans doute, ce n'est pas sans regrets qu'un Gouvernement se décide à réclamer du pays de nouveaux sacrifices; mais, enfin, le véritable homme d'État accepte courageusement la responsabilité des mesures qui lui paraissent nécessaires.

M. Billault, et, après lui, M. Servières, ayant paru douter des loyales intentions de l'administration, M. Passy termina par ces mots significatifs : « Ou rendez-moi ma mission possible, ou je la résigne. »

La Chambre décida, à une très-forte majorité, qu'elle passerait à une seconde délibération (15 janvier).

Un projet de décret sur les douanes, soumis à l'Assemblée nationale dans les derniers jours de 1848, avait été la consécration pure et simple des diverses mesures antérieurement arrêtées par le Pouvoir exécutif, et n'offrait dès lors rien de véritablement important. Les dispositions principales de ce projet concernaient, d'une part, quelques marchandises d'importation, dont le tarif était modifié, de l'autre, les exportations sous bénéfice de primes. La prohibition à l'entrée des nankins de l'Inde, importés par navires étrangers, était remplacée par un droit de 5 fr. par kil., et ce même droit de 5 fr., qui frappait les nankins venus directement de l'Inde sous pavillon français, était réduit à 1 fr. Les glaces non étamées étaient prohibées à l'entrée, tandis que les glaces étamées ne l'étaient pas. Le décret faisait cesser cette singulière anomalie de tarif en soumettant les premières à des droits spécifiques variant de 10 à 50 fr., selon la superficie des glaces.

Le sol de l'Algérie est, on le sait, riche en minerais donnant d'excellentes fontes aciéreuses, propres à la fabrication des outils et des lames fines. Déjà des compagnies se sont formées pour les exploiter; mais, sans débouchés certains, ces établissements ne

pourraient prospérer. Le décret ouvrait aux fontes d'Algérie le marché métropolitain en toute franchise de droit. Des facilités, en outre, étaient accordées à l'introduction des fontes de Styrie. et de Carinthie, dont la qualité est également estimée. C'étaient là des mesures réellement protectrices de l'industrie du fer, de la quincaillerie, de la coutellerie, etc.

Enfin, le décret proposait la ratification d'une mesure appliquée déjà depuis les six derniers mois de 1848 : à savoir les primes à l'exportation, dont un arrêté du 10 juin 1848 avait doublé le chiffre, en y ajoutant les soieries et les toiles. Ce secours temporaire accordé à l'industrie française lui avait été incontestablement favorable; les exportations y avaient gagné de ne pas succomber tout à fait sous le poids du discrédit commercial.

Déjà, depuis longtemps, la science économique réclamait contre la fixité des valeurs que la douane, dans ses tableaux annuels du commerce, applique aux marchandises importées ou exportées. De ce maintien, en effet, d'une quotité officielle immuable, résultait nécessairement, au bout de quelques années, une appréciation fort inexacte de la valeur réelle des échanges; et, comme la statistique, si bien faite qu'elle soit, ne saurait offrir par ellemême une complète garantie de certitude, il n'en était que plus urgent de réviser les valeurs qui, depuis plus de vingt ans, servent de base à celles des tableaux du commerce. L'administration, par un arrêté du 13 décembre 1848, était enfin entrée dans cette voie qui devait rapprocher les chiffres de douane de la vérité, et montrer plus clairement l'importance des achats et des ventes à l'étranger.

Déjà cette révision des anciennes valeurs avait été opérée dans le tableau public de 1847, qui toutefois les avait conservées en regard des valeurs nouvelles. Il est curieux de voir ce que, par suite de ce rapprochement, étaient devenus certains chiffres officiels. En coton importé, par exemple, la France achetait officiellement à l'étranger pour 81 millions; la valeur actuelle abaissait. ce chiffre à 67. Les tabacs, de 22 millions et demi, tombaient à10. Les bois, au contraire, montaient de 43 millions à 61. A l'exportation, les disparates étaient souvent plus marquées encore; officiellement, on livrait à l'étranger, en 1847, pour

155 millions de cotonnades sortant des fabriques françaises; la valeur actuelle n'était plus que 53 millions, environ le tiers. Les tissus de laine tombaient de 101 à 70 millions; les toiles, de 26 à 21; les soieries, de 166 à 149. En somme, la valeur totale et officielle des exportations (commerce spécial) se réduisait de 891 millions à une valeur réelle de 720 millions; et encore fallaitil remarquer que la révision n'avait pas, pour 1847, porté sur toutes les marchandises.

M. Tourret, par son arrêté du 13 décembre, établit une commission permanente des valeurs.

Un autre projet proposait une taxe annuelle sur les biens de main-morte, taxe représentative des droits de transmission entre vifs et par décès. Les biens de main-morte, on le sait, appartiennent à un être moral qui ne meurt jamais; ils ne changent pas de propriétaire, comme ceux que la mort fait passer de l'un à l'autre par héritage. Ces sortes de biens n'acquittaient pas, jusqu'à présent, les droits de mutation qui atteignent les autres biens à l'ouverture de chaque succession. Il y avait, sans doute, de graves inconvénients à laisser jouir d'une semblable immunité une masse de biens qui restent dans une infériorité de production telle, que, représentant près de 5 millions d'hectares, ou le dixième des propriétés imposables de la France, ils ne donnent cependant qu'un revenu de 64 millions, c'est-à-dire le trente-etunième du revenu général.

Les biens qui devaient être atteints par le nouvel impôt étaient les biens immeubles passibles de la contribution foncière, appartenant aux départements, communes, hospices, séminaires, fabriques, congrégations religieuses, consistoires, établissements de charité, bureaux de bienfaisance, sociétés anonymes et tous établissements publics légalement autorisés.

On voit que, parmi les établissements de main-morte qui allaient se trouver imposés, il y en avait un certain nombre qui ne se soutenaient qu'à l'aide de subventions accordées par l'État; MM. Grellet et Besnard en tirèrent un argument contre le projet de loi, parce qu'on serait obligé d'augmenter ces subventions ent raison du nouvel impôt, c'est-à-dire qu'on prendrait d'une main pour rendre de l'autre; ils objectèrent, en outre, qu'il était im

politique d'imposer les hospices et les établissements de charité; mais MM. Passy, Grévy et Dupin réfutèrent ces objections; ils répondirent que l'impôt était juste; qu'il avait pour but de faire disparaître un privilége en matière d'immeubles; qu'il ne porterait que fort peu sur les fondations charitables; qu'il n'y avait, d'ailleurs, rien de contradictoire entre la subvention et l'impôt, et que, quant aux hospices et aux établissements de charité, comme ils sont à la charge des communes, les pauvres ne sauraient en souffrir.

Le projet primitif assujétissait également à la nouvelle taxe les droits d'usage en bois appartenant à des communautés d'habitants dans les forêts des particuliers et de l'État; mais la commission avait considéré que ces droits constituaient une servitude et non une propriété, que, d'ailleurs, ils étaient incessibles, et que, par conséquent, ils ne pouvaient être passibles d'un impôt qui prend sa source dans la transmission; elle proposait donc de ne leur rien demander.

La taxe annuelle à percevoir sur les biens de main-morte devait être de 5 010 du revenu, taxe un peu moins élevée que le montant des droits de mutation qui grèvent les biens des particuliers; nous avons dit que le revenu des biens de main-morte était estimé à 64 millions; l'impôt rendrait donc plus de 3 millions; mais il faudrait en distraire l'augmentation de secours qu'il serait nécessaire d'accorder aux établissements subventionnés.

L'Assemblée décida qu'elle passerait à une seconde délibération (16 janvier).

Parmi les conséquences financières de la Révolution de Février, il fallut placer un projet de loi tendant à ouvrir un crédit de 584,000 fr. au ministère de l'Intérieur pour dépenses diverses effectuées sans crédits réguliers à la suite de la Révolution; le rapport, présenté par M. Lempereur, au nom du comité des finances, contenait de curieux renseignements.

Le chapitre qui fixait principalement l'attention contenait une demande de 180,000 fr. pour traitements et indemnités aux préfets. Il résultait, disait le rapport, des documents fournis au comité des finances, qu'en évaluant à une période moyenne de trois mois la durée de la mission des commissaires du Gouvernement

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